Pages

lundi 27 février 2017

ARTICLE PRESSE Enquête Suicide paysan

d'après article : Enquête Suicide paysan : la faucheuse est dans le pré
Par Philippe Brochen
En raison de graves difficultés financières, de plus en plus d’agriculteurs mettent fin à leurs jours.
Le malaise du monde agricole n’en finit pas. Depuis des années, nombre de producteurs français traversent une crise majeure face à la concurrence des autres pays européens en raison de la surproduction, notamment dans les secteurs de la viande porcine, bovine et du lait en raison de l’abandon de la politique des quotas par l’Union européenne (UE). Pour leur part, les céréaliers ont réalisé en 2016 leur plus mauvaise récolte depuis la Seconde Guerre mondiale en raison des intempéries du printemps. Résultat, selon le cabinet Altarès, les défaillances des entreprises agricoles ont encore augmenté de 4 % en 2016 avec 1 331 redressements ou mises en liquidation, alors que sur l’ensemble de l’économie française elles ont reculé de 8,3 %. L’élevage reste le secteur le plus touché avec une augmentation de 8 % des défaillances. En première ligne, les élevages de porcs (+83 %), devant la production laitière (+30 %).
Dans sa dernière interview accordée au Parisien avant sa mort, Xavier Beulin, ancien président de la FNSEA, le premier syndicat agricole, estimait que «20 000 exploitations sont menacées de disparition». Et ce, en dépit des aides de l’Etat. Le ministère de l’Agriculture avance que 2,8 milliards d’euros d’allégement de charges sociales et fiscales supplémentaires ont été accordés en 2016 aux entreprises agricoles et agroalimentaires par rapport à 2012, avant le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité et de solidarité.

«Désolée»

Corollaire de cette situation, les campagnes pleurent les suicides de paysans surendettés, qui travaillent à perte et sont déboussolés par une conjoncture qui ne leur laisse pas entrevoir la lumière. Sans compter le sentiment d’une perte de sens de leur métier. Vendredi, une productrice de lait des Côtes-d’Armor, mère de famille de 47 ans, a été trouvée pendue dans sa salle de traite. En difficulté financière, elle a laissé un message disant qu’elle était «désolée» mais qu’elle ne «support[ait] plus la situation». Selon son mari, «elle était fatiguée de devoir travailler beaucoup et de ne réussir qu’à payer les factures».
Santé publique France (l’ex-Institut national de veille sanitaire) a réalisé une étude en 2010 et 2011 - c’est la dernière en date disponible - qui dénombrait 253 décès par suicide chez les hommes et 43 chez les femmes sur ces deux années. «La comparaison de la mortalité des agriculteurs exploitants par ce mode opératoire par rapport à celle des hommes du même âge dans la population française montrait un différentiel de 20 %, indique Imane Khireddine-Medouni, médecin épidémiologiste à la direction travail de Santé publique France. Le secteur de l’élevage (bovin, lait) ressort particulièrement avec un excès de décès par suicide de 58 % en 2008, 47 % en 2009 et 51 % en 2010.»
Certaines tranches d’âge sont plus concernées : les 45-54 ans et, davantage encore les 55-64 ans. Selon Imane Khireddine-Medouni, le passage à l’acte plus important chez les seniors s’explique par «les enjeux liés à la transmission de leur exploitation ainsi que les questions de modernisation qui peuvent être vécues difficilement par une personne plus âgée».

Reconversion

Pour prévenir ces issues dramatiques, plusieurs structures interviennent auprès des agriculteurs en détresse. Ainsi, Solidarité Paysans, réseau associatif créé en 1992, accompagne chaque année quelque 3 000 familles. «Nous avons intégré les problématiques psychosociales dans notre accompagnement aux paysans en 2006, précise Patrick Bougeard, président de Solidarité Paysans. Mais nous intervenons essentiellement sur les questions de difficultés économiques. Et peu de nos adhérents passent à l’acte. Ils appellent suffisamment en amont pour que les choses ne dégénèrent pas.» De son côté, la Mutualité sociale agricole (MSA) a mis en place en 2014 le dispositif Agri’Ecoute, où les appels d’agriculteurs en souffrance sont gérés par SOS Amitié et SOS Suicide Phénix vingt quatre heures sur vingt quatre et sept jours sur sept. En 2016, la plateforme a reçu 2 664 appels, contre 1 219 en 2015.
Avant de commettre l’irréparable, des agriculteurs en détresse économique choisissent de quitter leur activité. Selon la MSA, les exploitants les plus en difficulté - environ un tiers de la profession - se sont retrouvés l’an passé avec un revenu mensuel d’à peine plus de 350 euros. Soit environ 130 000 paysans sur les 468 000 exploitants que comptait la France fin 2015 (ils étaient 547 000 en 2005).
Pour changer de métier, ils peuvent s’appuyer sur Vivea. En 2015, ce fonds de formation agricole a traité 240 dossiers d’agriculteurs qui avaient décidé de changer d’activité professionnelle. Pour sa part, le ministère de l’Agriculture accompagne les agriculteurs par une aide de 3 100 euros, plus 1 550 euros en cas de déménagement. Cette enveloppe des aides à la reconversion a été multipliée par dix pour atteindre 15 millions d’euros. De son côté, le conseil régional des Pays-de-la-Loire verse aux agriculteurs en reconversion 70 % du Smic pendant la durée de leur formation. Enfin, deux fois par an, la chambre d’agriculture de Bretagne organise des sessions de réflexion de quatre jours pour les agriculteurs qui souhaitent se réorienter.
Philippe Brochen 
 
http://www.liberation.fr/futurs/2017/02/24/suicide-paysan-la-faucheuse-est-dans-le-pre_1550939 
 
INFO +
Contacts structures citées
http://www.solidaritepaysans.org/
 
http://www.msa.fr/lfr    / http://www.msa.fr/lfr/solidarite/prevention-suicide
 
Vivea est un fonds d’assurance formation qui a été créé en 2001 entre les syndicats agricoles (Confédération paysanne, Coordination Rurale, FNSEA et Jeunes Agriculteurs) et des organisations agricoles (Chambre d'agriculture et CNMCCA)
http://www.vivea.fr/