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vendredi 4 mars 2022

MàJ : Single de @stromae "L'enfer" "ces pensées qui me font vivre en enfer..."

Stromae a "ouvert une brèche dans le mur du silence" en parlant de suicide
"L'Enfer", extrait de son album "Multitude" sorti ce vendredi 4 mars, n'est d'ailleurs pas le seul titre dans lequel Stromae parle de santé mentale.
Par
Louise Wessbecher
04/03/2022 https://www.huffingtonpost.fr*


Stephane Cardinale - Corbis via Getty ImagesPaul Van Haver alias Stromae, sur la scène des 37e Victoires de la musique à la Seine Musicale, le 11 février 2022

MUSIQUE - Bien plus qu’une simple chanson. En dévoilant un morceau surprise en plein JT de 20h sur TF1 en janvier dernier, Stromae espérait évidemment faire du bruit. Mais sans doute pas autant. Le titre L’Enfer figure désormais sur l’album “Multitude”, sorti ce vendredi 4 mars, et résonnera bientôt dans des salles de concert à travers le monde.

“Je me suis tout de suite dit que c’était un moment historique”, souffle le Dr Jean-Victor Blanc, médecin-psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, lorsqu’on l’interroge sur la prestation de Stromae au journal d’Anne-Claire Coudray le 9 janvier. Devant 7 millions de personnes sur la Une, et depuis bien plus encore sur les réseaux sociaux, le chanteur belge de 36 ans chantait les yeux vers la caméra: “J’ai eu parfois des pensées suicidaires et j’en suis peur fier.”

Une “action de prévention” sans précédent

“Enfin dans l’espace public, à une heure de grande écoute, une célébrité parle des idées suicidaires qu’elle a eues et brise le silence autour de ce sujet”, abonde le Dr Charles-Edouard Notredame, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent au CHU de Lille, pour qui Stromae a fait ce soir-là “une action de prévention” même s’il ne l’avait pas forcément pensé comme cela.

Marqué par des siècles au cours desquels le suicide était “répréhensible” et “frappé du sceau de l’interdit et du blasphème”, les idées suicidaires sont encore aujourd’hui assorties d’un sentiment de honte ou de culpabilité pour une grande majorité de la population. La phrase “j’en suis peur fier” de Stromae en témoigne. Or la libération de la parole est “fondamentale” pour qu’il devienne un sujet majeur de santé publique, car avec environ 9000 suicides par an, la France présente “un des taux les plus élevés d’Europe”, selon Santé publique France.

Avec cette chanson, Stromae a “ouvert une brèche dans le mur du silence”, poursuit le Dr Charles-Edouard Notredame, aussi coordinateur adjoint du 3114, le numéro national de prévention du suicide. “Les gens qui traversent cela se sont dit: ‘je ne suis pas seul et je peux en parler, ce n’est pas un problème’”. Pour preuve, l’effet immédiat s’est traduit par un pic d’appels de +13% au numéro national de prévention du suicide, lancé il y a quelques mois seulement.

“Parlons-en”

Pour le Dr Jean-Victor Blanc, auteur de l’ouvrage Pop & Psy qui étudie depuis plusieurs années les liens entre pop culture et santé mentale, ce moment médiatique a permis de mettre cette thématique au premier plan et de mener une action de prévention. “Parler de ses pensées suicidaires au passé, en racontant qu’on s’en est sorti, c’est le moyen le plus efficace de sauver des vies” auprès des personnes atteintes des mêmes pensées.

Aux États-Unis, les chanteurs Kid Cudi et Nicki Minaj ou l’actrice Halle Berry en ont déjà parlé, mais Stromae est le premier artiste francophone de cette envergure à le faire. À tel point que le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’est fendu d’un message: “Merci Stromae d’avoir abordé le sujet difficile du suicide dans votre dernier album. Il est si important de demander de l’aide si vous avez des difficultés et de soutenir ceux qui ont besoin d’aide.”

Interrogé sur l’impact de sa chanson sur l’antenne belge de la radio RTL, Stromae confiait qu’ouvrir le dialogue sur la santé mentale n’était pas “du tout l’intention initiale”: “Ce qui m’intéresse dans ma musique c’est avant tout de toucher les autres. Si en plus de ça, ça ramène un sujet qui peut parfois être tabou tant mieux. Parlons-en!”
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“Plus de grandes personnalités en parlent comme ça a aussi été le cas de la gymnaste Simon Biles ou de Meghan Markle, plus cela fera écho auprès du plus grand nombre” est convaincu le psychiatre Jean-Victor Blanc qui se dit “assez confiant” de voir le morceau de Stromae déclencher d’autres prises de parole sur la santé mentale.

Si l’exemple de Stromae est désormais “un précédent extrêmement fort” pour le Dr Charles-Edouard Notredame, il est maintenant grand temps que “le suicide, les tentatives de suicide et les pensées suicidaires deviennent un sujet de santé publique dont on s’empare collectivement” pour le coordinateur adjoint du 3114. Pour que tout le monde puisse en parler aussi librement que Stromae l’a fait.

Le 3114 est un numéro d’appel anonyme et gratuit, joignable 24h/24 et 7j/7, si vous avez besoin d’écoute ou si vous êtes confrontés au suicide d’un proche. Plus d’informations sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.

https://www.huffingtonpost.fr/entry/stromae-a-ouvert-une-breche-dans-le-mur-du-silence-en-parlant-de-suicide_fr_6220cc8ae4b030a2f539c7bc

 

 HISTORIQUE POST :

Nouveau single de @stromae "L'enfer"  "ces pensées qui me font vivre en enfer..." dévoilé en exclusivité dans le JT de 20H



Parole : source «L’enfer»: voici les paroles fortes de Stromae sur le suicideextraits article  https://www.lesoir.be* Publié le 9/01/2022

J’suis pas tout seul à être tout seul
Ça fait d’jà ça d’moins dans la tête
Et si j’comptais, combien on est
Beaucoup
Tout ce à quoi j’ai d’jà pensé
Dire que plein d’autres y ont d’jà pensé
Mais malgré tout je m’sens tout seul
Du coup
J’ai parfois eu des pensées suicidaires
Et j’en suis peu fier
On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire
Ces pensées qui nous font vivre un enfer
Ces pensées qui me font vivre un enfer
Est-c’qu’y a que moi qui ai la télé
Et la chaîne culpabilité ?
Mais faut bien s’changer les idées
Pas trop quand même
Sinon ça r’part vite dans la tête
Et c’est trop tard pour qu’ça s’arrête
C’est là qu’j’aimerais tout oublier
Du coup
J’ai parfois eu des pensées suicidaires
Et j’en suis peu fier
On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire
Ces pensées qui me font vivre un enfer
Ces pensées qui me font vivre un enfer
Tu sais j’ai mûrement réfléchi
Et je sais vraiment pas quoi faire de toi
Justement, réfléchir
C’est bien l’problème avec toi
Tu sais j’ai mûrement réfléchi
Et je sais vraiment pas quoi faire de toi
Justement, réfléchir
C’est bien l’problème avec toi

https://www.lesoir.be/416982/article/2022-01-09/lenfer-voici-les-paroles-fortes-de-stromae-sur-le-suicide 

 



ARTICLES SUR LE SUJET : 

 Comme Stromae, pourquoi nous ne devons pas culpabiliser de nos pensées suicidaires - BLOG
"Souffrir psychiquement fait de nous des "individus suspects". Alors il ne nous reste plus qu’à souffrir en silence", analyse la philosophe. https://www.huffingtonpost.fr*
Par Elsa Godart
Directrice de recherche à l’université Gustave Eiffel
22/01/2022

SUICIDE - Je suis comme beaucoup de monde, fan de Stromae, de ses mélodies, de ses paroles, de sa personnalité.

Comme vous, j’ai suivi sa descente aux enfers, certains ont parlé d’une dépression, d’un burn-out. Il a disparu pendant de nombreuses années.

Il revient avec un titre “Santé”; puis un autre “Enfer” (les deux titres sont à forte résonnance symbolique). “Enfer” parle des idées suicidaires et il est chanté en direct pour la première fois, lors d’un journal télévisé, en réponse à une question de la journaliste, brisant le cours de l’interview et surprenant tout le monde. La question est grave. La réponse l’est tout autant. Le sujet est rarement évoqué à la télévision et plus encore par une célébrité. Puis, tout le sait, c’est une réalité pour Stromae. Il n’y a nulle tricherie. Ce qu’il chante, il l’a vécu.

Souffrir psychiquement est suspect

Le message et fort, salutaire: on peut donner l’impression de tout avoir, d’une grande réussite sociale et personnelle et pourtant on peut avoir envie de mourir. Cette dissonance entre les choses objectives, extérieures de la vie flanquée de succès et le sentiment intérieur de désastre, entraînent chez Stromae une “culpabilité”, une honte qu’il chante et qu’il dénonce.

Une culpabilisation sociale: ai-je le droit d’être si mal quand j’ai tout et que d’autres n’ont rien? Cette envie de mourir est-elle raisonnable? “Je culpabilise”, dit-il… Jusqu’à la honte… Au fond, il dénonce deux choses très importantes: la souffrance psychique ne s’expose pas, elle n’est politiquement pas correcte, elle n’entre pas dans les codes normés du bien-être; et la mort est sans doute le dernier tabou de notre société qui aime tant se parer de masques et d’illusions.

La culpabilisation sociale portée par des injonctions à ”être” (en bonne santé, joyeux, successful, en forme…) nous interdit d’exprimer le moindre mal-être. Souffrir psychiquement fait de nous des “individus suspects”. Alors il ne nous reste plus qu’à souffrir en silence dans une double peine: non seulement je dois combattre ce mal-être, mais en plus je dois combattre la honte de l’éprouver.

La victoire de la sincérité sur la culpabilisation sociale

Se remettre de cela n’est pas chose simple. Oui le sujet est grave et Stromae se fait sur ce plateau télévisé le chantre de nombreuses personnes qui éprouvent ou ont éprouvé un tel mal-être. C’est expiatoire, c’est libérateur, c’est cathartique.

Cependant, tout est “conçu” à l’avance: la mise en spectacle, la mise en musique, la bonne question. Tout est cousu de fil blanc. Rien n’est plus spontané. Cela devient un show… un divertissement… un jeu. Un jeu sur de la sincérité: était-ce nécessaire dans la “forme” d’utiliser un tel faux-semblant quand tout est vrai, quand tout est fort parce que vrai? Mais au fond, vous avez raison, au regard du message délivré, cela n’est qu’un détail.

Puis, bien pire encore: les innombrables élucubrations autour de ce moment de télé donnèrent naissance à une abjecte polémique. Au lieu de parler du vrai sujet: la place du suicide dans notre société policée… les médias glosent sur le bien-fondé de cette scène jusqu’à aller dire que cela discréditait l’information (!!!). En somme, parler du détail pour ne pas voir l’essentiel, pour ne pas s’y confronter; rester dans le divertissement pour fuir la misère et la réalité de la condition humaine (Pascal). Et continuer à mettre des masques et des œillères sur un comportement, qui au fond est terriblement humain, car éprouver la possibilité de la mort est aussi ce qui permet de donner une vraie valeur à la vie.

«Osons parler des mal-être, oser briser le silence et en cela, rejetons en masse la culpabilisation sociale.»
Ed. Albin MichelElsa Godart - En finir avec la culpabilisation sociale - Ed. Albin Michel

https://www.huffingtonpost.fr/entry/comme-stromae-pourquoi-nous-ne-devons-pas-culpabiliser-de-nos-pensees-suicidaires-blog_fr_61e95146e4b0a864b07cba73

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BELGIQUE 


Juliette, 22 ans, revient sur sa tentative de suicide: « 6 ans après, je n’arrive toujours pas à y croire »
16 janvier 2022 https://jnews-france.fr*




Dimanche dernier, Stromae faisait sensation en présentant sa nouvelle chanson « L’enfer ». Le chanteur belge y dit avoir des pensées suicidaires. A voir les chiffres, il n’est vraiment pas le seul. La Belgique, et en particulier la Wallonie, a un des taux de suicides les plus élevés d’Europe. Il y a urgence et la situation sanitaire ne fait qu’augmenter le malaise.

La ligne prévention-suicide 0800 321 23 a vu son nombre d’appels augmenter de 24% entre 2019 et 2020 et encore de 20% entre 2020 et 2021. Que peut-on faire ? Les pouvoirs publics vont-ils enfin réagir ?

Les derniers chiffres officiels datent de 2018 et ils font froid dans le dos. Avec 19,1 suicides par 100.000 habitants, si la Wallonie était un pays, elle serait numéro 2 de l’Union européenne derrière la Lituanie (la Flandre est à 14,8%). Cela fait des années que le sud du pays est sur ce « podium » européen. Ce sont surtout les jeunes qui sont touchés. Chez les 10-19 ans, le suicide est la 2e cause de mortalité derrière les accidents de la route.

Sur le plateau de l’émission C’est pas tous les jours dimanche, Juliette est revenue sur sa tentative de suicide quand elle avait 16 ans. « C’était sur un coup de tête. Ce n’était pas du tout réfléchi. Quand je me suis réveillé à l’hôpital, je ne savais pas pourquoi j’étais hospitalisée », confie-t-elle. « 6 ans après, je n’arrive toujours pas à y croire. Je suis quelqu’un qui aime profiter de la vie, et je sais que ce n’est pas la solution. Je me demande comment j’en suis arrivé là… »

Aujourd’hui, Juliette a 22 ans et termine ses études en ressources humaines. Elle dit garder malgré tout des images de ce qu’elle a vécu il y a 6 ans. « Tous les matins, il faut la force de sortir du lit et porter cette histoire sur les épaules. J’ai de la chance d’avoir une famille qui me soutient et ça fait beaucoup. Aujourd’hui, c’est la fin du combat et au niveau de la santé, il n’y a rien à dire. »

Elle conseille pour s’en sortir de « parler », de « s’exprimer et dire tout ce qu’on ressent ».


Les raisons sont multifactorielles

De son côté, Dominique Nothomb, la directrice du centre de prévention du suicide, s’est exprimée sur le taux de suicide en Belgique. « Les raisons sont multifactorielles. Ce que je peux vous dire, c’est que la crise sanitaire amplifie les réactions. Il faut être attentif et faire attention en particulier à nos adolescents, mais aussi à toute la population. Il faut renforcer les services d’aide comme le service de prévention-suicide, une ligne anonyme et gratuite mais aussi des consultations psychologiques pour les personnes en crise suicidaire et pour les personnes endeuillées. »

Pourquoi les chiffres restent élevés?

« Le suicide reste un des sujets réellement tabou. Faites l’expérience autour de vous. Parlez simplement du mot suicide et vous verrez des réactions de recul. Or, un des secrets est de pouvoir en parler. La chanson de Stromae permet de mettre l’accent et le projecteur sur cette question. »

Ce sont surtout les jeunes qui sont touchés, et les garçons se suicident deux fois plus selon les chiffres européens. Que mettent en place les autorités?

« J’ai essayé de sortir l’artillerie lourde en matière de santé mentale. Quand j’ai pris mes fonctions, j’ai vu que la Wallonie avait un taux d’incidence très important. Il y a un lit sur 4 occupé en Wallonie suite à un problème mental. Il faut agir », souligne Christie Morreale, la ministre wallonne de la Santé.

« Je crois qu’on agit trop tard. On a des problèmes dans la détection. Je salue Juliette qui accepte d’en parler. On dit qu’en parler pourrait donner des idées, mais c’est exactement l’inverse qui se passe. La magnifique tribune qu’a accepté de nous dévoiler Stromae montre que toutes les personnes qui ont des vies normales peuvent passer à l’acte ou le murissent. La crise sanitaire a accéléré ça. En Wallonie, depuis avril 2020, il y a 20 millions d’euros supplémentaires qui ont été octroyés en matière de santé mentale pour engager notamment 178 psychologues. La ligne de prévention suicide a été renforcée, mais il faut être attentif. Il est important de pouvoir répondre à la demande. Troisième chose, nous avons mis en place des sentinelles, un dispositif qui comprend des personnes qui forment et qui accompagnent. Elles ont envie de détecter si des personnes ont des signaux d’alerte et le relayer pour éviter un passager à l’acte. »

https://jnews-france.fr/juliette-22-ans-revient-sur-sa-tentative-de-suicide-6-ans-apres-je-narrive-toujours-pas-a-y-croire/

 

 


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Suicide : pour un psychiatre de Lille, grâce à son interprétation de "L'Enfer" dans le journal de TF1, "Stromae va clairement sauver des vies"
Publié le 13/01/2022 Écrit par Virginie Demange
 
Le 3114 est le numéro national de prévention du suicide. Un numéro gratuit, disponible 24 heures sur 24, mis en place le 1er octobre 2021 par le gouvernement pour apporter une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique. • © CHU de Lille

Le psychiatre Christophe Debien, installé à Lille et spécialisé dans la prévention du suicide, l'affirme : le fait qu'un artiste reconnu, auquel de nombreux jeunes s'identifient, exprime son mal-être et ses tendances suicidaires dans une chanson est un "magnifique cadeau". On recense aujourd'hui en France 9 000 décès par suicide chaque année. C'est trois fois plus que dans les accidents de la route.

Depuis l'intervention de l'artiste francophone et star internationale Stromae dans le journal de 20 heures de TF1 du dimanche 9 janvier, les réseaux sociaux sont en ébullition. A la fin de son interview, l'artiste, qui a reconnu avoir fait un burn-out, a répondu à une question d'Anne-Claire Coudray en chantant son titre L'Enfer.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Il y a ceux qui trouvent que cela n'a pas sa place dans un JT, que Stromae brouille les pistes entre information et divertissement, que c'est de la promo, donc pas déontologique. L'Obs, dans un article paru le lendemain de l'interview, parle de "machine qui déraille", d'absence de "différence entre l'éthique pointilleuse et le déroulement du spectacle".
Un intérêt de santé publique majeur

Et puis, il y a ceux qui y voient un "intérêt de santé public majeur", comme le docteur Christophe Debien, psychiatre au CHRU de Lille et spécialisé dans la prévention du suicide.

Christophe Debien, psychiatre lillois spécialisé dans la prévention du suicide, chargé de déploiement national du 3114. • © Christophe Debien

"Savoir si c'est de la mise en scène, lance-t-il, on s'en fout. Il y a une confusion, une politisation des choses. Bien sûr que c'est de la promo. Mais c'est Stromae ! On s'attend à ce qu'il fasse quelque chose de surprenant, on l'espère, même. S'il n'y a pas de mise en scène originale, autant inviter Michel Sardou."

C'est peu de dire qu'il se réjouit de ce happening télévisuel. "La communication, c'est la clé", martèle celui qui, en 2016 déjà, expliquait comment aider les personnes suicidaires et réduire la mortalité et la souffrance lors d'une conférence TEDx à Lille. A savoir que les TEDx sont une série de conférences gratuites données à travers le monde, dans le cadre d'un programme visant à mettre en avant "des idées qui valent la peine d'être diffusées."

Depuis l'an dernier, Christophe Debien est également chargé de déploiement du 3114, le numéro national de prévention du suicide. Un numéro gratuit, disponible 24 heures sur 24, mis en place le 1er octobre 2021 par le gouvernement pour apporter une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique.

Pour lui comme pour de nombreux psychiatres, l'interprétation de Stromae est "courageuse", mais surtout "utile et nécessaire". Le médecin généraliste nordiste Walid Mekeddem, alias Aviscène sur les réseaux, parle même du "meilleur spot de prévention [du suicide] jamais réalisé".

Quels sont les mots qui ont été utilisés par Stromae ?

A la toute fin de son interview de Stromae, la présentatrice Anne-Claire Coudray lui demande : "Vous avez pendant sept ans lutté contre un certain mal-être, vous en parlez d'ailleurs sans détour. Dans vos chansons, vous parlez aussi beaucoup de solitude. Est-ce que la musique vous a aidé à vous en libérer ?"

C'est alors que la star belge répond en chanson, en interprétant L'Enfer, titre issu de son nouvel album Multitude, dont la sortie est prévue le 4 mars.

"J'suis pas tout seul à être tout seul, ça fait déjà ça de moins dans la tête. Et si j'comptais combien on est, beaucoup. Tout ce à quoi j'ai déjà pensé, dire que plein d'autres y ont déjà pensé. Mais malgré tout je m'sens tout seul. Du coup, j'ai parfois eu des pensées suicidaires, j'en suis peu fier, on croit parfois que c'est la seule manière de les faire taire, ces pensées qui me font vivre un enfer."


"Merci Stromae pour ce si beau cadeau", conclut Anne-Claire Coudray. C'est également le mot employé par Christophe Debien : "C'est un magnifique cadeau qu'il a fait aux préventeurs de suicide, mais surtout à tous ceux qui sont dans la détresse ! Un témoignage aussi direct - car c'est bien un témoignage même s'il est chanté - avec des mots justes, devant 7 millions de téléspectateurs, c'est du jamais vu. Clairement, ça va sauver des vies."

Pour le psychiatre lillois, il est très important de mettre des mots sur les maux. "C'est même majeur, insiste-t-il. Je suis psychiatre, mes meilleures armes thérapeutiques, ce sont les mots. Si on n'emploie pas le bon mot, on n'aborde pas le problème, on reste dans le tabou. Dans sa chanson, Stromae parle de suicide sans détour. Mais il dit aussi qu'il n'est pas seul dans sa solitude. Et sa présence sur le plateau est la preuve qu'il s'en est sorti. Tout cela donne de l'espoir."

Stromae a touché des millions de personnes qui traversent ou ont traversé cette épreuve du suicide.
Anne-Claire Coudray, présentatrice et rédactrice en chef des journaux télévisés du week-end sur TF1

"C'est Stromae qui a demandé à répondre à cette question en chantant, explique Anne-Claire Coudray, présentatrice et rédactrice en chef des journaux télévisés du week-end sur TF1. Il savait qu'après sept ans d'absence nous évoquerions la question et il souhaitait le faire à sa façon. De la manière la plus digne et la plus sincère qui soit. En choisissant chacun de ses mots. Le faire devant 7 millions de téléspectateurs demande à n'en pas douter un certain courage. Et je ne vois pas comment nous aurions pu ne pas respecter cela."

"Ses chansons ont toujours eu une part d'universel, poursuit-elle. Il a ce don de nous interpeller, de souligner nos contradictions et nos ambivalences. Et sa réponse a eu un écho que je n'aurais jamais imaginé. Elle a touché des millions de personnes qui traversent ou ont traversé cette épreuve. Des proches démunis face à ce fléau. Une telle unanimité sur les réseaux sociaux est rarissime. Elle est la marque des moments de vérité. Stromae a créé un instant de communion qui fait du bien par les temps qui courent."

Le Directeur général de l'Organisation Mondiale de la Santé lui-même partage cet avis. "Un grand merci à Stromae, écrit Tedros Adhanom Ghebreyesus sur Twitter, d'avoir abordé le sujet difficile du suicide dans votre dernier album."


"Il est important, ajoute l'ancien ministre de la Santé et des Affaires étrangères d'Éthiopie, de demander de l'aide si vous éprouvez des difficultés et de soutenir ceux qui ont besoin d'aide."

Selon l'OMS, un décès sur cent dans le monde est un décès par suicide. C'est l’une des principales causes de mortalité, avant le VIH, le paludisme, le cancer du sein ou encore les guerres ou les homicides.

Les préconisations de l'OMS en matière de prévention du suicide • © OMS
Le suicide, deuxième cause de mortalité chez les jeunes

"Et chez les jeunes entre 15 et 29 ans, signale Christophe Debien, c'est même la deuxième cause de mortalité. L'autre population concernée, c'est les plus de 60 ans. Eux ont été touchés par le JT, et les jeunes le seront par le partage sur les réseaux, qui est un formidable caisson de résonance."

"En psychiatrie, il y a l'effet Werther, détaille le médecin, inspiré du roman de Goethe Les souffrances du jeune Werther. Au XVIIIe siècle, il n'y avait pas Amazon pour distribuer les livres, l'impact était facile à voir. Dans les lieux où le livre était vendu, on avait remarqué plus de suicides. Et les gens mettaient fin à leurs jours vêtus comme Werther et de la même façon que lui."

"On a constaté le même phénomène avec Marylin Monroe, puis Kurt Cobain, met-il en perspective. Et plus récemment on a eu très peur avec le DJ Avicii. Mais heureusement en opposition à l'effet Werther, il existe ce qu'on appelle l'effet Papageno, en référence à l'oiseleur de La Flûte enchantée de Mozart qui, croyant sa bien-aimée Papagena perdue, tente de mettre fin à ses jours avant d'être sauvé par des angelots."
De Papaoutai à l'effet Papageno

L'effet Papageno est une forme d'identification positive. "Elle peut être horizontale, et venir de "celui qui me ressemble", mon meilleur ami, mon collègue. Ou verticale, de la part de personnalités connues, "celui que j'admire, à qui je veux ressembler". C'est exactement ce que Stromae a déclenché."

Il y a quelques semaines, c'était l'émission La France a un incroyable talent sur M6 qui faisait le buzz avec la prestation de Brichapik et Randjess, un rap sur le mal-être des étudiants pendant le confinement. Les deux jeunes sont parvenus à faire pleurer le jury et à obtenir un Golden buzzer de la part du magicien Eric Antoine, qui les a envoyés directement en finale.


"Le Brichapik voulait mourir", chante Bryan, 20 ans. Suit une description clinique, allant jusqu'à mentionner des blessures.

Mais le chanteur choisit de conclure avec des mots forts et positifs : "Un an après, je suis plus fort. Dépends d'personne et crois en toi. Ferme ton cœur et puis bats-toi !"

"Partager ça avec un public, réalise Bryan, ça va peut-être toucher et aider des gens." L'effet Papageno, encore.
Les chansons peuvent avoir un impact direct sur la prévention du suicide

Si Bryan l'espère, Christophe Debien, lui, en est sûr. Pour lui, "c'est logique que les rappeurs s'en emparent, tout comme le rap des années 80 s'est emparé de sujets sociétaux. Une étude du mois de décembre publiée dans le British Medical Journal a même montré l'impact d'une chanson du rappeur Logic aux Etats-Unis."

Le chanteur raconte l'histoire d'un jeune harcelé au bord du suicide sauvé par les mots de l'opératrice du numéro d'appel d'urgence de la ligne de prévention des suicides aux Etats-Unis, numéro qui est aussi le titre du morceau, 1-800-2736-8255, énorme succès de l'année 2017 aux Etats-Unis.

En 2018, Logic a interprété cette chanson lors de grands événements, en affichant le numéro de téléphone sur des écrans géants. A chaque fois, pendant des semaines, le service de prévention des suicides a vu le nombre d'appels augmenter de 50%.

"Cette étude réalisée par des chercheurs viennois, poursuit le psychiatre, montre que la ligne a reçu sur les périodes concernées plus de 10 000 appels supplémentaires par rapport aux années précédentes, et qu'on a enregistré 5,5% de suicides en moins chez les 10-19 ans, soit 245 morts évitées. Grâce à une chanson."
Dans les centres, le nombre d'appel augmente déjà

"C'est un phénomène qu'on a également pu observer avec la sortie de la première saison de la série 13 reasons why, se souvient Christophe Debien. A chaque fin d'épisode, on pouvait voir un message de prévention. Et au moment de la diffusion, on a constaté une hausse des appels au secours."

Le psychiatre a donc demandé au centre lillois du 3114 de surveiller la quantité des appels et de noter si certaines personnes parlaient de Stromae. "Comme je le pensais, les appels sont clairement en augmentation, relève Christophe Debien. Et ils sont plusieurs à citer la performance de Stromae, comme ce Lillois en crise suicidaire qui a appelé hier soir et qui a clairement dit que s'il téléphonait, c'était parce qu'il avait entendu un reportage à la radio sur la chanson qui mentionnait le 3114."

Le 3114 est géré par le CHU de Lille et à l'heure actuel, il existe onze plateformes à travers la France.
Un happening qui a tout bon, ou presque

Pour Christophe Debien, cette mention du numéro national de prévention est indispensable. "C'est dommage que TF1 n'ait pas affiché le 3114, déplore-t-il. C'est très bien de mettre en avant la question du suicide, à condition de citer les ressources. On ne parle pas d'un problème sans donner les solutions."

"La prévention du suicide s'intègre dans une stratégie globale, détaille le spécialiste. Le programme VigilanS sert à maintenir le lien avec ceux qui ont déjà fait une tentative de suicide."

"Quant au programme Papageno, il permet d'un côté la prévention de la contagion suicidaire, notamment auprès des proches d'une personne qui serait passée à l'acte. Et de l'autre, c'est un travail avec les journalistes sur la façon de communiquer autour du suicide pour éviter l'effet Werther dont nous parlions."
Un numéro national dédié

"Et puis il y a le 3114, pour la population générale. Les gens qui sont en souffrance, ou tous ceux qui ont la moindre interrogation au sujet du suicide. Souvent, ce sont des tiers inquiets qui appellent, la famille, une infirmière scolaire, un collègue de bureau."

Le 3114 est le numéro de prévention • © 3114

Au bout du fil, des professionnels formés spécialement sur la question du suicide, infirmiers, psychologues, psychiatres. La plateforme a un lien très fort avec le Samu et peut déclencher des interventions. Christophe Debien est formel : "Quoi qu'il arrive, quels que soient nos doutes, nos interrogations, il ne faut surtout jamais, jamais hésiter à appeler."

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Si vous avez besoin d'aide, si vous avez des pensées sombres ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, n'hésitez pas à en parler à votre médecin traitant. Vous pouvez aussi appeler une ligne d'écoute comme SOS Amitié (0972 39 40 50), SOS Solitude (0890 88 84 45) ou SOS Suicide Phénix (0825 12 03 64), ou encore le numéro national de prévention du suicide, le 3114. Il est gratuit, confidentiel et accessible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, depuis n'importe où en France.
santé société

https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/suicide-pour-un-psychiatre-de-lille-grace-a-son-interpretation-de-l-enfer-dans-le-journal-de-tf1-stromae-va-clairement-sauver-des-vies-2415496.html



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Prévention du suicide : le patron de l’OMS remercie Stromae après son passage au 20H de TF1


RÉACTION – Suivie par 7,3 millions de téléspectateurs, la performance de Stromae au 20H de TF1 a été saluée par de nombreux professionnels de santé. Ce mercredi, le patron de l’OMS remercie le chanteur belge d’avoir abordé le sujet encore tabou du suicide à une heure de grande écoute.
Jérôme Vermelin - Publié le 13/01/2022 https://www.lci.fr*

C’est une performance qui n’a laissé personne indifférent. En interprétant "L’Enfer" durant son interview au 20H de TF1 dimanche dernier, Stromae a créé un moment de télévision. Il a surtout abordé, devant 7,3 millions des téléspectateurs, le mal-être qui l’a poussé à songer à commettre l’irréparable. "J’ai parfois eu des pensées suicidaires. Et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire. Ces pensées qui nous font vivre un enfer", chante-il dans cet extrait de l’album Multitudes, à paraître en mars.

Si la forme de l’intervention suscite quelques débats dans la presse, le fond est salué de manière unanime. Dans un tweet posté ce mercredi, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, salue l’initiative de la star belge. "Merci Stromae de soulever le thème difficile du suicide sur votre dernier album. Il est si important de demander de l’aide lorsqu’on souffre et de soutenir ceux qui ont besoin d’aide", écrit-il, joignant à son message un tableau les grandes règles de la prévention...


Des propos qui font écho aux réactions de nombreux professionnels de santé dans les médias ces dernières heures. "Ce type de message porté par une star va permettre de libérer la parole", a ainsi expliqué Pierre Grandgenève, psychiatre spécialisé au CHU de Lille, auprès de nos confrères de La Voix du Nord. "On a plein d’outils pour diminuer cette souffrance mais pour cela il faut réussir à en parler. Mettre des mots permet aussi de briser certaines choses."

À sa manière, Stromae s’inscrit dans la démarche des célébrités anglo-saxonnes qui n’hésitent pas à mettre leur notoriété à profit pour évoquer le sujet tabou de la santé mentale. En mai dernier, plusieurs d’entre elles comme la chanteuse Lady Gaga ou la comédienne Glenn Close ont témoigné dans, The Me You Can’t See, un documentaire produit par l’animatrice Oprah Winfrey et le prince Harry. "Prendre la décision de recevoir de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, dans le monde d’aujourd’hui, plus que jamais, c’est un signe de force", y disait le cadet de la Princesse Diana.
Jérôme Vermelin

https://www.lci.fr/culture/prevention-du-suicide-stromae-remercie-par-le-patron-de-l-oms-apres-son-passage-au-jt-de-tf1-2207007.html

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 AVIS CRITIQUE, DEBAT :


Prévention, où t'es ?

12/01/2022 https://www.whatsupdoc-lemag.fr*

Depuis dimanche soir, le happening d’un artiste dont j’ai toujours apprécié le talent et la sensibilité, mais aussi le sens du spectacle, passe en boucle sur tous les réseaux sociaux après avoir été vu par des millions de téléspectateurs au journal télévisé de TF1. Il y est question de pensées suicidaires, une souffrance que je rencontre quasi-quotidiennement dans le cadre de ma profession, pouvant être présente dans tout type de pathologie psychiatrique, et bien au-delà.

Je pense avant tout à ceux dont la solitude face à cela trouvera je l’espère un écho, un reflet, une identification positive, un soutien indirect. Je pense à cet homme qui a probablement énormément souffert, au courage qu’il y a à parler de cette souffrance-là, quelle que soit sa démarche, sans juger – mais sans occulter non plus - le contexte qu’il a choisi pour cela.

Si je reste mal à l’aise depuis cette intervention et encore plus depuis les innombrables répercussions dont j’ai pu avoir connaissance depuis, c’est peut-être justement en raison de ce contexte. Un contexte médiatico-social qui prend rapidement le pas sur tout le reste. Un buzz dont les conséquences me posent vraiment question. Ces retombées, dont j’exclus volontairement les gratitudes personnelles et l’admiration envers l’artiste et l’humain, sont essentiellement de deux ordres et, point essentiel, souvent combinées et amalgamées. Tout d’abord des considérations en termes de communication voire de marketing, louant l’efficacité et la créativité de l’artiste pour véhiculer un message et toucher un large cœur de cible. Mais aussi un aspect plus sanitaire, de très nombreux soignants félicitant l’individu de concourir à la déstigmatisation de la dépression, voire de faire acte de prévention, rappelant au passage les dispositifs existants.

« La stratégie publicitaire ne doit pas devenir le cache-misère de la prévention secondaire »

Mais de quelle efficacité parle-t-on vraiment ? Pour ma part, je ne sais pas de quelle maladie le chanteur se ferait le porte-voix, et assimiler son intervention à de la prévention, invoquer la déstigmatisation de la souffrance psychiatrique, implique au minimum qu’elle soit nommée. Le tabou semble s’être arrêté, en tout cas ce soir-là, à l’expression de la maladie, or l’on sait que c’est bien plus le diagnostic que la souffrance exprimée qui stigmatise nos patients. Je ne saurais encore moins déchiffrer l’intention, ni même le regard de ce jeune poète qui m’a semblé un peu perdu de s’être ainsi livré – et j’emploie à dessein les multiples sens que revêt ce verbe. Laissons-lui la liberté de ne pas être trop massivement et hâtivement récupéré.

Rappelons-nous surtout que la prévention ne peut se limiter à une stratégie commerciale, qui plus est dans le domaine de la santé. Chaque problème soulevé nécessite des moyens. Chaque souffrance identifiée, notamment par des écoutants, devrait aboutir a minima à une solution viable. Il est difficile de se féliciter de l’existence de dispositifs de prévention tels que le récent numéro national 3114 quand nous apprenons que, malgré une libération certaine de la parole autour de la souffrance psychique, favorisée en partie par des interventions de personnalités publiques et célèbres, les tentatives de suicide d'adolescents sont en augmentation massive. Identifier et agir sur les facteurs de vulnérabilité concourant à ces situations dramatiques, facteurs dont la demande sociétale de performance et d’efficacité fait partie, reste prioritaire, tout comme proposer des soins efficients et des moyens dédiés suffisants une fois ces souffrances dépistées. L’indigence de notre système de soins psychiatriques, l’engorgement des établissements dont les capacités d’accueil sont en diminution constante, les délais de prise en charge qui s’allongent bien au-delà de ce qui est éthiquement supportable sont là pour nous le rappeler.

La stratégie publicitaire ne doit pas devenir le cache-misère de la prévention secondaire, tout comme les dispositifs de prévention ne peuvent être celui de l’offre de soins. Et s’il n’y a pas de honte, à un niveau individuel, à être aux prises avec des pensées suicidaires, on peut s’interroger sur la honte sociétale qu’il y aurait à ne pas se doter des moyens suffisants pour les prendre en charge… 

 https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/prevention-ou-tes

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Pensées suicidaires : cinq questions à une psychiatre 

Publié le 11 janvier 2022 https://www.elle.fr

En dévoilant son nouveau titre « L’enfer » en direct sur le plateau de TF1, Stromae a soulevé des questions autour des pensées suicidaires. © SEAN GLADWELL / Getty images

En dévoilant son nouveau titre « L’enfer » en direct sur le plateau de TF1, Stromae a soulevé des questions autour des pensées suicidaires. Pour y voir plus clair sur ce sujet sensible, on a posé cinq questions à Astrid Chevance, médecin psychiatre, spécialiste de la dépression et cheffe de clinique en santé publique.

ELLE. Comment peut-on définir ce que recouvre le terme « pensées suicidaires » ?

Astrid Chevance - Les pensées suicidaires c’est l’idée de vouloir en finir avec la vie, qu’il s’agisse d’une pensée active ou passive. Autrement dit, on peut penser « il vaudrait mieux que tout s’arrête », c’est la pensée passive, ou avoir une idée très précise « je veux mourir de telle façon ». Certaines personnes sont effrayées par cette idée, pour d'autres, il s’agit d’une consolation – la volonté d’échapper à la souffrance, à une situation dans laquelle on se sent pris au piège, est centrale – et dans ces cas-là, la mort est vue comme la seule solution possible. Mais ce qui est important c'est qu'on considère que la pensée passive est déjà une pensée suicidaire.

On parle de pensée suicidaire quand l’idée de mettre fin à sa vie est soit intrusive soit réconfortante, si la personne se sent envahie et que cette idée lui cause beaucoup de souffrance ou beaucoup de réconfort, si elle se structure autour de cette idée alors cela répond d’une souffrance psychique et il faut alors consulter un médecin généraliste, un psychiatre ou les urgences pour détecter s’il y a une maladie sous-jacente et aider la personne.

ELLE. À quel point les pensées suicidaires sont-elles répandues dans la population ? La crise sanitaire a-t-elle accentué le phénomène ?

Astrid Chevance - 10% des Français ont eu des pensées suicidaires selon la dernière enquête Coviprev réalisée du 28 octobre au 5 novembre 2021. L’année dernière on avait vu une augmentation des consultations aux urgences pour comportements suicidaires. Il faut savoir qu’une personne sur cinq au cours de sa vie fait une dépression. Dans les rapports d’autopsie psychologique sur les personnes qui sont mortes par suicide, on s’est rendu compte que 70 à 90% souffraient de dépression, qu’elle ait été identifiée ou non avant la mort.

Il est important de rappeler qu’il ne faut pas prendre la dépression à la légère et ne pas banaliser les idées suicidaires. À ce sujet, j’avais réalisé une campagne avec la fondation Pierre Deniker « Et toi ça va ? », pour sensibiliser autour de ce sujet. Il s’agit d’un court métrage qui parle de la dépression sans filtre à travers le parcours d’un homme qui en souffre.

ELLE. Est-ce que le fait d’avoir une pensée suicidaire veut forcément dire qu’on va passer à l’acte ?

Astrid Chevance - Pour évaluer le risque de suicide, les professionnels de santé prennent en compte les facteurs de risque de la personne de décéder par suicide. Par exemple, les événements de vie compliqués peuvent être des facteurs déclencheurs : l’annonce d’une maladie grave, le chômage, le décès d’un proche. Il faut aussi savoir que les hommes sont plus à risque de mourir par suicide, alors que les femmes sont plus à risque de tenter de se suicider. Par ailleurs, un enfant qui évoque une idée suicidaire représente une urgence vitale car le risque de passage à l’acte est plus élevé.

Ensuite ils analysent l’urgence, autrement dit, est-ce que la personne a un scénario déjà préparé et à quel degré de précision ? Est-ce qu’elle a déjà prévu un moyen de dire adieu à ses proches, à quel point elle a pensé le geste et le degré d’investissement qu’elle y met. On évalue aussi le degré de souffrance psychique, est-ce que la personne est submergée par la douleur. Enfin, les professionnels de santé prennent en compte la dangerosité de la personne : est-ce qu’elle a considéré un moyen dangereux et surtout accessible pour passer à l’acte ? Je pense par exemple à la disponibilité directe d’une arme à feu. Des cas que l’on voit beaucoup chez les policiers par exemple.

Si l’idée passe et qu’elle n’est pas vécue comme intrusive, si elle est incongrue, ça peut arriver mais quand les pensées ne tournent plus qu’autour de cela, que l’individu ne voit plus que ça comme une solution, comme une consolation, c’est là que ça devient inquiétant. Il ne faut pas négliger la santé mentale et soigner absolument les troubles psychiques qui sont sous-jacents. Si la personne souffre de troubles psycho-sociaux, il faut aussi prendre en compte les conditions matérielles, c’est pour cela qu’il existe des prises en charge intégrées : on s’occupe de l’individu de façon globale.

ELLE. Quels sont les signaux à prendre en compte quand on est face à une personne qui a des pensées suicidaires ?

Astrid Chevance - Il n’y a pas de signaux spécifiques d’un passage à l’acte suicidaire car les situations sont complexes et singulières, mais je dirais qu’on peut déjà percevoir s’il y a un changement de comportement. Notamment chez les personnes qui sont en souffrance à cause d’un contexte de vie compliquée (dont un trouble psychique par exemple ou un évènement de vie), ou si on sait que la personne a des antécédents de tentatives de suicide.

Je dirais plutôt qu’il faut s’alarmer aussi quand ce sont des personnes qui manifestent les pensées suicidaires à travers des petites phrases comme « oh de toute façon vaudrait mieux que ça s’arrête », dans lesquelles le mot suicide n’est pas prononcé et qui sont des formulations qui ne sont pas habituelles chez la personne. Par ailleurs, il faut prendre en compte le facteur des consommations toxiques : l’alcool ou les drogues qui favorisent le passage à l’acte.

Et si la personne explicite clairement une pensée suicidaire, il faut lui proposer de l’accompagner chez un médecin, un psychiatre ou aux urgences. Il est enfin important de rappeler et de préciser qu’en cas de doute, il ne faut pas hésiter à appeler le 31 14 qui est le numéro national de prévention du suicide.

ELLE. Qu’avez-vous pensé de l’intervention de Stromae dans le journal télévisé de TF1 dimanche soir, lorsqu’il a dévoilé son dernier titre « L’enfer » dans lequel il évoque ses pensées suicidaires ?

Astrid Chevance - J’ai trouvé ça très courageux de partager son expérience. Car autour de ces pensées suicidaires, il y a énormément de culpabilité et de honte chez les personnes qui en souffrent, on le voit en tant que médecin, les gens n’osent pas parler de pensées suicidaires. Notamment quand on est parent et que l’on a des enfants, ou quand on a une religion dans laquelle le suicide est proscrit.

La production artistique permet l’ouverture de la parole et permet de voir qu’on peut en faire un sujet de chanson et que les pensées suicidaires font partie de notre humanité, qu’on peut les partager. J’espère que cela va permettre à des patients, des personnes en souffrance de se dire « je ne suis pas seul dans cette situation, je vais moi aussi en parler ». Là je trouve que Stromae a donné une dimension d’exemplarité importante pour l’humanité en générale.
Par Auriane Guerithault 

https://www.elle.fr/Love-Sexe/Psycho/Pensees-suicidaires-cinq-questions-a-une-psychiatre-3980606

 

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De Camus à Stromae : comment échapper à la tentation du suicide
Clara Degiovanni publié le 11 janvier 2022 https://www.philomag.com*

C’était ce qu’on appelle « un moment de télévision ». Dimanche 9 janvier, au JT de TF1, la journaliste Anne-Claire Coudray conclut l’interview de Paul Van Haver, musicien plus connu sous le nom de Stromae, sur cette question : « Dans vos chansons, vous parlez aussi beaucoup de solitude, est-ce que la musique vous a aidé à vous en libérer ? » Une musique démarre. La caméra se fixe sur le chanteur belge et son man bun. L’ambiance devient grave. Stromae entame sa réponse, en chanson : « Je suis pas tout seul à être tout seul », à avoir « des pensées suicidaires ».

Sur TF1 et à une heure de grande écoute, la souffrance psychique est présentée sans fard, comme un sentiment partagé. Elle en devenait moins taboue et un peu moins désespérante, comme dans les écrits d’Albert Camus. Alors que depuis deux jours, les réseaux sociaux (alimentés par certains médias) s’écharpent sur la mise en scène de cette intervention chantée, nous avons préféré nous pencher sur ce que le chanteur avait vraiment dit. Des paroles à la dimension proprement philosophique.

  • L’Enfer. C’est le titre d’un des morceaux du nouvel album du chanteur belge – « Multitude » (Mosaert, 2022) à paraître le 4 mars prochain – offert au public du journal de 20h. La chanson, courte et sans détour, porte sur les pensées suicidaires ressenties par l’auteur-compositeur, et plus largement sur le sentiment de solitude qui l’assaille. La solitude devant ce qu’il appelle « la chaîne culpabilité », la solitude face à ses pensées, qu’il ne peut « faire taire » et qui lui font vivre « un enfer », et enfin, la solitude tout court, qui fait qu’il se sent « tout seul », tout le temps.
  • Cette solitude, Albert Camus l’a explorée longuement, notamment dans Le Mythe de Sisyphe (1942). Mais là où le chanteur l’envisage comme « un enfer », mobilisant un registre chrétien, l’écrivain et philosophe athée l’appelle « hostilité primitive du monde ». Elle désigne sous sa plume un univers étranger qui nous échappe constamment, dont on ne comprend plus rien. C’est peut-être ce sentiment de faiblesse et d’incompréhension face au monde que ressent Stromae lorsqu’il regarde « la chaîne culpabilité » à la télévision.
  • De là vient la lassitude, puis la nausée, jusqu’au désespoir et l’envie d’en finir. Le rythme lent et lancinant de la chanson retransmet cette impression d’être englué, empêtré dans quelque chose d’incontrôlable. « Cette épaisseur et cette étrangeté du monde », nous dit Camus, « c’est l’absurde ». Ce sentiment d’absurdité creuse une distance toujours plus grande entre « moi » et « les autres ». Il accroît la solitude et l’angoisse.
  • De prime abord, l’analyse de Camus sur le suicide comme la chanson de Stromae sont très sombres. Et pourtant, elles portent toutes deux une forme d’espoir. Lorsque Stromae dit, à propos du suicide, « que plein d’autres y ont d’jà pensé », il évoque un sentiment paradoxal. Vouloir mourir de solitude, dit-il en substance, c’est indirectement se connecter à tous ceux qui ont un jour été traversés par un désir similaire. Il brise ainsi la solitude face… au sentiment de solitude.
  • « J’suis pas tout seul à être tout seul. Ça fait d’jà ça d’moins dans la tête. » Savoir que la solitude et la souffrance sont partagées constitue donc un allégement de la conscience, nous apprend le musicien. Loin de « se satisfaire du malheur des autres », il s’agit plutôt de se relier à eux, à travers l’expérience partagée de l’absurdité du monde. Camus explore cette détresse collective dans L’Homme révolté (1951), considérant que « le premier progrès d’un esprit saisi d’étrangeté est de reconnaître qu’il partage cette étrangeté avec tous les hommes ». Dans les deux cas, la communauté de l’expérience est salvatrice.
  • Ni Camus ni Van Haver ne sont des apôtres du désespoir, précisément parce qu’indirectement, ils reconnaissent l’universalité de la souffrance. « La réalité humaine, dans sa totalité, souffre de cette distance par rapport à soi et au monde », écrit l’auteur de L’Homme révolté. Ainsi partagé sans fard ni tabou, ce malheur devient un peu plus supportable. Pour reprendre le titre de l’album du chanteur belge, c’est bien la multitude qui sauve du désespoir.

https://www.philomag.com/articles/de-camus-stromae-comment-echapper-la-tentation-du-suicide

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«Stromae déstigmatise les pensées suicidaires»

Santé mentale

En révélant son dernier single «L’Enfer» dimanche sur le plateau du journal de TF1, Stromae a abordé frontalement la question du suicide. Pour l'association romande Stop Suicide, cette médiatisation amène une visibilité bénéfique et nécessaire. Interview

Stromae en 2015 au festival Coachella, en Californie. — © Lucy Nicholson/Reuters

Sujet sensible Attention, cet article aborde le sujet du suicide.

Besoin d’aide? Si vous vous inquiétez pour vous ou l'un de vos proches, contactez de manière confidentielle, 24h/24, 7j/7: le 143 (adultes) ou le 147 (jeunes). 

Cet article est publié en accès libre, vu l’importance de ces informations pour la santé mentale de chacun-e. Mais le journalisme a un coût, n’hésitez donc pas à nous soutenir en vous abonnant.

Il nous a regardés droit dans les yeux. Pour éclairer ce que la mort crée quand elle se loge dans l’esprit et s’y accroche. Oui, tout était millimétré. Mis en scène. Le coup marketing est réussi. Reste que les mots ont été lâchés.

Invité ce dimanche soir au journal de 20h de TF1, Stromae a dévoilé son nouveau single, L’Enfer. Surprenant les téléspectateurs à la fin d’une longue interview, les paroles sont sans détour. «J’ai parfois eu des pensées suicidaires». La star belge, de retour après des années d’absence scénique, dit l’enfer des idées noires. Les reflets autobiographiques sont évidents. Stromae s’était déjà confié sur un burn-out et sur les effets secondaires d’un traitement contre le paludisme qui avaient affecté sa santé mentale.

Sur le plateau, il s’expose tout comme il expose le suicide. Et si l’écho des paroles résonnait fort, jusqu’à toucher celles et ceux qui sont directement concerné·es par la problématique? Une telle médiatisation est-elle bénéfique ou, au contraire, dessert-elle la prévention? Nous avons posé la question à l’association Stop Suicide qui, chaque jour, œuvre à la sensibilisation du suicide chez les jeunes en Suisse romande. Léonore Dupanloup, responsable communication et prévention média, répond au Temps.

Le Temps: Voir Stromae, véritable pop star, chanter sur un plateau télé à une heure de grande écoute qu’il a eu des pensées suicidaires peut-il avoir des effets sur la prévention du suicide?

Léonore Dupanloup, responsable communication et prévention média au sein de l'association Stop Suicide. DR

Léonore Dupanloup: Absolument. Le fait de parler du suicide est déjà, de façon générale, bénéfique pour briser le tabou qui l’entoure. Stromae montre à travers cette séquence que c’est un sujet dont on peut parler, y compris au journal de la chaîne la plus regardée de France, parce qu’il n’y a pas de raison de ne pas le faire. De plus, il s’agit d’un artiste très célèbre et admiré. Cette identification positive permet de donner de la visibilité au suicide, mais aussi à toute la thématique de la santé mentale. C’est d’ailleurs ce qu’a récemment fait Orelsan à travers sa chanson Jour meilleur, ou encore Soprano qui rappe volontiers sur des sujets similaires.

Existe-t-il un cas emblématique d’un·e artiste ou d’une chanson thématisant sur le suicide ayant eu des conséquences positives très concrètes?

En décembre dernier, une étude a montré l’impact provoqué par une chanson du rappeur américain Logic dont le titre, 1-800-273-8255, est le numéro de la ligne d’aide américaine dédiée aux questions sur le suicide. Dans les mois qui ont suivi la sortie du morceau – qui a par ailleurs eu une visibilité énorme – les appels à ce numéro ont explosé. Les statistiques mentionnent 10 000 appels supplémentaires ainsi qu’une baisse de 5,5% des suicides chez les 10-19 ans. Evidemment, le lien causal est difficile à établir mais ce sont des constats significatifs qui méritent d’être soulignés.

Dans les paroles de «L’Enfer», Stromae dépeint la solitude («Mais malgré tout, j’me sens tout seul») et la honte («J’en suis pas fier»). Ces paroles illustrent-elles bien ce que peuvent ressentir les personnes touchées par la dépression ou les idées noires?

Oui. La formulation «je n’en suis pas fier» aurait effectivement pu faire penser à un jugement de valeur, à une forme de honte d’avoir des pensées suicidaires. Cela dit, je ne la perçois pas comme telle, mais davantage comme une façon de poser des mots sur des ressentis. Stromae crée une forme d’empathie qui permet aux non-concerné·es de comprendre ce que traversent les concerné·es. Cela contribue aussi à déstigmatiser ce que vivent les personnes touchées dans leur santé mentale.

Un autre passage des paroles mérite d’être relevé. Quand le chanteur dit «On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire», cela correspond exactement à ce qu’une personne qui a des pensées suicidaires peut ressentir.

C’est-à-dire?

En crise, la personne pense vraiment que mourir est le seul moyen de mettre fin à toutes ses souffrances. Les pensées suicidaires arrivent au moment où l'on ne peut plus voir d’autre solution. Le point de vue est bouché.

Dans la médiatisation du suicide, nous savons qu’un risque de glorification voire de «glamourisation» existe. Voyez-vous un tel danger dans ce happening de Stromae?

Globalement, s’il est bénéfique de parler du suicide dans les médias, il faut faire attention au «comment». Le danger d’incitation, donc de contagion du risque suicidaire est réel. On le nomme effet Werther. Au contraire, un effet Papageno signifie que l’impact est préventif. Le passage de Stromae relève du second. Sur TF1, je n’ai rien repéré de problématique, au contraire. Le suicide est abordé sans sensationnalisme, sans détails choquants ou voyeuristes, sans romantisation ni glorification. C’est abordé de manière sensible. Le chanteur montre qu’on peut montrer ses émotions.

Au contraire, au rang des contre-exemples aux effets négatifs dans la pop culture, rappelons la série 13 Reasons Why. La principale critique pointait la mise en scène sensationnaliste et graphique du geste suicidaire de l’héroïne. Cela rendait glamour un acte qui ne l’est pas.

D’aucuns ont pu, en regardant TF1, se sentir comme des «voyeurs» en entrant ainsi frontalement dans l’intimité d’une personne. Peut-il y avoir un besoin, pour les personnes touchées par des pensées suicidaires, de se dévoiler ainsi pour aller mieux ou se réapproprier leur phase dépressive?

Je distinguerais deux temps: celui de la parole et celui du témoignage. Parler lorsque l’on est en crise est essentiel pour trouver de l’écoute, du soutien et des solutions. C’est la base de la prévention. Témoigner, c’est partager un vécu. Cela peut faire partie du processus de guérison pour certains. Souvent, ces personnes racontent ce qui s’est passé, ce qu’elles ont réussi à surmonter, pour aider d’autres concerné·es. Je n’ai pas senti de voyeurisme dans la séquence de TF1.

La santé mentale est certes un thème intime, mais il n’est pas nouveau que les productions artistiques pointent l’intimité. Ce qui peut créer un malaise, si tel est le cas, c’est que le thème de la mort est le tabou des tabous. Ainsi, il peut faire écho en chacun. Il est essentiel qu’il y ait toujours plus d’artistes qui déstigmatisent le sujet.

https://www.letemps.ch/societe/stromae-destigmatise-pensees-suicidaires 

 

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Suicide : pourquoi la chanson « Enfer » de Stromae va sauver des vies
Dimanche soir, sur TF1, Stromae a dévoilé « Enfer », sa nouvelle chanson. Il y parle de manière frontale du suicide. Pierre Grandgenèvre, psychiatre au CHU de Lille, nous explique l’impact que pourrait avoir ce nouveau chef-d’œuvre.
Simon Caenen | Publié le 10/01/2022  https://www.lavoixdunord.fr*

Stromae a réussi une performance en direct qui restera dans les annales.

La scène se passe dimanche soir en direct, sur TF1, lors du journal télévisé, à l’occasion de la venue de Stromae. Anne-Claire Coudray, la présentatrice, pose une question sur le mal-être qui a hanté le chanteur belge pendant plusieurs années. L’auteur de Papaoutai répond en chantant son nouveau titre : Enfer. Les téléspectateurs pensaient assister à une interview, ils vont être comme hypnotisés par la performance.

En direct, devant 7,3 millions de personnes, Stromae s’exprime sans fard sur le sujet tabou du suicide. « J’ai parfois eu des pensées suicidaires. Et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire. Ces pensées qui nous font vivre un enfer », chante-t-il. Les mots sont puissants, l’interprétation grandiose, digne de Jacques Brel.

« Libérer la parole »

Ce nouveau titre va rendre service à la société. « Je suis convaincu que cela va avoir un impact, souligne Pierre Grandgenèvre, psychiatre au CHU de Lille spécialisé dans la suicidologie. Ce type de message porté par une star va permettre de libérer la parole. » Sortir du silence quand on a des pensées suicidaires est le plus difficile « car il y a des jugements de valeur ».

« Ce type de message porté par une star va permettre de libérer la parole. »

Ce premier pas est pourtant salvateur. « On a plein d’outils pour diminuer cette souffrance mais pour cela il faut réussir à en parler, poursuit le médecin, également adjoint en charge de la santé à Bailleul. Mettre des mots permet aussi de briser certaines choses. »

Pierre Grandgenèvre est psychiatre au CHU de Lille.

Enfer pourrait avoir le même impact que 1-800-273-8255. Ce titre de l’artiste hip-hop américain Logic parle d’une personne qui contacte le numéro américain de prévention du suicide. D’après une étude, la chanson est associée à un nombre d’appels plus élevé et à une baisse des passages à l’acte.

En plus de libérer la parole, le chanteur de 36 ans « a des mots très justes sur un sujet très complexe », souligne Pierre Grandgenèvre. Stromae décrit la dimension envahissante des pensées suicidaires. « La souffrance est tellement intense qu’elle occupe toutes nos pensées, approuve le psychiatre. Un peu comme quand on a très mal physiquement et que la douleur nous empêche de tout faire. » Il y a aussi ce sentiment de honte qui revient au fil des couplets. « C’est très fréquent et nos patients nous le relatent très souvent. Car la maladie mentale est stigmatisée. » Elle le sera un peu moins grâce aux mots de Stromae sur ses propres maux.

Avoir des pensées suicidaires n’est pas anodin rappelle le programme Papageno de lutte contre la contagion suicidaire. Dépression, pensées trop sombres, le réflexe doit être d’appeler le 3114, numéro national de prévention du suicide. Il est gratuit, confidentiel et accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, depuis tout le territoire national. Il est aussi possible de joindre son médecin, un psychologue ou un psychiatre, de composer le 15 ou de contacter une ligne d’écoute comme Suicide écoute (01 45 39 40 00) ou SOS amitié (09 72 39 40 50).

 https://www.lavoixdunord.fr/1125244/article/2022-01-10/suicide-pourquoi-la-nouvelle-chanson-de-stromae-va-sauver-des-vies