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lundi 12 février 2018

QUEBEC CANADA ETUDE RECHERCHE Comprendre le processus de l’évaluation du risque suicidaire auprès des enfants en santé mentale

Vendredi 9 février 2018 Par Véronique Poulin
https://www.uqar.ca*
La professeure en sciences infirmières Nathalie Maltais.
Le suicide est un problème de santé publique important. L’Association québécoise en prévention du suicide (AQPS) rapporte trois suicides par jour au Québec. Or, l’évaluation des personnes présentant un risque suicidaire n’est pas simple, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes enfants de moins de 12 ans. Nathalie Maltais, professeure en sciences infirmières à l’UQAR et candidate au doctorat en sciences infirmières à l’Université de Montréal, a passé la majeure partie de sa carrière d’infirmière en pédiatrie et en pédopsychiatrie. Grâce à son expertise dans le domaine de la santé mentale auprès de cette clientèle, elle cherche à comprendre le processus de l’évaluation du risque suicidaire des infirmières en santé mentale auprès des douze ans et moins.
Les infirmières ont la responsabilité d’évaluer la condition physique et mentale, dont le risque suicidaire, mais lorsqu’il s’agit d’un enfant, elles se sentent parfois démunies. Dans son étude qualitative, Nathalie Maltais a réalisé une série d’entrevues semi-dirigées auprès d’infirmières en santé mentale pédiatrique afin de bien comprendre ce processus d’évaluation, car le risque chez les enfants n’est pas toujours identifié. L’idée de départ était de créer un outil d’évaluation, mais la professeure Maltais a constaté que certains outils existent déjà. Elle a donc décidé de s’intéresser à l’ensemble du processus entourant cette évaluation chez les enfants.
« Les infirmières qui procèdent à l’évaluation du risque suicidaire chez les enfants mentionnent ne pas avoir suffisamment de connaissances. Par contre, lors de l’étude, il a été possible de constater que c’est plutôt dans la manière de faire et comment intervenir lorsqu’un tel risque se présente qui les rend plus inconfortables. Ce n’est donc pas tant une question de connaissance qu’une crainte de la prise de décision. Elles doutent. »
Les infirmières ont la responsabilité d’assurer la sécurité de l’enfant. Quand ce dernier présente peu de facteurs de risque, comme l’absence de trouble mental et aucun antécédent familial de suicide, et qu’il existe certains facteurs de protections comme une vie de famille stable, un bon cercle d’amis, l’évaluation est plus facile. Les infirmières sont également plus confortables lorsque les idées suicidaires sont clairement verbalisées et qu’on suspecte un trouble de santé mentale nécessitant une hospitalisation. Par contre, le doute s’installe lorsque l’enfant ne coopère pas et que l’infirmière n’obtient pas de réponse à ses questions au sujet de l’origine sa grande détresse.
Un des constats de la professeure Maltais démontre que les croyances et les valeurs de l’infirmière peuvent influencer sa prise de décision lors de ce type d’évaluation. Elles teintent souvent la relation avec le jeune et sa famille. Entre autres, pour les infirmières qui sont parents d’enfants de cet âge, la dynamique est différente. D’autres aspects comme la personnalité de l’infirmière, ses croyances religieuses ou ses origines influencent également les actions qu’elles entreprennent auprès des enfants et de leurs familles.
« Heureusement, il y a peu de suicides complétés chez les jeunes », explique la chercheuse. « Chez les enfants, le geste est plus impulsif. Une des psychopathologies fréquemment associées avec le risque suicidaire est le trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). De plus, l’élément déclencheur de la crise est souvent relié à un conflit avec les parents. »
Parmi les facteurs de risque de suicide associés à cette tranche d’âge, on dénote les caractéristiques de l’enfant comme l’impulsivité, la négligence, l’abus physique ou psychologique, les agressions sexuelles, les enfants vivants dans une famille monoparentale ou dans des foyers d’accueil.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi on parle rarement du risque suicidaire chez les enfants. Entre autres, un mythe existe qu’un enfant ne peut pas se suicider à cause de son immaturité cognitive. Pourtant, peu importe s’il ne comprend pas entièrement le concept de mort, il peut tenter de s’enlever la vie. Aussi,Il est difficile pour les adultes de concevoir qu’un enfant veuille mourir. De plus, la prévalence des suicides complétés chez cette population est faible, mais possiblement sous-estimée. Malgré tout, il faut considérer sérieusement cette grande souffrance émotive.
Peu d’études scientifiques existent à ce propos et ne présentent pas un portrait précis de la situation puisqu’elles se basent sur des groupes d’âges de 0 à 25 ans. Pour bien cerner le phénomène du risque suicidaire chez les enfants, il convient de raffiner ces données. La population doit être sondée, car les informations actuelles proviennent majoritairement des milieux cliniques. Or, il est fréquent que les enfants présentant des idées ou comportements suicidaires ne consultent pas.
Afin de terminer ses études doctorales, la professeure Maltais a obtenu une bourse salariale du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur attribuée pour la relève professorale infirmière conjointement avec l’UQAR. Déjà, les résultats préliminaires lui permettent de mieux comprendre le processus d’évaluation vécu par les infirmières en santé mentale pédiatrique et plus particulièrement, d’identifier les éléments qui influencent les actions et interactions de l’infirmière, entraînant différentes conséquences pour elle, l’enfant et ses parents.
La thèse de Nathalie Maltais proposera de manière plus générale, des connaissances scientifiques à l’égard de l’évaluation du risque suicidaire des enfants. Par la suite, des formations seront développées afin d’augmenter le niveau de confiance des soignants à l’égard de cette évaluation. Cette étude permettra aussi aux décideurs d’identifier les obstacles et les ressources nécessaires pour soutenir les intervenants dans cette pratique de prise de décision éclairée.
Nathalie Maltais a présenté les résultats préliminaires de son étude dans le cadre du IASR/AFSP international Summit on Suicide Research en novembre 2017 tenu à Las Vegas. Sa présentation a également été retenue pour le congrès mondial du SIDIIEF qui se tiendra à Bordeaux en France en juin 2018. Plusieurs de ses collègues et étudiants du département des sciences infirmières de l’UQAR seront également présents à cet événement.

https://www.uqar.ca/nouvelles/uqar-info/2436-comprendre-le-processus-de-l-evaluation-du-risque-suicidaire-aupres-des-enfants-en-sante-mentale