Pages

jeudi 23 mars 2023

MàJ ETUDE RECHERCHE Quand les rêves annoncent la crise suicidaire

Des rêves altérés, présages d’une crise suicidaire
Sandrine Cabut
21/03/23 https://www.lemonde.fr/*
C’est peut-être un nouvel outil pour aider à prédire les risques suicidaires, et ainsi réduire le fardeau des décès volontaires qui, bien qu’en baisse, concernent environ 700 000 personnes par an dans le monde. Des travaux récents d’une équipe française montrent en effet qu’on retrouve une altération des rêves chez 80 % des personnes hospitalisées pour crise suicidaire (définie par des idées suicidaires ou par une tentative de suicide), avec une progressivité dans les mois qui la précèdent.

Le psychiatre et spécialiste du sommeil Pierre Geoffroy (hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP, GHU Paris) et ses collègues ont interrogé sur leurs nuits quarante personnes hospitalisées dans une unité de post-urgence psychiatrique pour crise suicidaire, rapportent-ils dans l’édition de janvier-février 2023 du Journal of Clinical Psychiatry.

. Les chercheurs se sont en particulier intéressés à trois types d’« événement » : les mauvais rêves (contenu désagréable), les cauchemars (mauvais rêves qui réveillent) et les cauchemars avec un scénario suicidaire. Résultats : parmi les 31 femmes et 9 hommes étudiés, âgés en moyenne de 29 ans, seulement 8 (20 %) n’avaient pas eu d’altération de leurs rêves avant la crise suicidaire. Et parmi les 32 évoquant des rêves altérés, soit 80 % de l’effectif, ils sont 27 (67,5 %) à avoir dit qu’ils avaient eu des mauvais rêves, 21 (52,5 %) des cauchemars et 9 (22,5 %) des cauchemars avec scénario suicidaire. Environ un sur six (17,5 %) avait eu les trois types d’altération du contenu des rêves.

Les deux groupes – sans ou avec rêves altérés – étaient comparables en matière d’âge, de sexe, d’activité physique, de conditions socio-économiques, précisent Pierre Geoffroy et ses collègues. Par ailleurs, la majorité des patients souffraient de troubles anxieux ou de dépression, et d’un sommeil de mauvaise qualité – voire de véritables insomnies pour 60 % d’entre eux.

Un repérage utile

Si des liens entre cauchemars et tentatives de suicide ont déjà été suggérés par plusieurs études, l’originalité des travaux publiés dans The Journal of Clinical Psychiatry est d’avoir examiné la trajectoire de l’altération des rêves. Les chercheurs français constatent ainsi que les mauvais rêves apparaissent en moyenne cent onze jours avant la crise suicidaire, les cauchemars quatre-vingt-sept jours avant, et les scénarios suicidaires rêvés quarante-cinq jours avant. Cette progression, avec jusqu’à trois étapes, qui commence donc près de quatre mois avant la crise conduisant à l’hospitalisation, devrait servir de signal d’alarme pour les principaux intéressés et leur médecin, estime le professeur Geoffroy. « Bien sûr, des mauvais rêves ou des cauchemars ne sont pas pathologiques en soi, rappelle-t-il. C’est leur apparition et leur répétition dans un contexte de dépression qui doit alerter, et plus encore l’intensité du vécu dans ces rêves altérés et leurs répercussions dans la journée. Certains de ces patients se sentent littéralement acculés par leurs scénarios suicidaires. »

Pour ce spécialiste, la prochaine étape pourrait être de reconnaître les altérations des rêves comme facteur de risque suicidaire, et les rechercher systématiquement à l’interrogatoire de ces patients. Un repérage d’autant plus utile qu’il existe des thérapies pour lutter contre les cauchemars. « Restaurer un sommeil de meilleure qualité peut aider à apaiser les angoisses diurnes et donc réduire les risques de passage à l’acte » , souligne Pierre Geoffroy.

Reste aussi à comprendre quels mécanismes intimes relient les mauvais rêves et les crises suicidaires. L’une des principales hypothèses évoquées par les auteurs de l’article est la continuité entre les réactions émotionnelles dans les rêves et à l’état d’éveil. Selon eux, les cauchemars pourraient résulter d’ « une défaillance de la fonction régulatrice de l’humeur des rêves » , en lien avec une hyperactivité de l’amygdale cérébrale et un dysfonctionnement des voies de régulation au niveau frontal. Ces deux zones du cerveau sont impliquées dans des affections psychiatriques comme la dépression et la schizophrénie, écrivent-ils.

« C’est une publication importante, qui conforte nos impressions cliniques et met l’accent sur la progressivité des mauvais rêves avant une crise suicidaire » , commente le docteur Edouard Leaune, praticien hospitalier au CHU de Lyon, qui n’a pas participé à l’étude. En suicidologie, on sait que le sommeil de façon générale est un indicateur, poursuit le psychiatre, mais prédire le risque suicidaire et évaluer le degré d’urgence selon lequel il faudrait intervenir reste complexe. « C’est avec ce type de travaux que l’on deviendra de plus en plus fins dans la prévention » , espère-t-il.

Aussi paru dans 21 mars 2023 - https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/03/21/quand-des-reves-alteres-annoncent-une-crise-suicidaire_6166412_1650684.html

 ***

Quand les rêves annoncent la crise suicidaire
Publié le 30 novembre 2022 https://www.ghu-paris.fr/fr

​​​​​​Les équipes du Centre ChronoS révèlent dans une étude publiée dans le Journal Of Clinical Psychiatry que l'altération des rêves pourrait permettre de prédire une crise suicidaire. 80% des individus altèrent leurs rêves dans les mois précédents une crise suicidaire !
Il existe une chronologie et progression de cette altération du contenu onirique : Mauvais rêves (4 mois avant crise suicidaire) —> cauchemars (3 mois avant) —> scénario suicidaire (1,5 mois avant)
Utilité de distinguer les mauvais rêves (rêves dysphoriques) des cauchemars (mauvais rêves qui réveillent le dormeur) et d’identifier la présence éventuelle du scénario suicidaire dans les rêves.
Actuellement les altérations du sommeil ne font pas partie des facteurs de risque recherchés dans la crise suicidaire, interroger les rêves et leur altération récente est à la fois très simple à réaliser en pratique clinique et représente un signal d’alerte important de la crise suicidaire.

Lien de la publication (en anglais) : https://www.psychiatrist.com/news/nightmare-timing-content-may-help-predict-suicide/



Centre CHRONOS Psychiatrie, chronobiologie & Sommeil - Secteur 75G22 - 18e arrondissement

Médecin responsable : Pr Pierre A. Geoffroy Psychiatre : Dr Julia Maruani 

https://www.ghu-paris.fr/fr/publications/quand-les-reves-annoncent-la-crise-suicidaire

 

ARTICLE SUR LE SUJET :


Cauchemars et risque suicidaire écouter (3min)

C'est ma santé Martin Ducret et Géraldine Zamansky Le samedi à 7h21, 9h21 et 11h21
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-ma-sante/cauchemars-et-risque-suicidaire_5584935.html


Martin Ducret, médecin et journaliste au "Quotidien du Médecin", détaille aujourd'hui une étude française récente sur la relation entre cauchemars et tentative de suicide. Une étude qui porte sur les rêves et cauchemars de patients très dépressifs.
Article rédigé par
 
Martin Ducret - franceinfo
Radio France
Publié le 22/01/2023 Temps de lecture : 2 min.

  Selon une étude française récente, 80% des patients très dépressifs, interrogés dans cette étude, faisaient dans les quatre mois précédant leur tentative de suicide, d’abord des cauchemars, puis des rêves avec un scénario suicidaire. (Illustration) (DAVID WALL / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Et si l’analyse des rêves pouvait prédire une tentative de suicide ? C’est ce que suggère une étude française pilotée par le Professeur Pierre Geoffroy, psychiatre et médecin du sommeil à l'hôpital Bichat et au Centre ChronoS à Paris, qui a analysé la survenue de cauchemars chez des patients souffrant de dépression. Le suicide, actuellement dans le monde, fait plus de morts que les guerres, le VIH ou les meurtres.

Expliquez-nous précisément cette étude ?

Les auteurs de cette étude se sont demandé de quelle manière rêvent des patients très dépressifs, plusieurs mois avant qu’ils tentent de se suicider. Un peu à la manière de Sherlock Holmes, ils ont cherché à savoir si les cauchemars étaient des indices prédictifs d’une tentative de suicide.

Et la réponse est oui ! 80% des patients faisaient dans les quatre mois précédant leur tentative de suicide, d’abord des cauchemars, puis des rêves avec un scénario suicidaire, c’est-à-dire qu’ils rêvaient de comment ils allaient se suicider.

L’analyse des rêves s’avère donc un outil simple pour prédire une tentative de suicide ?

Oui, tout à fait. Le principal auteur de l’étude, le Pr Pierre Geoffroy, psychiatre à l’hôpital Bichat à Paris, m’a signalé “la difficulté à l’heure actuelle de prédire une tentative de suicide. L’étude des rêves est un outil facilement accessible. Il suffit simplement d’interroger les patients sur leur sommeil.”

Et quand on sait que le suicide fait plus de morts dans le monde que les guerres, le VIH ou les meurtres, particulièrement chez les jeunes, l’analyse des rêves pourrait surement sauver beaucoup de patients !

Au vu des résultats de cette étude, le contenu des rêves, et plus largement la qualité du sommeil, sont donc des marqueurs essentiels de notre état de santé ?

Oui, et pas seulement chez les personnes dépressives. D’ailleurs, j’essaye de poser systématiquement ces questions à mes patients : Etes-vous fatigué ? Dormez-vous bien ? Dormez-vous assez ? Je constate fréquemment que leur sommeil est négligé.

Et ce constat ne s’arrête pas aux portes de mon cabinet : le temps de sommeil moyen des Français est inférieur à 7 heures, et n’est pas toujours de bonne qualité. Un vrai problème de santé publique, sachant que le manque de sommeil augmente le risque de survenue d’un grand nombre de maladies.

Mais alors si on fait des cauchemars avec un scénario suicidaire, est-ce qu’on doit forcément aller voir un professionnel ?

Non, bien heureusement. Que les auditeurs se rassurent, faire des cauchemars de temps en temps, c’est tout à fait normal. Les rêves, bons ou mauvais, permettent de consolider notre mémoire, et de réguler nos émotions.

Ils sont une sorte de “thérapie nocturne” où l’on rejoue des scènes du quotidien, de manière surréaliste, pour se sentir mieux dans la vraie vie. Mais chez certaines personnes, la machine s’enraye, les cauchemars deviennent récurrents et la qualité du sommeil est altérée. C’est dans ce cas qu’il faut en parler à son médecin.

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-ma-sante/cauchemars-et-risque-suicidaire_5584935.html