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lundi 23 septembre 2024

Yonne : dix "codétenus de soutien" formés pour prévenir le risque suicidaire au centre de détention de Joux-la-Ville

Yonne : dix "codétenus de soutien" formés pour prévenir le risque suicidaire au centre de détention de Joux-la-Ville
De Clément Viron
Lundi 16 septembre 2024 Par France Bleu Auxerre 

En France, un détenu se suicide tous les trois à quatre jours. Au centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne), dix prisonniers ont été formés au rôle de "codétenus de soutien". Leur mission : prévenir le risque suicidaire et soutenir leurs pairs en détresse.

  Les dix "codétenus de soutien" ont suivi une formation sur un mois pour prévenir le risque suicidaire. © Radio France - Clément Viron

C'est une hécatombe invisible. Du choc carcéral à l'isolement, des conditions de détention aux remords, le taux de suicide en prison est six fois plus élevé qu'à l'extérieur. Cette année, déjà plus de 90 détenus se sont donnés la mort. Au centre de détention de Joux-la-Ville, dix "codétenus de soutien" dont deux femmes ont suivi plusieurs formations, dans le cadre de la lutte contre le risque suicidaire en prison. "J'essaie d'aider, comme j'aurais bien aimé être aidé", avance Sébastien, en prison depuis "plusieurs années". L'établissement icaunais est le 19e en France (sur 180) à mettre en place ce dispositif.

"La confiance, c'est la clé"

Tous se sont portés volontaires. Une mission qui tient particulièrement à cœur à Sébastien. Au début de sa détention, il a vécu un "choc carcéral", qui caractérise le moment où tout bascule, ce passage brutal du "dehors" au "dedans". "On se retrouve isolé, on se renferme sur soi. C'est pas évident. J'ai voulu faire cette formation pour aider les gens et pour éviter qu'ils vivent ce que j'ai vécu", raconte le détenu. Désormais, il sait repérer les situations de détresse. "Ça peut être des personnes qui pleurent, qui ne veulent pas sortir ou qui ne parlent pas". Face à ce genre de situations, Sébastien leur "propose un café" ou de "marcher un peu" avec eux. "Mais je n'impose rien", souligne-t-il.

Sur leur porte de cellule, une étiquette leur permet d'être identifié en tant que "codétenus de soutien." Mais encore faut-il que les prisonniers en détresse acceptent de se confier. "On ne se livre pas tant qu'on n'a pas confiance. C'est la clé, insiste Jérôme*, un autre détenu. L'avantage avec ce dispositif, c'est qu'on est soumis au secret. Ils le savent d'entrée de jeu. La relation de confiance s'installe donc petit à petit. Ils se livrent à nous, en attendant d'avoir un suivi psychiatrique ou psychologique". Les échanges entre détenus sont davantage informels.

Un suivi psychologique pour "décharger"

Savoir tendre le main, au bon moment et à tout moment, c'est aussi une charge mentale qu'il faut savoir gérer. "Ma technique, c'est de poser à l'écrit, sur papier, indique Jérôme. J'ai un suivi psychologique, au cas où ça déborde." Tous les quinze jours, la Croix-Rouge intervient pour constituer des groupes de parole où les "codétenus de soutien" peuvent eux aussi pouvoir parler "pour décharger" et évacuer tout ce qu'il ont entendu. "Je ne me considère pas comme un sauveur, admet l'homme. Je connais mes limites. Je peux écouter, orienter les gens, pas plus."

"Le codétenu de soutien a surtout un rôle d'alerte, rappelle Darius Délé, chef d'établissement au centre de détention de Joux-la-Ville. Le but n'est pas qu'il porte tout la charge sur lui mais qu'il repère les situations à risque et nous alerte." Cette formation permet aussi à ces détenues engagés de réussir leur future réinsertion. "Ils travaillent autour des notions d'écoute, d'empathie et de citoyenneté, affirme Fabien Réchou, directeur du Service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Yonne. C'est une forme de prévention de récidive, qui leur servira plus tard pour la préparation à la sortie [de prison]." Depuis deux ans, aucun détenu du centre de détention de Joux-la-Ville ne s'est donné la mort.

*Son prénom a été modifié.

https://www.francebleu.fr/infos/societe/yonne-dix-codetenus-de-soutien-formes-pour-prevenir-le-risque-suicidaire-au-centre-de-detention-de-joux-la-ville-9505256