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vendredi 5 avril 2024

ETUDE RECHERCHE : soins palliatifs, risques suicidaires et maladies psychiatriques

Recherche : soins palliatifs, risques suicidaires et maladies psychiatriques

La recherche Paris (pour soins palliatifs et risques suicidaires) a été retenue dans le cadre de l’appel à projets de l’Inserm Messidore. Elle vise à mesurer les liens entre la prise en charge en soins palliatifs et le risque ultérieur de suicide. Les résultats pourraient notamment éclairer d’une part les débats actuels sur la fin de vie et d’autre part la prise en charge des patients présentant des pathologies psychiatriques sévères et résistantes.

À l’issue de son 2e appel à projets Messidore (pour Méthodologie des essais cliniques innovants, dispositifs, outils et recherches exploitant les données de santé et biobanques), l’Inserm a annoncé un accompagnement financier de 9 millions d’euros pour onze collaborations associant recherche et soins. Parmi eux, le projet Paris (soins palliatifs (SP) et risques suicidaires) vise notamment à mesurer les liens entre la prise en charge en SP et le risque ultérieur de de suicide à partir de la base du Système national de données de santé (SNDS) et à en explorer les éventuels mécanismes.

Dirigé par par Catherine Quantin, épidémiologiste, directrice de l’Unité de biostatistique et d’informatique médicale du CHU de Dijon depuis 1998, membre de l’équipe du Centre d’épidémiologie et de santé des populations – Inserm Paris-Saclay, le projet sera réalisé en partenariat avec le Pr Fabrice Jollant (Inserm) et de Cynthia Morgny (Observatoire régional de la santé de (ORS) de Bourgogne-Franche-Comté) et Marie-Catherine Ehlinger (France-Assos-Santé BFC).

D’une durée de trois ans, la recherche débutera fin 2024, et a obtenu un financement de 350k €.

Présentation des chercheurs

En France, l’espérance de vie a considérablement augmenté grâce à l’amélioration des conditions de vie et aux progrès médicaux conduisant à une réduction de la létalité précoce de certaines pathologies sévères, et par conséquent, à une augmentation du nombre de personnes en phase chronique ou terminale. Les prises en charge liées à ces maladies se sont allongées, de même que la période de fin de vie qui nécessite un accompagnement spécifique et adapté.

Les unités de soins palliatifs (SP), déployées largement à partir des années 1990, comprennent une prise en charge globale, pluridisciplinaire pour des patients atteints de pathologies graves, évolutives et/ou terminales. Si les SP n’ont pas vocation à guérir la maladie des patients, les professionnels organisent une prise en charge orientée autour du confort, physique mais aussi psychique, des personnes malades. De nombreuses études ont montré qu’être atteint d’une pathologie somatique chronique, handicapante, douloureuse ou à pronostic défavorable augmente le risque de suicide. La maladie mentale est également un facteur majeur de risque suicidaire et la douleur psychique fait le lit des idées suicidaires. La population prise en charge en soins palliatifs inclut donc des patients à haut risque suicidaire. A notre connaissance, de très rares études ont étudié l’impact des SP sur la réduction du suicide.

Objectifs

L’étude présentée a un double objectif. Il s’agira tout d’abord de préciser l’association entre prise en charge en SP et risque ultérieur de gestes auto-infligés (GAI) et de mortalité par suicide (MS) en France. Pour cela, nous bénéficierons des données du Système National des Données de Santé (SNDS) permettant d’examiner cette question à l’échelle nationale. Nous complèterons cette approche quantitative par une approche qualitative basée sur une série d’interviews avec des patients et des soignants afin de préciser les mécanismes en jeu.

Méthode

Ce projet sera basé sur une approche mixte combinant une étude quantitative et une étude qualitative.

– L’étude quantitative sera basée sur une étude de cohorte longitudinale à partir des données du SNDS pour toute la France métropolitaine permettant d’étudier l’impact des SP sur le risque de GAI et de MS dans des populations souffrant de pathologies somatiques sévères. Dans un premier temps, nous procèderons à une description sociodémographique et clinique de la population prise en charge en SP entre 2010 et 2022. Cela permettra d’identifier les troubles les plus fréquents qui serviront à constituer un ou plusieurs groupes de cas par pathologie, ainsi que des population-témoins selon ces pathologies, en ayant une puissance statistique suffisante pour les comparaisons. Afin d’étudier l’effet des SP sur le risque de GAI/MS à un an après l’inclusion dans chacune des populations étudiées, nous utiliserons un modèle de survie (e.g. modèle de Fine & Gray qui prend en compte les effets compétitifs comme les décès), en ajustant sur les caractéristiques démographiques (âge, sexe) et médicales du patients (comorbidités, traitement délivrés, consultations réalisées).

– L’étude qualitative sera menée à partir d’entretiens individuels auprès de 4 populations distinctes : des professionnels de santé en SP, des professionnels de santé hospitaliers de spécialités identifiées par l’investigation quantitative, des patients pris en charge en SP et des patients atteints de pathologies similaires, non pris en charge en SP. Chaque entretien individuel sera analysé selon un guide d’analyse thématique. A la suite de cette première étape, une analyse transversale des verbatims sera réalisée, par groupe populationnel en recherchant au sein des discours, les éléments communs et singuliers, les dynamiques explicatives des expériences et points de vue, les facteurs de individuels et collectifs contribuant aux événements. Une attention particulière sera donc portée, aux parcours de soins, pathologies, données socio-démographiques et épidémiologiques (âge, sexe, CSP, réseau familial et social, pathologie(s), territoires, offre et acteurs de soins et d’accompagnement, etc.).

L’analyse qualitative sera mise en perspective avec les résultats de l’analyse quantitative et permettra une interprétation plus détaillée des résultats quantitatifs en tenant compte des pratiques d’orientation vers les SP, selon les représentations, expériences, pratiques, contraintes, localisation, profils des professionnels et selon les expériences, représentations, attentes, contraintes et besoins des usagers.

Perspective

Cette étude permettra de confirmer ou non l’hypothèse que les SP représentent un moyen de réduire le risque suicidaire de personnes souffrant de pathologies somatiques sévères en stade terminal. Notre étude qualitative permettra en outre de suggérer des mécanismes à l’œuvre pour expliquer une éventuelle association.

D’autre part, dans le cadre des débats nationaux sur la fin de vie, la question que la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté puisse venir heurter la prévention du suicide s’est posée : certaines demandes de fin de vie active pourraient masquer une crise suicidaire. Comme l’ont souligné le Comité consultatif national d’éthique (2022) et la Convention Citoyenne sur la fin de vie (2023), le développement des SP doit être un préalable à une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Les résultats de notre étude pourraient donner des arguments nouveaux à ce point essentiel de l’organisation des soins. Nos résultats pourront également éclairer les débats sur la prise en charge des patients présentant des pathologies psychiatriques sévères et résistantes. L’étude des caractéristiques des patients admis en SP nous permettra de décrire la place de ces patients dans la prise en charge palliative, et d’ouvrir la réflexion sur leurs éventuels besoins.

En savoir plus sur l’appel à projets Messidore sur le site de l’Inserm. Contact : catherine.quantin@chu-dijon.fr.

https://www.santementale.fr/2024/04/recherche-soins-palliatifs-risques-suicidaires-et-maladies-psychiatriques/