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vendredi 23 février 2018

ETUDE ENQUETE Viols et violences sexistes : un problème majeur de santé publique

Viols et violences sexistes : un problème majeur de santé publique
23/02/2018 12’ /jean-jaures.org
Michel Debout, Jérôme Fourquet, Chloé Morin

Quatre millions de femmes déclarent avoir été victimes de viols au moins une fois dans leur vie. Alors que les révélations sur les violences sexuelles se multiplient ces derniers mois, le professeur Michel Debout et la Fondation Jean-Jaurès ont souhaité disposer d’une enquête pour mesurer l’ampleur de ces pratiques dans la société française et pour mesurer leurs effets sur la santé des victimes. Retrouvez les analyses de Michel Debout, Chloé Morin et Jérôme Fourquet.
L’enquête réalisée auprès de 2 167 femmes permet de dresser un premier état des lieux de la fréquence des différents comportements et attitudes sexistes et des violences sexuelles. Elle se focalise sur les cas de violences sexuelles les plus graves à savoir le viol et leurs modalités (lieux, auteurs, âge des victimes…) et met en lumière leurs conséquences très lourdes et les séquelles durables sur les victimes.

Extraits : "L’analyse détaillée des résultats de l’enquête fait apparaître que ce sont les viols survenus au cours de l’enfance ou de l’adolescence qui sont les plus traumatisants. Ainsi, 30 % des femmes ayant subi une pénétration sexuelle, avec violence, contrainte ou surprise durant leur enfance ont déjà sérieusement pensé « assez souvent » (11 %) ou « à plusieurs reprises » (19 %) à se suicider soit un total de 30 % d’entre elles. Cette proportion s’établit à un niveau quasiment aussi élevé (28 %) pour les femmes ayant subi un tel acte à l’adolescence et s’avère moins forte (19 %, soit un niveau néanmoins nettement plus important que pour la moyenne des femmes : 7 %) parmi celles qui en ont été victimes à l’âge adulte. 
Assez logiquement au regard des chiffres qui précèdent, on observe également une très nette prévalence des tentatives de suicide dans notre échantillon. 21 % des femmes ayant déjà été victimes d’un viol contre seulement 5 % de l’ensemble des femmes ont déjà fait une tentative de suicide. Le viol augmente donc par 4 le risque de tentative de suicide. Les chiffres sont même encore plus inquiétants si l’on considère les personnes ayant commis plusieurs tentatives de suicide. 10 % des femmes ayant été victimes d’un viol ont déjà plusieurs fois tenté de se suicider contre seulement 1 % en moyenne dans l’ensemble de la population féminine. Le facteur multiplicateur est ici de 1 à 10 ce qui témoigne des dégâts psychologiques très lourds que causent les viols sur les femmes qui en sont les victimes.
Les médecins, psychiatres, psychologues, les bénévoles associatifs doivent connaître ces données : une femmes qui répète un passage à l’acte suicidaire a en risque majeur d’avoir subis un viol dans sa vie.

VII - Prévenir le viol et les violences sexistes c’est aussi prévenir le risque suicidaire
Avec près de 10 000 morts (plutôt masculines) et 200 000 tentatives (le plus souvent féminines), le suicide est une question majeure de santé publique et notre enquête montre de façon alarmante que la prévention du suicide passe par une meilleure prise en compte des violences sexistes, des viols, et rend nécessaires l’accompagnement et le soutien des victimes.
L’Observatoire National du Suicide, créé en 2013, doit considérer comme une cause prioritaire la meilleure connaissance des effets des viols sur la santé mentale et globale sur le risque suicidaire des victimes.
Les services d’urgences, les médecins traitants, doivent être alertés sur cette réalité : la tentative de suicide ne concerne pas que les adolescentes qui expriment leur mal-être générationnel, mais les femmes tout au long de leurs vies, qui expriment à travers cet acte leurs souffrances psychiques liées à un viol. Cette expression peut être distante de plusieurs décennies après leur agression. Les services de médecine légale où sont réalisés les certificats de constatation nécessaires pour une plainte de viol, doivent avoir les moyens d’un véritable suivie psychologique en relation avec les autres services et les associations de façon à ne pas renvoyer les victimes, après leurs examens, à leurs solitude, à leur honte et leur détresse.
Les victimes doivent pouvoir retrouver une sérénité dans leurs relations intimes, affectives et sociales avec les hommes ; elles doivent savoir que le violeur ne leur ôtera jamais leur dignité.
Il s’agit de construire une société qui ne soit plus fondée sur la domination de quelques-uns et la soumission des autres ; qui ne confond plus violence et rapport humain, une société qui permet à chacune et chacun de se vivre digne de respect.
Méthodologie : Enquête de la Fondation Jean-Jaurès réalisée avec l’institut de sondage Ifop auprès d’un échantillon de 2167 femmes âgées de 18 ans et plus, entre le 6 et le 16 février 2018.


Présentations des résultats : https://jean-jaures.org/nos-productions/viols-et-violences-sexistes-un-probleme-majeur-de-sante-publique#
résultats detaillés https://jean-jaures.org/sites/default/files/redac/commun/productions/2018/0223/115271_-_rapport.pdf