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mardi 28 juin 2016

Complement : L'enquête de l'Ordre des médecins sur la santé des étudiants en médecine et des jeunes médecins


Santé des étudiants et jeunes médecins

Le conseil national de l’Ordre des médecins publie aujourd’hui les résultats d’une enquête inédite sur la santé des étudiants en médecine et des jeunes médecins. Près de 8 000 étudiants et jeunes médecins y ont répondu 
Les résultats de cette enquête traduisent l’expression d’une forme de souffrance, et ce notamment en second cycle

La commission jeunes médecins du Conseil national de l’Ordre des médecins, présidée par le Dr. Jean-Marcel Mourgues, a mené en partenariat avec les principales structures représentatives des étudiants en médecine et jeunes médecins une enquête inédite en France tant par son sujet que par son ampleur, puisque 7 858 étudiants et jeunes médecins y ont répondu.
Cette enquête permet de dresser plusieurs constats sur la santé des étudiants et jeunes médecins, dont la souffrance est avérée. Ainsi, près du quart des répondants évalue leur état de santé comme étant moyen ou mauvais, et 14% des étudiants et jeunes médecins déclarent avoir déjà eu des idées suicidaires. Ce constat peut inquiéter, et ce d’autant plus que les étudiants et jeunes médecins sont peu suivis par la médecine du travail et universitaire, et qu’ils ne semblent consulter que rarement des médecins généralistes.
Ressort également de cette étude un appel quasi-unanime à un rôle renforcé de l’Ordre, 92% des répondants déclarant que l’entraide vis-à-vis des jeunes médecins devait être une mission de l’Ordre. Cette attente, considérable par son ampleur, incite l’Ordre à une réflexion sans délai sur l’instauration d’un réel compagnonnage dans l’apprentissage du métier.
Plus largement, les multiples réflexions issues de cette enquête sans précédent devront s’inscrire dans le cadre plus large des propositions de l’Ordre pour l’avenir de la santé, telles qu’exposées dans un Livre blanc publié en janvier 2016. Plusieurs des propositions du Livre blanc avaient en effet trait à la formation et pourraient permettre de répondre en partie aux défis mis en lumière par l’enquête sur la santé des jeunes médecins, en permettant notamment de faire découvrir précocement l’exercice de la médecine et de lever l’angoisse de l’inconnu. L’Ordre propose ainsi de régionaliser la formation initiale en transformant les ECN en épreuve classante inter-régionale, et de renforcer la professionnalisation du second cycle.
Cette étude ambitieuse porte uniquement sur les étudiants en médecine et les jeunes médecins. Si ses résultats sont riches d’enseignements, une démarche comparative portant sur d’autres populations étudiantes soumises au stress et aux angoisses propres à ces périodes de vie, à l’instar des élèves de classes préparatoires aux Grandes Ecoles, pourrait encore l’enrichir en permettant d’identifier, le cas échéant, les difficultés propres aux étudiants en médecine et jeunes médecins.
Dans le détail, voici les principaux enseignements de l’enquête menée auprès des étudiants et des jeunes médecins :
  • Un quart des répondants déclare  un état de santé moyen  ou mauvais . Cette souffrance atteint son paroxysme en second cycle : 30,8% des étudiants de second cycle déclarent ainsi un état de santé moyen mauvais, contre 24,2% pour l’ensemble de la population interrogée.
  • 14% des répondants ont déclaré avoir déjà eu des idées suicidaires. Ils sont 16% en second cycle, 14% en 3e cycle, et 12% en fin de cursus. Parmi les 578 répondants ayant déclaré être en mauvaise ou moyenne santé et avoir eu des idées suicidaires, 54,8% vivent seuls, et 39,2% en couple. Parmi les étudiants ou jeunes médecins ayant déclaré avoir eu des idées suicidaires, on constate par ailleurs un usage plus important d’anxiolytiques, 30% d’entre eux déclarant en consommer souvent ou parfois.
  • La médecine du travail et la médecine universitaire restent trop absentes de la surveillance et de la prévention des étudiants et jeunes médecins. Ainsi, seuls 36% des étudiants ou jeunes médecins ont rencontré la médecine du travail ou la médecine universitaire au cours des deux dernières années. Par ailleurs, plus l’étudiant évolue dans sa formation, moins il rencontre la médecine du travail ou la médecine universitaire : les post-internats et jeunes professionnels ne sont que 22% à avoir rencontré la médecine du travail ou la médecine universitaire  au cours des deux dernières années, contre 47% des étudiants en second cycle. Paradoxalement, alors que ces derniers sont près d’un sur deux à avoir rencontré la médecine du travail ou la médecine universitaire, il s’agit du groupe qui se déclare comme étant celui en moins bonne santé.
  • Malgré une Directive européenne sur le temps de travail des internes, le temps de travail déclaré reste très majoritairement supérieur à 48 heures hebdomadaires. 39,95% des répondants déclarent travailler entre 48 et 60 heures, 16,04% entre 60 et 70 heures, et 8,65% plus de 70 heures par semaine. Or le lien entre le temps de travail et la qualité de l’état de santé est puissant, quelles que soient les cohortes examinées.
  • Les jeunes médecins ne semblent malgré tout pas consulter de médecins généralistes. Interrogés sur leurs consultations d’un médecin généraliste au cours des douze mois précédant l’enquête, seul un tiers des participants a répondu à la question, et la réponse était largement négative : 68% des participants ayant répondu à cette question n’avaient pas consulté de médecins généralistes au cours des douze derniers mois, une proportion qui grimpe à 73% chez les répondants en 3e cycle et à 78% chez les étudiants en fin de cursus. Parmi les motifs avancés pour expliquer l’absence de consultation, 39% des répondants déclaraient n’en avoir « pas le temps », et 15% qu’ils optaient pour une « prise en charge personnelle. »
  • Pour les cas les plus sévères, lorsqu’un étudiant ou un jeune médecin est dans l’incapacité avérée d’exercer la profession et/ou la spécialité à laquelle il se destinait, 95% des étudiants et jeunes médecins appellent de leurs vœux la création d’un processus de requalification ou de reprofessionnalisation.  

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PDF icon Enquête sur la santé des étudiants et jeunes médecins17.22 Mo

 Source https://www.conseil-national.medecin.fr/node/1726

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Article sur le sujet
Médicaments, alcool : une enquête de l'Ordre révèle la souffrance des jeunes médecins
Henri de saint Roman lequotidiendumedecin.fr* | 24.06.2016

Après la grande consultation de l'automne 2015, au cours de laquelle l'Ordre avait recueilli les avis de 35 000 praticiens sur l'avenir du système de santé, l'institution a pris le pouls des étudiants et jeunes médecins. Le résultat dresse le portrait sanitaire d'une génération d'étudiants parfois en souffrance.
« Admettre que le médecin peut être en détresse morale et physique, est longtemps resté un sujet tabou », rappelle le CNOM. Pour en savoir plus, sa commission Jeunes médecins a adressé par mail un questionnaire aux étudiants de 2e cycle, 3e cycle ou en fin de cursus, ainsi qu'à ceux disposant d'une licence de remplacement mais non inscrits à l’Ordre. Près de 8 000 d'entre eux ont répondu.
Plus d'un interne sur deux a eu un arrêt de travail dans les deux dernières années
Interrogés sur leur état de santé, près de 25 % des répondants le jugent moyen (21,1 %) ou mauvais (3,1 %). Mais c'est surtout en début de cursus qu'ils se sentent fragiles. 26,1 % des sondés du 2e cycle jugent leur état de santé moyen (4,7 % le jugent mauvais). Pour le 3e cycle, le ratio est de 20,6 % et 2,9 % (17,2 % et 2,1 % en fin de cursus). Les étudiants vivant seuls jugent plus sévèrement leur état de santé que ceux vivant en couple ou en famille. Enfin, alors que 58 % des sondés déclarent avoir un médecin traitant, ceux qui n'en ont pas sont plus nombreux à se sentir en moyenne ou mauvaise santé.
Cet état de santé conduit parfois certains à s'arrêter. Un étudiant de 2e cycle sur trois a eu un arrêt maladie au cours des deux dernières années — ils sont 56 % chez les internes et 11 % en fin de cursus. Dans 78,6 % des cas, cet arrêt était consécutif à un trouble somatique (21,4 % à un trouble psychique).
Les étudiants ne sont pas exempts d'idées suicidaires, comme l'actualité récente l'a tristement rappelé. Sur les 1 079 répondants ayant déjà pensé à mettre fin à leurs jours, (14 % des sondés), 578 ont également indiqué être en mauvaise ou moyenne santé. Parmi eux, 46 % vivent seuls, et 54,6 % travaillent plus de 48 heures par semaine. 29,2 % de ces 578 répondants affirment consommer « souvent » des produits comme le tabac, l'alcool ou des drogues illicites, et 30,2 % « parfois ».
Beaucoup de médicaments mais peu d'antidépresseurs
Étudiants et internes font aussi un usage parfois peu modéré des médicaments. Les antalgiques de palier 1 sont « souvent » consommés par 32 % des répondants (40,4 % en prennent « parfois », 22 % « rarement »). Pour ceux de palier 2, 3,1 % en ont souvent l'usage, 13,5 % parfois et 18,2 % rarement. Les anxiolytiques aussi font partie de la panoplie (3,1 %, 7,9 %, 11,5 %) et la consommation est sensiblement plus élevée chez les répondants en mauvaise santé, ou qui ont eu des idées suicidaires.
En revanche, les antidépresseurs ne font guère recette. 2,3 % en prennent souvent, 1,7 % parfois et 3,6 % rarement. Leur consommation se concentre essentiellement chez les étudiants ayant eu des idées suicidaires et étant en moyenne ou mauvaise santé. Les somnifères sont également peu utilisés par les carabins. Enfin, même s'ils font un usage assez large des médicaments, les carabins ne sont que 32 % à avoir consulté un omnipraticien au cours de l'année écoulée.
Les ravages de l'alcool
Pour l'alcool, c'est autre chose. 33 % des répondants en consomment tous les jours ou plusieurs fois par semaine. Au niveau national, selon l'INSEE, ce pourcentage s'élève à 17 % chez les 15-24 ans, à 38 % chez les 25-34 ans, et à 43 % pour l'ensemble de la population. Mais l'étude du CNOM n'aborde pas la question de la nature ni de la quantité des alcools absorbés. Elle aborde en revanche celle des psychotropes médicamenteux. 4 % des sondés en consomment tous les jours ou plusieurs fois par semaine.
Tout à leur cursus, les étudiants n'ont guère le temps de se reposer. 40 % d'entre eux assurent travailler entre 48 et 60 heures par semaine, et 27 % entre 35 et 48 heures. Le stress n'est jamais loin : 14,3 % des sondés y sont confrontés quotidiennement et 50,5 % de façon hebdomadaire. Ce rythme de travail et le stress qu'il génère ont des conséquences sur leurs performances professionnelles (82 % des répondants), leur vie sociale (91 %), leur vie familiale (87 %), et leur consommation de produits addictogènes (33 %).
« La souffrance des étudiants et des jeunes médecins est avérée », conclut le CNOM. L'institution qualifie de « profil à risque » l'étudiant travaillant au-delà de 48 heures par semaine, vivant seul, consommant plus que la moyenne d'antalgiques et de psychotropes, et manifestant un épuisement émotionnel. Un des étudiants sondés résume à sa manière : « La vie d'interne, c'est vraiment une terrible épreuve. »
http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2016/06/24/medicaments-alcool-une-enquete-de-lordre-revele-la-souffrance-des-jeunes-medecins_817026?

Permier post : 24/06/2016