Pages

vendredi 17 janvier 2020

ETUDE RECHERCHE Association entre la diffusion de la série Netflix "13 reasons why et les taux de suicide aux États-Unis une etude contradictoire

La série Netflix "13 reasons why" n'aurait finalement pas provoqué de vague de suicides


La diffusion de la série 13 Reasons Why n'aurait pas provoqué une augmentation du nombre de suicides aux États-Unis, selon une nouvelle étude qui contredit les conclusions de précédents travaux publiés en 2019.


Hannah Baker est interprétée par Katherine Langford.
 
Hannah Baker, une lycéenne américaine, vient de se suicider. Quelques jours plus tard, un de ses camarades de classe, Clay Jensen, reçoit une boîte portant son nom. À l'intérieur, des cassettes audio enregistrées par Hannah avant de mettre fin à ses jours. Abordé de façon très directe, le suicide chez les adolescents est au cœur de la série 13 Reasons Why, diffusée sur Netflix à partir de 2017. Au départ, le passage à l'acte de la jeune fille est montré dans les épisodes. Une étude publiée en 2019 dans le Journal of the American Academy of Child and Adolescent met en évidence une nette augmentation des suicides (29%, donc 195 cas de plus que les cinq années auparavant) chez les jeunes Américains âgés de 10 à 17 ans, le mois après la diffusion de la série. La scène du suicide a ensuite été retirée.
De nouveaux travaux viennent remettre en question la validité de cette première étude publiée en 2019. Les mêmes données, réanalysées, ne trouvent aucune preuve de contagion de suicide chez les adolescents après la diffusion de la série. Ces nouveaux éclairages sont publiés dans la revue spécialisée Plos One. L'analyse initiale avait dénombré 195 décès par suicide supplémentaires chez les garçons âgés de 10 à 17 ans (durant les neufs mois suivant la sortie de la série, le 31 mars 2017) mais aucun effet similaire n'a été observé chez les filles. "La hausse des suicides devrait être plus forte pour les filles que pour les garçons parce que cette série se concentre sur le suicide d'une lycéenne", avancent les auteurs de ces nouveaux travaux.

Le taux de suicide chez les jeunes de 15 à 19 ans aux États-Unis de 1981 à 2017. Crédit photo : Centers for Disease Control and Prevention.
Comment expliquer la hausse de suicides ?
Selon cette nouvelle étude, les premiers travaux n'auraient pas non plus pris en compte une forte tendance au suicide déjà bien installée chez les adolescents, en particulier chez les garçons, dans les années 2016-2017, donc avant même la diffusion du premier épisode de la série. "L'augmentation constatée en avril n'était pas différente de l'augmentation observée en mai, avant que le programme ne soit diffusé, ce qui suggère encore une fois que ce sont d'autres facteurs qui ont joué un rôle pendant les deux mois qui semblaient significatifs aux auteurs de la première étude." L'étude ne dénote qu'une légère hausse des suicides chez les filles pour le mois d'avril 2017, donc le premier mois de diffusion de la série. Une hausse qui s'arrête dès le mois de mai suivant. Au delà du suicide, cette nouvelle analyse souligne que le principal effet sur les filles pourrait bien être l'automutilation, bien qu'elle n'entraîne pas nécessairement la mort.
Depuis 2008, le taux de suicides chez les adolescents américains, aussi bien les garçons que les filles, ne cesse d'augmenter. Cette hausse a été particulièrement forte en 2017. De 2016 à 2017, le taux chez les jeunes hommes de 15 à 19 ans a augmenté de 21% et de 7% chez les jeunes femmes du même âge. Difficile d'expliquer ce chiffre. Les travaux publiés dans Plos One suggèrent de s'intéresser à d'autres motifs que la diffusion de la série 13 Reasons Why. Tandis que certaines analyses attribuent la hausse des suicides à l'utilisation accrue des réseaux sociaux, d'autres, comme cette nouvelle étude, penchent pour le stress économique déclenché par la crise financière de 2008, couplé à la pression accrue des adolescents pour obtenir une réussite sur le plan scolaire.
Ce n'est pas la première fois que cette équipe travaille sur le sujet. Lors d'une précédente étude, qui prenait aussi en compte les effets du visionnage de la deuxième saison de 13 Reasons Why, les effets sur les téléspectateurs s'étaient révélés à la fois bénéfiques et néfastes sur les jeunes téléspectateurs adultes. Les travaux montraient alors que les jeunes ayant regardé les deux saisons en entier avaient moins d'idées suicidaires que ceux qui s'étaient arrêtés avant la fin.
Des dommages potentiels chez les spectateurs
Au milieu de l'année 2019, plus de deux ans après la sortie de la série, Netflix a décidé de supprimer la scène qui montre le suicide d'Hannah dans la saison 1. Netflix avait alors aussi appelé à ouvrir le dialogue et encouragé les jeunes à "entamer des conversations sur des problèmes difficiles tels que la dépression ou le suicide et à chercher à se faire aider, même si c'est souvent la première fois." "Malgré tout, il ne semble pas que la série ait ralenti ou fait baisser l'augmentation continue du suicide chez les adolescents. Même si la série a eu des effets positifs pour certains spectateurs, les producteurs devraient reconnaître le potentiel dommage que peut causer le programme aux spectateurs les plus vulnérables. Il devrait pouvoir être possible de produire un programme qui montre les défis auxquels les jeunes sont confrontés sans qu'ils ne causent d'augmentation du nombre de suicides", conclut l'étude.
"Notre analyse montre aussi à quel point il est difficile de séparer l'effet Werther de l'effet Papageno lorsqu'il s'agit de suicide." L'effet Werther, surnommé ainsi après une vague de suicide survenue après la publication du livre Les souffrances du jeune Werther de Goethe, désigne la propension des lecteurs ou des spectateurs à commettre un suicide pour imiter un personnage de fiction. À l'inverse, l'effet Papageno désigne l'effet bénéfique que peuvent avoir les médias en présentant des alternatives au suicide dans les situations de crise. Son nom fait référence à Papageno, un personnage de la Flûte enchantée de Mozart, qui envisageait de se suicider avant que d'autres personnages ne lui suggèrent d'autres façons de résoudre ses problèmes.

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/13-reasons-why-n-aurait-pas-provoque-de-vague-de-suicide-selon-une-nouvelle-etude_140548