Comment agir face aux idées suicidaires de notre petit-enfant adolescent ou jeune adulte?
le 21/01/2022 à 18h50 par Corinne Renou-Nativel https://www.notretemps.com*
La pandémie s’accompagne d’une hausse importante des idées et gestes suicidaires chez les adolescents et les jeunes adultes. Un phénomène face auquel les grands-parents peuvent avoir un rôle à jouer, comme l’explique Charles-Édouard Notredame, psychiatre maître de conférences au CHU de Lille et coordinateur national du numéro national de prévention suicide 31 14.
• Quelles sont les causes de suicides chez les jeunes?
Charles-Edouard Notredame : Comme toujours, il n’y a jamais une cause unique au suicide. C’est un ensemble de facteurs qui contribuent au fil d’un parcours de vie à ce qu’une personne en vienne à se suicider. Évidemment on trouve parfois des facteurs précipitants, mais ils n’arrivent pas seuls. Ils surgissent sur un terrain préalablement vulnérabilisé par des facteurs biologiques, sociaux, environnementaux et psychologiques. On sait que les suicides concernent davantage les garçons et les tentatives de suicide davantage les filles. Pour elles, il y a probablement des facteurs biologiques, comme des variations hormonales, qui entrent en ligne de compte, mais aussi évidemment des composantes sociales puisque la place des femmes dans la société n’est pas la même que celle des hommes.
• Avec la pandémie quelle évolution observez-vous?
Pour les suicides, il est trop tôt pour le dire puisque les chiffres parviennent avec un retard de près de deux ans du fait du système d’information. En revanche, Santé Publique France fait une analyse assez précise du passage aux urgences pour idées suicidaires et tentatives de suicides des jeunes. En 2021, le nombre de passages aux urgences pour idées suicidaires a presque doublé chez les 11-17 ans par rapport à 2020 et a augmenté de près de 30% pour les tentatives de suicides. Dans une moindre mesure, la tranche d’âge suivante est également concernée. Ce qui est très particulier, c’est ce que ces augmentations concernent très largement les filles plutôt que les garçons. Les causes sont difficiles à déterminer. La crise sanitaire produit un effet de loupe sur ce qui préexistait. Selon l’âge, on peut imaginer que pour les jeunes adolescents le lien est plus en rapport avec l’environnement familial (ce qui ne signifie pas que les familles en sont responsables) et pour les jeunes adultes entrent en jeu l’incertitude sur l’avenir et l’inquiétude sur sa propre identité.
• Les gestes suicidaires peuvent-ils être évités?
Oui, c’est une certitude qu’on peut éviter ces passages à l’acte. Il n’y a aucune fatalité. Face à cette augmentation des idées suicidaires et des tentatives de suicides chez les jeunes, il faut une grande prise de conscience collective. Il faut se permettre d’en parler et se mobiliser, chacun à sa place avec ses compétences et ses responsabilités dans la chaîne de prévention du repérage jusqu’à l’orientation, l’évaluation et la prise en charge.
• Quel rôle peuvent jouer les grands-parents? Qu’est-ce qui doit les alerter?
Parfois il est difficile pour un jeune de parler de son mal-être et de ses idées suicidaires à ses parents par peur de les inquiéter et parce que l’enjeu affectif est trop fort. Parler aux grands-parents peut être plus facile parce qu’ils ont une position un petit peu plus extérieure. Ils connaissent leur petit-fils ou leur petite-fille et savent quand il ou elle va bien. A eux de se faire confiance. De manière concrète, ils doivent être attentifs aux changements, voir si le jeune devient plus isolé, plus irritable, plus triste, avec moins de motivation et une chute des résultats scolaires, ou présente des conduites à risque inquiétantes.
• Que faire? Que dire ou ne pas dire?
Il faut en parler le plus simplement possible, ce qui montre au jeune que s’exprimer n’est pas une difficulté. Il est important de prendre un temps spécifique et dédié dans de bonnes conditions pour ouvrir le dialogue. On peut demander "Comment vas-tu en ce moment?" et ne pas hésiter à témoigner de son ressenti et de son inquiétude : "J’ai l’impression que tu ne vas pas bien en ce moment. Est-ce que tu veux qu’on en parle?" Poser la question des idées suicidaires ne fera jamais passer à l’acte, contrairement à une idée reçue. Une réponse positive de la petite-fille ou du petit-fils peut désarçonner. Une solution de recours quand on ne sait pas trop comment gérer la situation est d’appeler le numéro national de prévention des suicides, le 31 14, confidentiel, accessible sept jours sur sept et 24h sur 24. Des professionnels peuvent prodiguer des conseils aux grands-parents inquiets. Ces derniers peuvent aussi inciter à appeler leur petit-enfant qui ne va pas bien.
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