Tentatives suicidaires de l’hystérique : quels enjeux en milieu psychiatrique ?
Suicide attempts among hysterical subjects: What are the challenges in psychiatric wards?
Camille Legrand , Pascal Le Maléfan,
Normandie université, UNIROUEN, PSY-NCA, 76000 Rouen, France
L'Évolution Psychiatrique
Available online 5 July 2016
Résumé
Objectifs
Face
à la fréquence de ses récidives, le passage à l’acte suicidaire chez
l’hystérique pose question, notamment lorsqu’il révèle la difficulté des
équipes soignantes d’un service psychiatrique à le prendre en charge et
à le tolérer. Mal interprétée ou incomprise, la souffrance hystérique
interroge, en effet, des pratiques cliniques qui se fondent aujourd’hui
essentiellement sur des critères strictement comportementaux. Il
conviendrait dès lors de se demander si l’explication actuelle de
l’hystérie fournie par le « Trouble de la Personnalité Histrionique
(TPH) » issu du DSM-IV et reprise partiellement dans le DSM-5 n’a pas
elle-même joué un rôle dans le déclin de sa compréhension. Une histoire
des phénomènes suicidaire et hystérique rappelle l’importance de la
découverte d’un inconscient subjectif – ce dernier permettant de
disculper l’hystérique de l’intention qui lui est pour lors faite de
simuler sa souffrance.
Méthode
Deux
cas sont ici proposés, d’une étude plus large réalisée dans un service
de psychiatrie adulte sur la base d’entretiens. Le choix d’une approche
référée à la psychanalyse vise à questionner les critères de validation
comportementale du DSM-IV – la simple construction terminologique du
« Trouble de la Personnalité Histrionique » posant question sur ses
implications morales et sa redondance étymologique.
Résultats
À
l’issue de notre étude clinique, il a pu être constaté que les
souffrances des sujets suicidaires diagnostiqués « histrioniques »
étaient bien réelles et que n’étant ni feintes, ni mimées, le diagnostic
de TPH faisait néanmoins porter à ces patients une intention de
ressemblance à la souffrance des autres malades.
Discussion
Les
travaux de Charcot, Freud et Janet se sont inscrits, au-delà de leurs
différences doctrinales, dans une trajectoire clinique différente de
l’acception actuelle du TPH issu d’un DSM majoritairement reconnu.
Conclusions
La
multiplication des cas d’hystérie suicidaire rencontrés en service
psychiatrique ont semblé relever au final d’un abus symptomatique de
diagnostic quant à la caractérisation de souffrances socialement
inadaptées. La plupart des sujets identifiés comme souffrant de ce
trouble ne l’étaient pas nécessairement et ceux qui l’étaient
réellement, achoppèrent dans ce service sur une incompréhension
fondamentale de la souffrance exprimée. Le traitement de l’hystérie
suicidaire à travers une prise en charge psychiatrique nous est dès lors
apparu peu adapté. L’hôpital comme lieu de spectacle et d’indifférence
par excellence à la maladie, encourageait au contraire ces sujets à
surenchérir dans les modes de démonstration de leur mal-être.