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jeudi 20 mai 2021

Partenariat entre ASC sécurité et infosuicide : élaboration d’un protocole d’intervention de prévention du suicide pour les agent.e.s de sécurité

Partenariat entre ASC sécurité et infosuicide.Org : élaboration d’un protocole d’intervention de prévention du suicide pour les agent.e.s de sécurité

La question du suicide sur les lieux publics est difficile, c’est un évènement relativement rare et pour lequel il est difficile de s’y préparer. Par définition les lieux sont publics et chacun est principalement concentré sur sa tâche : visiter, traverser , y travailler etc. L’acte suicidaire casse donc de façon soudaine, brutale et inattendue le quotidien et l’ordre public du lieu.
Par ailleurs, ces évènements sont difficiles à quantifier. En effet la détermination du lieu du suicide, à partir des certificats de décès, sur lesquels les données des suicides en France s’élaborent, est partielle. Elle repose sur le certificat de décès qui indique le lieu du décès, et qui n’est pas forcément le lieu du suicide. Si une personne meurt à l’hôpital à la suite d’un suicide, le certificat de décès mentionnera l’hôpital comme lieu de décès, sans que l’on sache si l’acte a eu lieu à l’hôpital, au domicile ou dans un lieu public.

Les tentatives quant à elles ne sont quantifiées que par les données hospitalières, un réseau sentinelles de médecins généralistes ainsi que des sondages ou baromètre en population générale, et la question du lieu de la tentative n’est jamais abordée et/ou recensée. Il existe quelques études locales dans la littérature de psychiatrie internationale mais il est difficile d’en esquisser des généralités. Une étude anglaise suggère qu'environ un tiers de tous les suicides ont lieu à l'extérieur du domicile, dans un lieu public[i] [ii].

Des préventions spécifiques, reconnues efficaces, de limitations d’accès aux moyens sont envisagées sur certains sites, par exemple pour les suicides par sauts (filets de sécurité, pose de hautes parois vitrées etc.), néanmoins elles peuvent s’avérer difficiles par leur coût financier, la faisabilité architecturale ou même pour des raisons esthétiques.

Par ailleurs pour penser une problématique, faut-il encore reconnaitre le risque même quand celui-ci se produit, hors aucun site ne veut être associé à un suicide et encore moins à des suicides ou des tentatives de suicide.

Toutefois, il en est autrement dans la réalité de terrain et il arrive que des tentatives de suicide ou suicides se produisent sur ces lieux : monuments historiques, centre commercial, administrations, métro, building etc. Des lieux qui sont susceptibles d’avoir de la surveillance humaine (agent.e de prévention et de sécurité, gardien.ne, etc. ), avec pour aide un système de vidéosurveillance pouvant aider à détecter des comportements inquiétants.

Suite à des échanges et retours d’expériences de terrain avec des opérationnels, intervenant pour le compte de la société ASC sécurité sur la question, plusieurs constats ont été avancés :
des suicides et tentatives de suicide ont lieu dans les espaces publics ou établissement recevant du public et la première personne primo-intervenante qui est souvent sur place est un.e agent.e de sécurité, en adéquation avec ses missions premières à savoir la protection des personnes.

Dans les faits de nombreux agent.e.s de sécurité sauvent ou contribuent à sauver des vies du suicide. Néanmoins, ces intervenants à qui on ne pense pas forcement restent souvent invisibles. Bien qu’ils/elles y soient régulièrement confronté.e.s, on ne leur a pas donné d’outils spécifiques ni de reconnaissance. Les agent.e.s ont dans leurs formations une approche des soins en premiers secours mais quand est-il des soins en premiers secours de l’ordre de la souffrance psychique, d'autant si la question des suicides est occultée parce que personne ne veut ni n’admet qu’elle arrive ?
 
Ils/elles sont par ailleurs susceptibles de pouvoir repérer des comportements ou attitudes inquiétantes ou significatives avant un passage à l’acte grâce à l’analyse comportementale (ex : une personne qui passe des rambardes de sécurité d’un haut lieu, une personne qui semble abattue ou au contraire très agitée restant de longues heures dans un coin avec un objet tranchant etc.). Même si la majorité des procédures ou le bon sens consiste à appeler les pompiers ou la police, il n’empêche qu’il y a un temps où l’équipe de sécurité et de sureté peut être la seule sur place ou la première à pouvoir rentrer en contact avec la personne afin de tenter de temporiser et intervenir dans la limite de leur sécurité, en attendant les équipes de secours.

On envisage de former à l’évaluation et à l’intervention de crise suicidaire les pompiers, voir  les policiers, les psychologues, psychiatres mais qu’en est-il des autres professions qui sont présentes lors de la crise à sa plus haute intensité ?

Il nous a donc paru intéressant d’élaborer un protocole donnant des éléments d’interventions possibles mais aussi un cadre, des ressources adaptées, des éléments afin de pouvoir ouvrir une discussion avec les personnes en crise suicidaire, des limites d’intervention et surtout une visibilité de leur action.
Le cadre de leurs missions, leurs ressources déjà existantes et inhérentes à leur fonction ne sont pas anodines pour la prévention du suicide :  l’humain et son pouvoir relationnel tout d’abord mais aussi les vidéos surveillances, les rondes, une surveillance des lieux avec peu de passage ou donnant accès à des espaces dangereux, des procédures complémentaires déjà en place, une culture etc. Mais aussi un cadre d’intervention : veiller à la sécurité des biens et des personnes.

Ce protocole permet aussi de mettre des mots sur la difficulté de ce type d’interventions auxquelles ils.elles sont confronté.e.s et permet d’être informé.e.s sur l’existence des espaces vers lesquels ils.elles peuvent s’orienter. Par ailleurs l'impact d’un suicide public s'étend bien au-delà du cercle habituel des membres de la famille, des amis et des connaissances. Les spectateurs, y compris les agent.es de sécurité, peuvent souffrir de traumatismes durables en étant témoins d'un suicide dans un lieu public ou en découvrant un corps. Certaines méthodes de suicide impliquent également directement une autre personne, ce qui peut avoir des conséquences psychologiques importantes.

En dehors même de ces actes graves, les agent.e.s peuvent être aussi être les dépositaires d’un mal être voire de propos suicidaires d’habitué.e.s du site, de collègues, de proches etc. Il est donc important de proposer des ressources pour que ces agent.es puissent orienter si besoin et ainsi, participer à une prévention primaire du suicide. 

Liens :  https://ascsecurite.fr/ & http://www.infosuicide.org/


[ii] Owens C, Lloyd-Tomlins S, Emmens T, Aitken P. Suicides in public places: findings from one English county. European Journal of Public Health 2009; 19(6): 580-2.