Une viticultrice lance un appel à la solidarité pour prévenir les suicides
En 25 ans de métier, Chantal Coudert-Appert, viticultrice à Fleurie, n’avait jamais vu pareille détresse aux bords des vignes, au lendemain de l’épisode de grêle violent du vendredi 27 mai. Et d’organiser deux rendez-vous, avec les partenaires de la viticulture, pour que les personnes touchées puissent parler, s’entraider.
Article du 03/06/2016 sur leprogres.fr*
Au lendemain des orages qui ont essentiellement touché les crus morgon, fleurie et chiroubles et le nord de Lancié, la détresse des viticulteurs était palpable. À l’instar de ce viticulteur de Villié-Morgon que nous avions tenté de rencontrer, mais qui n’avait pas ouvert la porte de son domaine, pleurant derrière sa porte. Ou encore ces nombreux hommes et femmes qui étaient aux bords de leurs vignes, atterrés devant ce spectacle que la nature leur offrait… Un sale cadeau qui a anéanti le travail d’une année. Certains n’auront que peu de récolte, voire pas ; et certains n’en auront pas non plus en 2017 tant la violence de la grêle a mis à mal leurs vignes.
Un appel au secours
Dimanche, une réunion de crise a été organisée en mairie de Fleurie, réunissant viticulteurs, élus et instances viticoles. Chantal Coudert-Appert était présente et avait déjà lancé un appel poignant sur la situation morale des viticulteurs touchés ; un appel au secours. « Il faut mettre en place un accompagnement psychologique rapidement car les suicides sont nombreux », avait-elle lancé, très émue. Et d’après une étude de l’INVS (Institut national de veille sanitaire) pour la MSA, en 2015, le suicide serait la 3e cause de décès chez les agriculteurs exploitants (lire ci-dessous). Quelques jours après, la viticultrice annonce la tenue de deux réunions, pour que les viticulteurs touchés puissent s’entraider.
« Il n’y a rien d’humiliant à se faire aider »
« De nombreux viticulteurs sont assommés par leurs problèmes et ont l’impression que rien n’est fait. L’un d’entre eux est venu me voir et je lui ai dit qu’il fallait espérer. Que nous allions l’aider, avec l’association Solidarité Paysans, à tout mettre à plat. S’il n’y avait pas eu d’écoute, il aurait pu faire une bêtise. » Une démarche d’aller vers l’autre, pour demander de l’aide, pas toujours facile à accepter dans une profession où la solitude est quotidienne. Et la fragilité bien présente : « Certaines exploitations étaient déjà fragiles ; pour elles, cette situation est catastrophique ».
Et d’insister : « Il faut expliquer aux viticulteurs que ce que nous mettons en place est là pour les aider. Mais que c’est une chaîne de solidarité qui leur permettra ensuite d’aider à leur tour. Ce qui aide aussi à aller mieux. » Elle confie d’ailleurs que d’avoir aidé ce viticulteur lui a permis d’aller mieux et de retourner peut-être plus vite à la vigne.
« Dans nos petits villages, tout le monde peut faire quelque chose. Habitants ou viticulteurs retraités, allez voir vos voisins, prendre de leurs nouvelles, discuter, prendre un café. Ou signalez-le. Vous pourrez ainsi sauver des vies. »
Pour que les viticulteurs puissent, en toute intimité, se confier, deux réunions sont donc organisées (*) en début de semaine prochaine. « Nous voulons proposer un temps d’écoute, d’échanges, de partages, ainsi que les aider à répertorier leurs difficultés. Mais aussi trouver des idées et des solutions tous ensemble. »
Normalement, à cette saison, les viticulteurs attachent les vignes, font d’éventuels traitements car le taux d’humidité peut laisser apparaître du mildiou (champignon). « Tout ça nous a coupés dans notre élan. Et on ne sait plus comment s’organiser. On a été sonné. Mais petit à petit, les gens sortent de leur torpeur. Il faut que nous nous redonnions de l’élan, pour avancer », conclut-elle.
(*) Réunions lundi 6 juin à 17 heures à la salle des fêtes de Chiroubles et mercredi 8 juin au foyer rural de Fleurie.
** http://www.leprogres.fr/beaujolais/2016/06/03/une-viticultrice-lance-un-appel-a-la-solidarite-pour-prevenir-les-suicides