RELIGION. La tentative de suicide d'un prêtre met en lumière un phénomène longtemps tabou : le burn-out chez les hommes d'Eglise.
Aux yeux des fidèles, ils incarnent la joie de vivre, l'espérance d'un monde meilleur, la quiétude, le bonheur d'être au service de Dieu. Mais l'image est parfois trompeuse. Car les prêtres, aussi, peuvent craquer, être mal dans leur peau, avoir de graves troubles psychiques, être en conflit avec leur hiérarchie, tomber dans la dépression... Jusqu'à vouloir se supprimer à l'instar de ce prêtre officiant en Bretagne qui a fait une tentative de suicide la semaine dernière. Ces drames sont évidemment rarissimes mais ils existent et bouleversent à chaque fois la communauté catholique. Il y a trois ans, un curé du diocèse de Coutances (Manche) a ainsi mis fin à ses jours.Longtemps taboue — et aujourd'hui encore rares sont les religieux qui acceptent d'en parler comme Jacques —, la question du mal-être de certains prêtres est désormais prise au sérieux par l'Eglise de France. Aucun diocèse n'est à l'abri d'un gros coup de blues de l'un de ses ambassadeurs en soutane. Même si les cas demeurent isolés, le burn-out gagne du terrain, surtout chez ceux qui font la tournée des clochers à la campagne. Avec la chute des vocations, les prêtres — ils sont aujourd'hui 15 000 contre deux fois plus il y a deux décennies — ont vu s'accroître leurs responsabilités. Sollicités de toutes parts, ils sont peu nombreux à savoir dire non.
Très sollicités, ils ne savent pas dire non
« Le burn-out est une pathologie liée au don de soi, il n'est pas étonnant que ça guette les prêtres qui se donnent aux autres en s'engageant à fond », analyse M gr Denis Jachiet, vicaire général au diocèse de Paris. Ecouter quotidiennement les malheurs des autres mais aussi faire face aux attaques de « bouffeurs de curés » est parfois difficile à encaisser. La suspicion de l'opinion publique à l'heure des scandales pédophiles a également renforcé le spleen des cols romains. Tout comme l'assassinat du père Hamel il y a trois mois à Saint-Etienne-du-Rouvray.
« Certains ont le sentiment de recevoir pas mal de plaintes et beaucoup de confidences. Ce qu'ils reçoivent, ils peuvent le confier à Dieu dans la prière. Mais cela n'exclut pas que le vase puisse être plein », estime Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille. Les évêques n'hésitent plus à orienter leurs curés vers un psy quand ceux-ci semblent être au bout du rouleau, ou même vers une maison de convalescence. Ils sont particulièrement attentifs au moral de leurs « prêtres venus d'ailleurs » qui représentent désormais 10 % du clergé hexagonal. Pour ces curés détachés en provenance majoritairement d'Afrique, la solitude est parfois pesante face à des fidèles moins chaleureux qu'espéré. « Ils sont loin de chez eux, ils peuvent être un peu perdus », reconnaît Mgr Ulrich. Des sessions d'accueil sont désormais organisées pour les aider à surmonter le décalage culturel et cultuel.
Dans des diocèses, on se mobilise
Pour mieux épauler les prêtres fragilisés, les diocèses font de plus en plus appel aux services d'une assistante sociale. Une trentaine, soit un tiers des évêchés, en comptent une dans leurs rangs, salariée ou bénévole. Leur principale mission : guider les « aînés » à la retraite. Mais elles sont aussi à l'écoute des prêtres en activité qui flanchent. Pas simple, pourtant, pour eux d'aller s'épancher quand ils vont mal. « Il y a une grande pudeur », observe Nicole Maerten, assistante sociale du diocèse d'Arras (Pas-de-Calais).A celui de Lille (Nord), une « équipe d'accompagnants » composée notamment d'un médecin, d'une infirmière et d'une assistante sociale est à disposition du clergé. « On peut aussi indiquer des noms de psys. Mais les prêtres âgés ont parfois des réticences à aller consulter », constate Myriam Jaupitre, déléguée épiscopale pour la santé des prêtres. A Paris, une « équipe d'accueil et d'écoute » animée par trois prêtres d'âge différent vient d'être mise en place pour « parler librement des questions personnelles », à l'écart de tout rapport hiérarchique. Dans le diocèse de Cambrai sont instaurées des « équipes de partage de vie ». « On se rencontre deux fois par trimestre avec des copains prêtres pour échanger sur tout », souligne le père Denis Lecompte.
Des diocèses organisent enfin des sessions de formation en présence de coachs bénévoles, notamment des chrétiens retraités qui ont fait carrière dans les RH. Ils sont là pour apprendre aux ecclésiastiques à mieux gérer leur temps, à travailler ensemble, à déléguer afin d'éviter, en particulier, le burn-out.
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