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lundi 30 novembre 2020

Essonne (91) : le tribunal de commerce se mobilise pour aider les entrepreneurs

Essonne : le tribunal de commerce se mobilise pour aider les entrepreneurs au bord du suicide
L’association Apesa vient d’ouvrir une antenne en Essonne. Les professionnels de la justice commerciale ont reçu une première formation au tribunal d’Evry pour détecter les chefs d’entreprise en détresse, et leur proposer des séances gratuites avec un psychologue.
Tribunal de commerce d’Évry, le 26 novembre 2020. Une trentaine de professionnels de la justice commerciale ont assisté à cette première formation sur la prévention des risques suicidaires. LP/Pauline Darvey

Par Pauline Darvey
Le 29 novembre 2020  https://www.leparisien.fr*

« La meilleure façon de savoir si quelqu'un veut se suicider, c'est de lui poser la question. » Derrière son micro, Jean-Luc Douillard, psychologue, égraine ses conseils. Pourtant, ce jeudi, ce spécialiste de la prévention des risques suicidaires ne s'adresse pas à des professionnels de la santé mentale mais à des acteurs de la justice commerciale.

Face à lui, dans la grande salle du tribunal de commerce d'Évry, des juges, des greffiers, des mandataires et des administrateurs judiciaires, des avocats ou encore différents représentants du monde économique local. Une trentaine de personnes qui ont toutes pour point commun d'être régulièrement en contact avec des entrepreneurs dont l'entreprise va mal. Et qui sont parfois eux-mêmes au bord du suicide.
«Comment réagir face à la souffrance»

« Il faut comprendre que la santé d'un chef d'entreprise est liée à celle de son entreprise, abonde Jean-Luc Douillard. L'idée, c'est donc de pouvoir adapter la prévention du suicide à la justice commerciale. »

Une idée mise en pratique depuis la création en 2013 du réseau Apesa (Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance aiguë), qui s'articule autour d'une soixantaine de tribunaux de commerce dans toute la France, dont celui d'Évry qui vient d'ouvrir une antenne. Objectif, repérer les entrepreneurs en souffrance et leur permettre, s'ils le souhaitent, de bénéficier de cinq consultations gratuites chez un psychologue.

« Depuis quelques années, les souffrances psychologiques se manifestent de plus en plus dans les audiences du tribunal de commerce, certains expriment même des idéations suicidaires », reprend Jean-Luc Douillard, qui a co-fondé cette association avec Marc Binnié, greffier au Tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime). Des situations face auxquelles les acteurs de la justice commerciale et du monde économique sont souvent démunis. « C'est difficile de savoir comment réagir quand on n'est pas un professionnel de la santé mentale, reconnaît le psychologue. Cette formation a pour but de vous donner des outils pour apprendre à parler de cette souffrance mais aussi à la déceler. »
Des sentinelles pour veiller sur les entrepreneurs

Au terme de ces quelques heures de sensibilisation, les participants deviendront des « sentinelles » du réseau Apesa. S'ils repèrent un entrepreneur en détresse, ils lui proposeront, avec son accord, de transmettre ses coordonnées à l'association. Dans l'heure, le chef d'entreprise sera rappelé par un psychologue. Après un premier bilan, il pourra bénéficier de cinq séances gratuites à proximité de chez lui.

« Votre objectif sera de comprendre comment les chefs d'entreprise que vous avez en face de vous se sentent à l'intérieur d'eux-mêmes, prévient Jean-Luc Douillard. Car il y a aussi des souffrances qui ne se voient pas. »

Depuis le début de la crise sanitaire, l'association a également mis en place un numéro vert que les chefs d'entreprise peuvent appeler pour être pris en charge. Jusqu'à présent, une quarantaine d'entre eux ont fait appel à cette ligne d'écoute en Ile-de-France.

Mais demander de l'aide reste une démarche difficile. « Généralement ceux qui vont mal ont tendance à travailler encore plus et à s'isoler », confirme le psychologue. D'où le rôle crucial que peuvent jouer les sentinelles, qui ont déclenché près de 80 alertes dans la région depuis le mois de janvier. Jean-Luc Douillard leur recommande de poser des questions courtes et concises, comme « est-ce que je dois m'inquiéter pour vous ? Et si oui, à quel point je dois m'inquiéter pour vous ? »
«Une femme s'est mise à pleurer»

Des conseils simples qui ont d'ores et déjà permis à Alexandre Dehé, le vice-président du tribunal de commerce d'Évry et le président de la toute nouvelle antenne Apesa 91, de lancer trois procédures de prise en charge dans le département. « Il y a quelques jours, lors d'une audience, une femme s'est mise à pleurer, détaille ce juge. Sur sa déclaration de dépôt de bilan, elle avait écrit qu'elle était au bout du rouleau. Quand je lui ai proposé l'aide de l'association, j'ai senti que ça la soulageait. »

Un dispositif qui permet aussi de soulager les professionnels de la justice commerciale. « Nous sommes régulièrement confrontés à des gens qui sont en très grande souffrance, confirme Alexandre Dehé. Nous pouvons les aider sur le plan de l'entreprise mais nous nous sentions démunis pour le reste. Et c'est difficile de se dire que ce n'est pas notre problème. Apesa nous aide à faire face. »

« Quand on doit annoncer à quelqu'un une liquidation, on cherche longtemps nos mots, renchérit Engareh Alirezaï, administratrice judiciaire à Evry-Courcouronnes. Mais nous ne sommes pas psychologues. Et c'est compliqué de savoir quoi faire face à quelqu'un qui est très déprimé. On n'ose pas toujours poser des questions et s'immiscer dans leur vie privée. »

Apesa devrait donner quelques clés à toutes ces nouvelles sentinelles. Au moins une centaine sera formée en Essonne dans les prochains mois. « Des filets de sécurité » d'autant plus nécessaires dans ce contexte de crise sanitaire, qui menace la santé de nombreuses entreprises.

Numéro vert Apesa : 0805.65.50.50.

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