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lundi 17 juin 2024

Reportage Seine-Saint-Denis Pensées suicidaires, attaques de panique… Le Samu psy de Seine-Saint-Denis répond à l’autre bout du fil

Reportage Seine-Saint-Denis
Pensées suicidaires, attaques de panique… Le Samu psy de Seine-Saint-Denis répond à l’autre bout du fil

Depuis la fin du mois de mai, une équipe constituée d’un infirmier psychiatrique et d’un médecin vient en appui du Samu pour les appels liés à des troubles psychiatriques. Objectif : réduire les passages aux urgences, en prenant mieux en charge les patients.Par Elsa Marnette
Le 17 juin 2024  https://www.leparisien.fr/*

Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 3 juin. Une équipe du Samu psy a pris place dans les locaux du Samu 93, au sein de l'hôpital Avicenne, pour gérer les urgences psychiatriques.

« Bonjour, c’est le Samu psy 93 », annonce Kevin Peiro, casque sur les oreilles. Depuis quelques semaines, l’infirmier a rejoint l’aventure du Samu psychiatrique de Seine-Saint-Denis, un dispositif innovant, qui vient d’être mis en place dans les locaux du Samu 93, au sein de l’hôpital Avicenne, à Bobigny.

Toute la journée, cinq jours par semaine, un infirmier, en collaboration avec un médecin psychiatre, assure une permanence téléphonique dédiée aux appels liés à des troubles psychiques ou psychiatriques. Lorsqu’une personne en souffrance appelle le 15, elle échange d’abord avec un agent de régulation médicale puis avec un médecin. Ce dernier peut ensuite décider de transférer l’appel à Kevin Peiro ou un de ses quatre collègues.

Crise d'angoisse et idées noires

« Nous allons par exemple intervenir sur les pensées suicidaires, les attaques de panique, l'agitation sans violence, la décompensation psychotique », énumère la docteure Noémie Ayache, coordinatrice du Samu psy 93, qui a bénéficié d'un financement de 400 000 € du Fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (Fiop) et ce, pour trois ans. Le dispositif a été monté par le docteur Fayçal Mouaffak, psychiatre à l'établissement public de santé mentale de Ville-Evrard.

Ce matin-là, vers 10 heures, l'infirmier psychiatrique a déjà reçu deux appels, « celui d'une dame en crise d'angoisse, puis celui de la mère d'une adolescente qui avait des idées noires et des scarifications, raconte Kevin Peiro. J'ai rassuré la mère et j'ai parlé avec sa fille. Toutes les deux étaient d'accord pour une hospitalisation, donc elles se sont rendues aux urgences par leurs propres moyens. » Il consacre également sa matinée à rappeler les patients ayant téléphoné au « 15 » pendant le week-end. Noémie Ayache se joint à lui et recontacte notamment une femme ayant appelé parce que son conjoint était trop alcoolisé. « Comment ça va, aujourd'hui ? », interroge la psychiatre. « Moi, ça va, c'est juste lui qui pose problème », répond la femme, épuisée, au bout du fil. S'entame alors une discussion sur ses difficultés avec des enfants en bas âge à la maison. Noémie Ayache en profite pour lui parler des soins en addictologie qui existent dans le département.

Les objectifs du Samu Psy 93 sont multiples : « Réduire les passages aux urgences, réduire au maximum les mesures coercitives (sursédation, contention, soins à la demande du représentant de l'État) mais aussi orienter au mieux les familles démunies, car le maillage territorial est très particulier, énumère Noémie Ayache. Il faut être expert. »

Ce dispositif, qui existe à Paris, Lyon et Lille, y a déjà montré son efficacité : « Ici en Seine-Saint-Denis, 80 % des appels codés psy déclenchent un passage aux urgences. Et parmi ces passages aux urgences, 60 % donnent lieu à un retour à domicile, détaille la coordinatrice. Alors qu'à Paris, depuis la mise en place du Samu psychiatrique, 50 % des appels codés psy déclenchent un passage aux urgences. » Un ancien agent de régulation du Samu parisien confirme l'intérêt de ce dispositif : « Les appels des patients souffrant de troubles psychiques ou psychiatriques sont des appels très chronophages. Pouvoir les transférer à un infirmier psychiatrique fluidifie le trafic et rend tout le monde plus serein », explique-t-il.

En revanche, il souligne que « s'il y a un réel risque de passage à l'acte, on fait partir un camion de secours et on reste en ligne. Rien que le temps de la mise en attente, il peut y avoir un sentiment d'abandon qui va déclencher le passage à l'acte. »

« C'est un dispositif de prise en charge de plus »

Anne-Laure Feral-Pierssens, la cheffe du Samu 93, se réjouit de voir arriver le Samu psy dans les mêmes locaux que ses équipes. « L'offre de soins est en difficulté, on a du mal à répondre aux besoins des patients et des familles, qui peuvent ne pas avoir accès à des soins psychiatriques en dehors de l'urgence, constate-t-elle. Le Samu psy vient ajouter des alternatives. C'est un dispositif de plus dans la prise en charge de ces patients. » Elle estime aussi que « cela permet à ces équipes de psychiatrie de prendre le temps d'une régulation de qualité et d'apporter au patient le juste soin au moment où il appelle ».

L'équipe de Noémie Ayache se dit pour le moment « en rodage » mais espère prendre totalement sa place d'ici le début du mois de juillet. À terme, des visites à domicile pourraient également s'organiser grâce à ce dispositif. « Nous voudrions avoir un infirmier posté et un autre qui effectue des visites semi-urgentes, poursuit la coordinatrice de l'équipe. Si une personne appelle le lundi, on va essayer d'aller la voir dans un délai court, d'ici au mercredi par exemple. L'immédiateté en psychiatrie, ça n'a pas vraiment de sens. »

Note(s) :

Pour toute urgence, appeler le 15. Appel gratuit 24 h/24.
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