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vendredi 23 novembre 2018

BRETAGNE Risque suicidaire : les « sentinelles » veillent

Risque suicidaire : les « sentinelles » veillent
Le Télégramme (Bretagne)
vendredi 23 novembre 2018 459 mots, p. LOU2

Afin de prévenir le risque de suicide chez les agriculteurs, la Mutualité sociale agricole a mis en place un réseau de « sentinelles » pour détecter les situations alarmantes.

La Bretagne reste la région de France la plus touchée par les décès par suicide. Et la catégorie socioprofessionnelle la plus à risque est celle des agriculteurs avec une surmortalité par suicide de 20 à 30 % supérieure à la moyenne de la population. Depuis 2011, missionnée par le ministère de l'Agriculture, la Mutualité sociale agricole a donc lancé un plan de prévention du suicide. Ce plan a abouti à la mise en place d'Agri'écoute, dispositif d'écoute téléphonique permettant d'être mis en relation avec un psychologue, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et à la création de cellules pluridisciplinaires de prévention. Ce dispositif de lutte contre le suicide en milieu rural a encore été renforcé par la création de réseaux de « sentinelles ». La MSA d'Armorique, qui a lancé son réseau en 2013, a été pionnière en ce domaine. Ces « sentinelles », bénévoles et anonymes, vivent en milieu rural, en contact avec le monde agricole. La seule condition pour en faire partie est d'être « psychologiquement aptes à supporter la soufFrance des autres ».

À l'écoute des maux

« Une sentinelle n'est pas un soignant, c'est l'originalité de ce type de réseaux. L'idée c'est de trouver des gens sur le terrain pour être à l'écoute. Ils sont observateurs, ils entendent les maux », explique Philippe Meyer, directeur général de la MSA d'Armorique.Véronique Maeght-Lenormand, médecin conseiller technique national de la Caisse centrale de la MSA, confirme : « La sentinelle est là en tant que veilleur. On ne lui demande surtout pas de prendre en charge. Son rôle est de détecter une situation plus ou moins alarmante. Il lui faut connaître la posture à avoir face à une personne qui n'est pas bien... Il faut qu'elle soit à même de la conseiller, de lui donner les adresses pour faire les démarches. On ne demande pas à la sentinelle de prendre la personne par la main ». Les professionnels de la mutualité prennent ensuite le relais.Ces bénévoles, qui sont au nombre de 124 en Bretagne, sont formés pendant trois jours aux techniques d'écoute et de repérage du risque puis, deux fois par an, ils sont réunis pour débriefer. Ce jeudi, à Loudéac, les sentinelles bretonnes étaient conviées à une journée d'échange de leurs expériences mais aussi de rencontres avec des professionnels de santé qui leur ont fourni des outils de repérage et d'orientation des personnes en soufFrance. « C'est important de bien les accompagner dans leur action. On ne les laisse pas livrés à eux-mêmes sinon on risque de les perdre », souligne Bernard Simon, président de la MSA d'Armorique.PratiqueAgri'écoute, tél. 09 69 39 29 19.


Autre article 
Loudéac, Rostrenen
Loudéac, mercredi 14 novembre 2018
Tendre l'oreille pour détecter le malaise
M.G.
Michel Le Goff (à gauche) et Théo Le Pottier (à droite), deux agriculteurs loudéaciens à la retraite.

Les burn-out , et plus généralement le malaise du monde agricole reste souvent invisible, du fait d'une culture du silence entretenue par un milieu de « taiseux ».
« Dans le contexte communal ou familial, les agriculteurs n'ont pas le droit à l'échec » , explique Théo Le Pottier (Lire ci-contre). « L'agriculteur 'en échec' entretient une mauvaise image de lui-même, avec des paroles comme 'je suis un bon à rien, je n'y arrive pas » . C'est encore plus vrai quand la trésorerie se dégrade. Pour essayer de repérer ces grandes souffrances, les deux agriculteurs retraités se sont formés à l'écoute dans le cadre de la prévention du suicide. Abattement, découragement, gros coup de blues... Ce réseau de « sentinelles » (même si les deux hommes n'affectionnent pas particulièrement l'expression, qui implique une 'surveillance') mise sur l'importance d'une écoute attentive.
Trop peu d'appels au secours
En plus du service interne à la MSA (la sécurité sociale agricole) qui dispose de psychologues et de médecins du travail, l'ensemble du réseau externe des différents acteurs du monde agricole est susceptible de repérer un moment difficile ou une grande détresse ( le contrôle laitier, Les Chambres d'agriculture, Solidarité Paysans, tous les organismes en relation avec les agriculteurs).
« Nous essayons d'orienter l'agriculteur vers des médecins de famille ou des services psychiatriques. Il faut écouter, beaucoup, même un signal qui n'a l'air de rien. Quand un agriculteur évoque le suicide, il ne faut pas le prendre à la légère. Il faut essayer de repérer des comportements qui ont changé » , insiste Michel Le Goff. L'un des problèmes les plus importants : la détection de la souffrance elle-même. « Seule une minorité d'agriculteurs en grande difficulté contacte l'association » , observent les deux professionnels à la retraite.
La séparation peut aussi être un facteur de détérioration important. « L'agriculteur n'est pas en dehors de la société, souligne Michel Le Goff. Dans les jeunes générations notamment, il arrive souvent que la compagne d'un agriculteur travaille à l'extérieur, fasse d'autres activités, des congés. Ce décalage peut également être source de tensions au sein du couple. »
 https://www.ouest-france.fr/bretagne/loudeac-22600/centre-bretagne-tendre-l-oreille-pour-detecter-le-malaise-d-un-agriculteur-6069654


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Agriculture. Des sentinelles contre le suicide des agriculteurs
La sentinelle est un veilleur, un bénévole qui conserve son anonymat.

Une rencontre régionale des réseaux de sentinelles de la MSA (Mutualité sociale agricole) a eu lieu, hier, à Loudéac. L’occasion d’échanger expériences et outils de repérage.

La MSA (régime de protection sociale des professions agricoles) disposait d’études anciennes, indiquant une prévalence du risque suicidaire chez les agriculteurs en Bretagne, et particulièrement dans le Centre-Bretagne. « En 2011, Bruno Le Maire, alors Ministre de l’Agriculture, a missionné les MSA pour la mise en place d’un plan national de prévention », indique Philippe Meyer, le directeur général de la MSA d’Armorique (Finistère Côtes-d’Armor), pionnière du réseau des sentinelles, qu’elle a mis sur pied dès 2013.
Une convention passée avec Santé publique France a permis d’apporter de nouveaux éclairages statistiques sur la surmortalité par suicide, basés sur des études concernant les exploitants agricoles (2007-2011) et les salariés agricoles (de 2007 à 2013). « Les plus touchés, mais pas exclusivement, sont les petits exploitants (moins de 50 ha), les hommes, de 45 à 65 ans, qui travaillent seuls (non en société), et ceux qui n’ont qu’une seule activité de production », détaille Véronique Maeght-Lenormand, médecin conseiller technique national. Quatre régions ressortent des études : Bretagne, Hauts-de-France, Bourgogne Franche-Comté et Auvergne Rhône-Alpes.

Qui sont les sentinelles ?
La sentinelle est un veilleur, un bénévole qui conserve son anonymat. Il n’est pas un soignant, même s’il peut aider quelqu’un à passer le coup de téléphone nécessaire. Ancré dans le territoire, il est formé à la détection des signes, à l’écoute, puis à l’orientation vers des professionnels du risque psychosocial et des personnels soignants. Il existe, aujourd’hui, en Bretagne, 124 sentinelles formées à la technique d’écoute et de repérage des risques. Ce sont des élus des MSA, des professionnels du monde agricole, des infirmières libérales, des ambulanciers, tous ceux qui circulent sur le territoire rural et sont à même d’entrer chez les exploitants en souffrance. « Ce phénomène d’identification est essentiel. On se parle parce qu’on se ressemble, parce qu’on vit les mêmes choses », explique Pierre Grandgenèvre, psychiatre du CHU de Lille qui intervient durant cette journée. « Car toute la difficulté, c’est la stigmatisation de la maladie mentale, de la dépression en particulier, qui complique l’accès aux soins ».

Quels sont les outils à disposition ?
Médecins du travail, travailleurs sociaux, services de cotisations et de retraite… Les professionnels de la MSA, organisés en cellules de veille sont attentifs aux situations repérées. Une ligne téléphonique nationale, « Agriécoute », existe également depuis 2014. Elle fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Certains des écoutants sont des professionnels, des psychologues. Une prise en charge dématérialisée est possible, jusqu’à quatre rendez-vous, par téléphone ou sur Internet. « Ce sont les problèmes personnels qui reviennent le plus souvent, d’abord ceux de la vie sentimentale, puis le sentiment de solitude et d’isolement, enfin la surcharge mentale des proches aidants. Ensuite vient l’aspect professionnel, et notamment la surcharge de travail des agriculteurs », expose Véronique Maeght-Lenormand.

Pratique : Ligne Agri’écoute : 09 69 39 29 19
Marion GONIDEC. Ouest-France  22/11/2018