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vendredi 7 avril 2017

MISE A JOUR Ciné film Corporate sorti dans les salles le 5 avril

Le film Corporate est  dans les salles depuis le 5 avril. Il s’intéresse à la thématique du suicide dans le monde du travail.


Dossier de présentation de Diaphana Distributions  http://diaphana.fr/media/corporate-2/CORPORATE_DP_WEB.pdf





1er post 25/02/2017


Article sur le sujet

Comment le film Corporate traite du rôle du Responsable des Ressources humaines dans le suicide d'un salarié
Le film entraîne notre regard sur l’éthique des pratiques d’une entreprise et de la place des Ressources humaines comme main armée des objectifs opérationnels.
11/04/2017 www.huffingtonpost.fr
Sandrine Vialle-Lenoël
Ecrivaine, Psychanalyste, Psychosociologue, Intervenante Prévention des Risques Professionnels Dans le film Corporate, la courte distance focale sur la Responsable des Ressources Humaines, Emilie Tesson-Hansen (Céline Sallette), nous ferait oublier le suicide d'un salarié, qui donne pourtant un relief tout particulier au personnage principal. Le film entraîne notre regard sur l'éthique des pratiques d'une entreprise et de la place des Ressources humaines comme main armée des objectifs opérationnels.
Le suicide dans l'ensemble de son processus est traité par le réalisateur, Nicolas Silhol, avec une grande justesse.
Cette RRH n'a aucun questionnement sur les conséquences de ses actes. Ces derniers répondent à un objectif donné par le Directeur des Ressources Humaines et la Direction Générale. Elle ne pense pas à un "au-delà", des effets produits sur les salariés. Stéphane Froncart (Lambert Wilson), le DRH, bien plus cynique qu'Emilie, la mettra en réflexion sur les risques engendrés par leurs pratiques. Ces séquelles humaines, il les a envisagées, mais qu'importe, le résultat attendu justifie les moyens. Il ne se sent pas responsable du "choix" que fera le salarié que l'entreprise pousse dehors. La résilience du salarié ou son effondrement n'est pas du registre de sa responsabilité. D'ailleurs, les fragilités personnelles, les difficultés de la vie privée seront mises en avant, afin de donner une cause à l'acte et tenter de décharger l'entreprise d'une éventuelle responsabilité.
Le suicide de M. Dalmat viendra confronter brutalement Émilie sur ce qu'elle ne voulait ni voir, ni savoir de la réalité du salarié quand elle pousse à la démission avec tant d'habileté. Dans la scène du bar, elle réalise son identité, elle n'est plus RRH, elle trouve une nouvelle nomination "je suis une Killeuse", elle a été embauchée pour cela, c'est sa compétence, son rôle auprès de sa direction. Il y aura pour cette RRH un avant et un après, avec la prise de conscience que sa pratique peut rendre propice le passage à l'acte suicidaire.
Emilie n'a pas envisagé le suicide comme une conséquence possible. Elle ne possède pas non plus les connaissances pour repérer un processus suicidaire. Contrairement au discours circulant dans les entreprises, véhiculé par bon nombre d'intervenants, les signes ne sont pas faibles, ils ne relèvent pas de l'intensité, ces signes sont visibles à ceux qui ont les connaissances pour les lire. Pour exemple, les différentes demandes d'appel à l'autre de la part de Mr Dalmat qui restent sans réponse, sont un risque pour celui dont l'acte suicidaire a pris une place dans la pensée. Puis la scène dans la rue où M. Dalmat attrape violemment Emilie par le bras, s'affranchit de la distance qu'impose la relation, il s'agrippe, elle a peur, exaspérée, elle lui dit la vérité: l'entreprise ne veut plus de lui. Cette scène est un signe avant coureur d'un passage à l'acte suicidaire, c'est un passage à l'acte mais qui s'adresse encore à l'Autre et n'en est pas une rupture définitive. La demande est au centre de la scène. Si, à ce moment précis, le suicide est proche, il est néanmoins encore évitable. Mais si celui qui est confronté au risque n'est pas retenu par l'Autre, le passage à l'acte suicidaire va se présenter rapidement comme un dénouement. Emilie n'interprète pas cet acte comme un appel, elle n'a aucun mouvement vers lui, se protéger l'emporte. On apprendra plus tard qu'il a réitéré auprès du DRH un appel qui restera sans réponse satisfaisante. Le lâcher de l'Autre va précipiter ce salarié dans un passage à l'acte suicidaire, le suicide étant devenu "sa" solution: il se laisse chuter, il démissionne de tout, de l'entreprise, de l'autre, de la vie.
Quels sont les Responsables ou Directeurs des Ressources Humaines ou tout autre acteur de prévention en entreprise qui, en voyant cette scène, ont su qu'il s'agissait d'un "acting out" parfaitement repérable comme signe avant-coureur d'un passage à l'acte suicidaire, que certains spécialistes, de la prévention du suicide, certes peu nombreux, savent particulièrement repérer?
Le suicide sur le lieu du travail est le plus souvent interprété comme un message adressé aux autres, chargés d'interpréter le sens d'une souffrance, qui n'a été ni entendue ou ni traitée ou qui n'a pas pu se "dire". En effet, M. Dalmat ne dit rien de son mal-être, il ne trouve personne à qui l'adresser, il est perceptible par son physique et son errance, particulièrement bien joué par l'acteur dont on ne trouve d'ailleurs nulle part le nom dans le casting sur internet, tant il colle au personnage!
Le traitement par la Responsable des Ressources Humaines de l'après suicide est d'une grande maladresse. Le suicide produit un arrêt. Les proches collègues n'ont de cesse de reconstituer "l'avant" du passage à l'acte, relevant les quelques incohérences de leur comportement qu'ils ne décryptent qu'a postériori. La culpabilité de ne pas avoir vu, de ne pas avoir répondu au désarroi de leur collègue, et enfin l'interrogation de leur conscience sur leur part de responsabilité, même si elle est envisagée comme infime. La scène dans l'open space est bouleversante de crédibilité.
La RRH veut aller vite et souhaite faire disparaître toute trace de M. Dalmat. Le rangement de ses affaires personnelles fera à nouveau l'objet d'un passage à l'acte, une altercation violente entre le manager et un collaborateur.
Là encore, ce passage à l'acte aurait pu être évité, si la RRH avait su qu'il faut du temps pour arriver à dépasser la perte brutale d'un collègue et qu'il est nécessaire de laisser au collectif le choix du rythme et de la manière la plus acceptable pour eux, de gérer cet après.
Ce film ne vient pas seulement interroger l'éthique d'une Direction et de la fonction des Ressources Humaines, mais aussi rappeler à l'employeur qu'il a l'obligation de protéger la santé et la sécurité des salariés quel que soit le contexte économique de l'entreprise et que son manquement relève de la faute inexcusable. Si la plupart des entreprises sont plus attentives aujourd'hui à leur pratiques et ont mis en place des préventions en matière de risques psychosociaux, il demeure néanmoins, ça et là, des situations dégradées de travail, des comportements déviants, des ambiances délétères, et des suicides.
Les raisons d'un suicide sont complexes et multifactorielles, les facteurs de déclenchement parfois surprenants et inattendus, les interprétations trop courtes et linéaires sont rarement justes. Face à ces situations complexes, les pratiques de prévention se heurtent encore trop souvent à un champ de connaissance du fait psychique trop restreint ou erroné dans son rapport au social et tout particulièrement en matière de suicide, où connaître les conditions qui rendent propices l'émergence d'un passage à l'acte est un enjeu crucial.
http://www.huffingtonpost.fr/sandrine-viallelenoel/comment-le-film-corporate-traite-du-role-du-responsable-des-ress_a_22035000/