Pages

vendredi 6 janvier 2023

“Infrarouge” : « Quelqu'un à qui parler » sur France 2 mercredi 4 janvier 2023

“Infrarouge” : « Quelqu'un à qui parler » sur France 2 mercredi 4 janvier 2023

Mis en ligne par Jean-Marc VERDREL lundi 2 janvier 2023


Mercredi 4 janvier 2023 à 23:05, Marie Drucker vous proposera de découvrir sur France 2 dans “Infrarouge” le documentaire « Quelqu'un à qui parler » écrit et réalisé par Anne-Sophie Reinhardt.

Plus de 3 millions d’appels par an font retentir nuit et jour les lignes d’écoute et de soutien en santé mentale. A travers les mots des écoutants, on perçoit, en creux, tous les maux profonds dont souffre notre époque, ses blessures et le besoin patent d’un supplément d’humanité.

Avoir à toute heure la possibilité de composer anonymement un numéro d’appel gratuit pour espérer trouver quelqu’un de bienveillant à qui parler constitue un secours particulièrement inestimable pour toutes celles et ceux d’entre nous qui sont sans personne à qui se confier ; Et ce, parce qu’il y a bien des douleurs, des chagrins indicibles, des failles et des détresses enfouies qui demeurent inentendues ou difficiles à livrer à un proche, ou même à dire face à un médecin ou accompagnant professionnel en santé mentale.

Il y a là, aux bouts des lignes d’écoute, la solitude discrète qui s’exprime modestement à voix basse ou mots étouffés, il y a les colères gorgées d’angoisse de ne plus parvenir à sortir la tête de l’eau, il y a les cris, les regrets et le vertige d’avoir perdu un être cher, il y a les larmes, les silences profonds, puis l’audace d’oser clamer enfin le tumulte et les difficultés du quotidien.

Il y a là au bout des lignes téléphoniques tous les échos d’un monde qui se noie d’un trop plein d’indifférence et d’un manque profond de liens humains. Il y a l’accablement d’hommes et femmes qui s’effacent peu à peu à eux-mêmes et qui recherchent une respiration, un sas, un mince filet de lumière au travers de l’immense couche d’isolement dense et opaque qui les recouvre.

Il y a là aussi les voix d’une population grandissante qui erre et se désespère de ne pas arriver à trouver de rendez-vous ou ni même d’accès aux soins en santé mentale, et toutes celles et ceux forts nombreux dont les prescriptions, les suivis et les hospitalisations ne suffisent plus à réduire ou même à soulager l’envahissement progressif des souffrances produites par le mal-être.

Il y a enfin, aux bouts des lignes, tout ce que peut l’écoute et le reflet invisible de notre besoin universel d’être écouté pour se sentir vivant, exister.
Note d'intention d'Anne-Sophie Reinhardt

Si le film est avant tout centré sur l’écoute, il n’est pas à proprement parler un film « sur les écoutants ». Il est plutôt question du besoin universel d’être entendu et écouté pour se sentir vivant et présent au monde. Et interroge tout autant notre besoin d’être écouté, que notre propre capacité à écouter.

Tourné en huis-clos aux côtés d’écoutants et de répondants de lignes d’écoute dédiées au soutien en santé mentale, le film témoigne d’une société en déperdition de liens authentiques en quête d’humanité, d’écoute et de consolation, mais également du manque accru d’accès aux soins en santé mentale. Au fil des appels, il s’agira du besoin de trouver quelqu’un à qui parler, et des dédales dans lesquels se trouvent celles et ceux qui ne parviennent pas à trouver les moyens d’être entendu, ou encore de recevoir des soins médicaux appropriés ou suffisants. Si le film n’a pas vocation à dénoncer ouvertement la déficience de moyens dont souffrent les services de santé en psy, il tente d’alerter sur la difficulté, voire l’impossibilité, que rencontrent les usagers à pouvoir consulter en temps et en heure, lorsque le mal-être et les souffrances psychiques surviennent, et ce sans devoir attendre d’avoir atteint le seuil critique du supportable.

La téléphonie sociale en santé mentale contribue depuis des décennies à dé-stigmatiser le besoin légitime d’écoute et de soutien psychologique en offrant une écoute anonyme, bienveillante, confidentielle et gratuite, afin d’en démocratiser l’accès. Nuit et jour, elle ouvre une fenêtre qui permet de dissiper la honte qu’il y aurait à ne pas aller bien, à rechercher l’aide d’une écoute authentique, tout en participant à la prévention du suicide. Outre ce rôle premier des lignes d’écoute en santé mentale, il advient que des usagers y trouvent pour la première fois l’encouragement à souhaiter consulter « quelqu’un/ un professionnel ».

De fait, les lignes d’écoutes de soutien en santé mentale pallient comme elle peuvent l’impossibilité de consulter, et les écoutants doivent accepter leur propre impuissance à ne pas parvenir à résoudre à eux seuls ce qui conduit les appelants à ressentir un profond sentiment de désespérance. La réalité des lignes d’écoute est donc à mille lieues de la comédie du « Père Noël est une ordure ». Et à l’instar des Restos du Cœur qui offrent des repas à qui a faim, la téléphonie sociale en santé mentale fait don d’une nourriture délivrée à tout un chacun qui a faim d’être écouté.

Lorsque j’ai imaginé qu’il pourrait être possible de rendre compte du besoin d’écoute en santé mental de tout un chacun en tournant ce huis-clos, mon intention a été de souhaiter que l’on entende uniquement les voix des écoutants et de ne jamais chercher à enregistrer celles des appelants. Les échos du monde nous parviennent alors suggérés à travers les bribes de reformulations des écoutants, de sorte qu’on ait la latitude de deviner, d’imaginer ou de projeter la part manquante du dialogue. Ce choix d’écriture permet de préserver la confidentialité et l’anonymat qui sont garantis aux appelants par les lignes d’écoute, mais aussi que le temps d’un film nous puissions être à l’écoute de ce /ceux que l’on écoute rarement, soi y compris. La proposition documentaire est donc que l’on puisse être spectateur d’une image qui ne délivre pas frontalement tout son sujet, afin que l’on puisse être soi-même producteur d’image et de sens. Supposant que la place proposée aux téléspectateurs pourrait leur permettre aussi d’accueillir pour eux-mêmes les mots des écoutants.

Le documentaire est tourné au sein même des espaces réels des lignes d’écoute. Les séquences d’écoute étant portées uniquement par l’intensité que les écoutants mettent à être présent à l’autre au bout de la ligne. Le dispositif scénique des écoutes, réduit à l’essentiel de l’épure graphique, se veut quasi scénique : une table, une lampe, un téléphone.

Afin de matérialiser à l’image le huis-clos qui se joue entre l’écoutant et l’appelant, et de rendre palpable l’abstraction et la sensation hors-temps des échanges téléphoniques, de laisser aux silences le temps de s’exprimer sans autre artifice, les valeurs de cadres et la lumière jouent un rôle majeur puisqu’elles permettent de ressentir vibrer imperceptiblement la « bulle d’écoute ». Ces plans-visages dialoguent avec des plans-larges-extérieurs tournés entre chien-et-loup et de nuit. Il s’agit de lieux d'habitations et de paysages symboliques inspirés des toiles d’Edward Hopper et de « L’empire des lumières » de René Magritte. Ces images représentent l’espace mental symbolique de l’hors-champ des écoutes : les appelants eux-mêmes et les sentiments qui les animent. Cet axe de réalisation souhaitait suggérer la nuit profonde, compacte et irrémédiable dans laquelle le mal être et l’isolement peuvent nous plonger, avec le sentiment qu’elle pourrait n’avoir jamais de fin. 

https://www.coulisses-tv.fr/index.php/documentaires/item/26765-%E2%80%9Cinfrarouge%E2%80%9D-%C2%AB-quelqu-un-%C3%A0-qui-parler-%C2%BB-sur-france-2-mercredi-4-janvier-2023