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lundi 12 mars 2018

ENQUETE Les représentations erronées sur la schizophrénie touchent aussi les professionnels de santé

Les représentations erronées sur la schizophrénie touchent aussi les professionnels de santé

Une enquête dévoilée ce 8 mars montre que la méconnaissance sur la schizophrénie (prévalence, symptômes, prise en charge) touche aussi certains professionnels de santé. Ce qui peut retarder l'accès au diagnostic et l'entrée dans les soins, influer sur le type de thérapeutiques ou l'observance des traitements et dégrader la prévention du suicide.
La schizophrénie, qui touche près de 600 000 personnes en France, reste une pathologie mal connue, même de certains professionnels de santé. En illustration de cette méconnaissance, les résultats d'une enquête ont été dévoilés ce 8 mars lors d'une conférence de presse. Ils ont été commentés notamment par le Dr Pierre de Maricourt, psychiatre, chef de service à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, des représentants d'associations de proches — Promesses et Unafam (1) — et de la Fondation Deniker. Réalisé à l'initiative de la firme pharmaceutique Janssen par Opinionway, ce baromètre présenté comme la première enquête confrontant le point de vue des Français, des patients, des aidants, des professionnels de santé et décideurs publics sur cette pathologie, montre en effet que les idées reçues et représentations erronées sur celle-ci ne touchent parfois pas moins les professionnels que le grand public. Parmi les professions sondées figurent des médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens et psychiatres (2).

77% des généralistes jugent la schizophrénie "dangereuse"

Interrogés par exemple sur la prévalence de cette maladie, qui touche une personne sur 100 en population française, seuls 15% des généralistes et pharmaciens connaissaient cet ordre de grandeur, 25% des infirmiers et 61% des psychiatres. Un tiers environ de ces trois premières professions et 22% des psychiatres estimaient la prévalence à une personne sur 10 000. Un résultat commenté par Pierre de Maricourt, signalant que de manière globale l'épidémiologie n'était pas assez enseignée durant les études de santé. Et que cette méconnaissance des chiffres pouvait se retrouver dans d'autres pathologies, même somatiques. Mais la connaissance des symptômes reste également à parfaire.

Probablement "l'une des plus grandes idées reçues sur la schizophrénie", ont pointé les intervenants, le dédoublement de la personnalité, figure parmi le "top 4 des symptômes" les plus cités par le grand public (81%). Si les psychiatres citent à 99% des symptômes reconnus comme la désorganisation de la pensée, les "comportements bizarres", les hallucinations et discours illogiques, les professionnels de santé citent aussi des troubles qui n'entreraient pas dans le tableau symptomatique comme les troubles du comportement alimentaire ou les troubles obsessionnels compulsifs. Les troubles de la mémoire et la perte d'énergie, symptômes réels, semblent insuffisamment connus bien que très handicapants.
Les symptômes de la schizophrénie cités par différents types de populations, selon une enquête Opinionway
Les symptômes de la schizophrénie cités par différents types de populations, selon une enquête Opinionway

Concernant la représentation de la maladie, 83% du grand public est d'accord avec l'idée que la schizophrénie est "dangereuse pour les autres" et génératrice de comportements agressifs et violents. Mais aussi 90% des pharmaciens, 77% des généralistes, 68% des infirmiers et 31% des psychiatres. Une idée qui reste très répandue, quand bien même la littérature montre que les passages à l'acte violent des malades mentaux sont pourtant l'exception (3), quand ces personnes sont en revanche beaucoup plus souvent victimes de violences que la moyenne (7 à 17 fois plus fréquemment que la population générale).

Certaines prises en charge insuffisamment déployées


Une prise en charge optimale de la schizophrénie repose sur l’association d’un traitement médicamenteux, d’un suivi psychothérapeutique et d’un accompagnement psycho-social, ont rappelé les intervenants. Les résultats issus du baromètre montrent que la majorité des patients interrogés déclarent être traités (88%) et suivis par un psychiatre ou un psychothérapeute (81%). Néanmoins, les approches de psycho-éducation sont encore peu connues des patients interrogés (53% pour les patients versus 91% pour les psychiatres). Mais le fait que ces derniers les connaissent ne veut pas dire qu'ils orientent systématiquement vers ce type de prises en charge, alors qu'elles aident à améliorer l'observance. Or, a souligné le Dr Pierre de Maricourt, 75% des schizophrènes ont une mauvaise observance.

Et si 77% des patients connaissent les traitements injectables (4) — versus99% pour les psychiatres —, seuls 26% déclarent s'en être vus prescrire. Pourtant, ils garantiraient l'observance pour 93% des patients, aideraient à prévenir les rechutes pour 81% et amélioreraient l'adhésion au traitement pour 71%. Mais l'image "historique" de ces traitements dans les premières formulations mises sur le marché associées notamment à de lourds effets secondaires contribue sans doute à freiner certains prescripteurs, a commenté le psychiatre. Ou certains patients d'ailleurs, pour lesquels ces traitements resteraient associés à ces effets gênants ou à une perte de contrôle vis-à-vis de la prise de traitement.

Association des aidants et prévention du suicide

Deux autres points importants ont été soulevés. D'une part, l'enjeu de l'intégration des aidants par les professionnels dans la prise en charge est essentielle mais reste à améliorer, a souligné Pierre de Maricourt. En effet, un aidant sur deux accompagne son proche dans sa thérapie (rappel des rendez-vous, rappel et achat des traitements). D'autre part, il a insisté sur l'importance pour les professionnels de détecter les facteurs de risque et signes suicidaires, alors que 20 à 50% des patients schizophrènes font une tentative de suicide. 

D'où l'enjeu de la formation, et notamment celle des médecins de premier recours (a fortiori pour améliorer l'accès au diagnostic, aux soins adaptés, etc.). Les associations de familles et proches ont ainsi témoigné de cas d'années d'errance diagnostique, de détection insuffisante des prodromes de la maladie qui se déclare souvent à l'adolescence ou encore de délais d'attente beaucoup trop longs pour l'accès à des structures adaptées (sanitaires et médico-sociales, notamment ambulatoires). Les intervenants ont ainsi notamment salué l'annonce en janvier dernier de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, selon laquelle "100% des médecins généralistes auront un stage de psychiatrie ou de santé mentale durant leur formation(lire notre article).
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Les symptômes de la schizophrénie cités par différents types de populations, selon une enquête Opinionway
Caroline Cordier
(1) Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam)
(2) Ont notamment été interrogés 100 médecins généralistes, 100 pharmaciens d'officine, 100 infirmiers et 100 psychiatres (libéraux et hospitaliers), indiqués pour chaque profession comme "représentatifs de cette population" sur des critères tels que les régions, l'âge pour certains ou encore les critères d'exercice, pour ceux concernés.
(3) Voir l'audition publique menée par la Haute Autorité de santé (2011) sur la dangerosité psychiatrique. La HAS relève que si dans les études internationales disponibles, les personnes souffrant de troubles mentaux graves sont 4 à 7 fois plus souvent auteurs de violence que les personnes sans trouble mental, elles ne sont que rarement auteurs d’actes de violence grave (environ un homicide sur 20).
(4) Formulations injectables tous les quinze jours, une fois par mois ou par trimestre.
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