SOPK : les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques auraient 8 fois plus de risque de suicide
Alors qu'une femme sur 10 est touchée par le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), selon une étude, elles auraient 8 fois plus de risque de suicide que les femmes non atteintes par ce syndrome.
Photo d'une jeune fille déprimée devant une fenêtre
8 à 13 % : c’est le nombre de femmes en âge de procréer touchées par le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) dans le monde en 2023, selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Il est la cause la plus fréquente d’anovulation (lorsque aucune cellule sexuelle femelle n’est libérée par les ovaires) et l’une des principales causes d’infertilité. Et ces femmes auraient un risque 8,47 fois plus élevé de tentative de suicide, selon une étude parue dans la revue Annals of Internal Medicine le 6 février 2024.
Le SOPK, un déséquilibre hormonal aux répercussions considérables
Ce syndrome des ovaires polykystiques, décrit pour la première fois en 1935, est aujourd’hui encore peu connu et mal compris. Si cette maladie touche près d’une femme sur 10 dans le monde, selon l’Inserm et l’OMS, l'Institut estime que 70% de ces femmes ne sont toujours pas diagnostiquées.
Ce trouble est caractérisé par un dérèglement des hormones sexuelles, en particulier par l’augmentation de la quantité d’androgènes (hormones masculines dont la testostérone), habituellement produites en petite quantité dans l’organisme féminin. Ce dérèglement résulte d’un dysfonctionnement des cellules de l’enveloppe du follicule ovarien (structure située dans les ovaires contenant l'ovocyte qui est relâché pendant l'ovulation), ou de l’axe hypothalamo-hypophysaire-ovarien, responsable de la production d’hormones sexuelles.
In fine, cet excès d’androgènes a pour conséquence de bloquer la maturation des follicules, qui finissent alors par s’accumuler, empêchant la fécondation.
Schéma de l'appareil génital féminin présentant un ovaire à l'aspect polykystique. Crédits : VERONIKA ZAKHAROVA / SCIENCE PHOTO / VZA / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP
Les symptômes de cette maladie sont très handicapants et peuvent se caractériser par des troubles de l’ovulation pouvant provoquer une infertilité chez la moitié des femmes, de l’hyperandrogénie (une surproduction d’hormones masculines chez la femme) se traduisant dans certains cas par une hyperpilosité, de l’acné et une chute de cheveux, ou encore du diabète, de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires, comme des infarctus du myocarde ou des AVC, selon l'Inserm.
Un constat alarmant
Depuis la fin des années 90 (avec notamment la publication d'une étude en 1993 dans le Journal of Psychosomatic Obstetrics & Gynecology), l'idée se répand dans la communauté scientifique qu’à cette longue liste de symptômes s’ajouterait un risque plus élevé de prédisposition à la dépression, voire même au suicide. Plusieurs études plus récentes feront état de ce constat alarmant, comme celle publiée en 2015 dans l'Indian Journal of Psychological Medecine, ou une autre parue dans MDPI en 2022, mais aucune n’était en mesure d’apporter des résultats fiables et décisifs.
Le syndrome des ovaires polykystiques n'est pas la seule maladie présentant des prédispositions à une détresse psychologique : une étude parue dans l'American Journal of Epidemiology Oxford Academic, en 2020, rapporte également une prédisposition des femmes atteintes d'endométriose à des symptômes dépressifs, de l'anxiété et de l'auto-mutilation.
La plupart de ces études utilisent des outils de classification tels que l'Entretien International Mini-Neuropsychiatrique, un outil clinique de diagnostic des principaux troubles psychiatriques de l’Axe I du DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994), la classification des troubles majeurs cliniques. Ou encore les codes de Classification internationale des maladies (CIM), utilisés par une équipe suédoise. Toutefois, ces travaux présentent de nombreuses failles comme des biais d’objectivité, l’absence de comparaison avec des sujets non atteints du SOPK ou de prise en compte de certains facteurs tels que l’influence du temps sur la survie des patients.
Fort de ce constat, une équipe de chercheurs de l’Hôpital Général de Taipei, à Taïwan, dirigée par Tien-Wei, a réalisé une étude de cohorte nationale financée par la Fondation Médicale Yen Tjing Ling et le ministère de la Science et de la Technologie de Taïwan. L’équipe souhaitait évaluer ce risque de suicide, possiblement plus important, chez les personnes diagnostiquées avec le SOPK.
Près de 20.000 femmes incluses dans l'étude
Leur approche impliquait l'utilisation de techniques d'analyse de survie pour tenir compte des aspects temporels, des conditions de comorbidités psychiatriques (présence simultanée de deux ou plusieurs troubles mentaux) de ces femmes, selon les scores CCI ("Charlson Comorbidity Index") évaluant le niveau de comorbidité, ainsi que leur âge. Ce sont au total les données de pas moins de 18.960 femmes et filles âgées de 12 à 64 ans diagnostiquées avec le SOPK, couvrant une période de 1997 à 2012, qui ont été analysées dans cette étude à partir de la Base de Données Longitudinale de l'Assurance Maladie de Taïwan (NHIRD). Et afin de respecter les conditions de comorbidités, le début de l’étude s’est fait à partir du diagnostic initial de la maladie. Aucune des personnes incluses dans l’étude n’avait d’antécédent de tentative de suicide et de troubles psychiatriques.
Des résultats significatifs inquiétants
Les résultats de l'étude taïwanaise sont sans appel : les femmes diagnostiquées avec le SOPK présentaient un risque de tentative de suicide environ 8,47 fois plus élevé que les participantes sans SOPK, pour les adultes. Chez les adolescentes diagnostiquées avec le SOPK, le risque était 5,38 fois plus élevé. Contrairement à ces deux catégories d’âge, les adultes plus âgées, notamment en période de préménopause ou de ménopause, semblent épargnées. Le SOPK s’améliorerait même avec l’âge, avec une diminution de la taille des ovaires, du nombre de follicules et des règles plus régulières. La préménopause en serait la cause et se comporterait presque comme un traitement en raison du vieillissement ovarien et de la production d’androgènes réduite.
Une méta-analyse de 24 études, publiée dans la revue Gynecological Endocrinology en 2021, a montré que chez les femmes atteintes de SOPK, la prévalence de la dépression était de 42 % et de l'anxiété de 37 %, les symptômes légers étant plus fréquents. Cela s’explique par le niveau réduit de neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine, régulant l’humeur et le plaisir. Cette diminution entraîne une multitude de cascades réactionnelles entraînant ces symptômes.
Bien que les raisons de cette dégradation du bien-être mental soient en partie explicables physiologiquement, les injonctions sociales restent l’une des raisons principales de ce mal-être. Les irrégularités menstruelles, le potentiel d’infertilité, l’image corporelle et bien d’autres conséquences des symptômes du SOPK peuvent entrainer de l’anxiété, du stress, des symptômes dépressifs, qui peuvent être associés au risque de suicide.