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jeudi 27 août 2015

CANADA RECHERCHE comprendre la vulnérabilité au suicide et approcher sa dimension familiale

D'après article "Choisir d’en finir
http://www.mcgill.ca/newsroom/fr/channels/news/choisir-den-finir-254772

La difficulté à faire de bons choix est un des facteurs rendant certaines personnes vulnérables au suicide
Publié: 27aoû2015
Nous sommes inégaux face au suicide. Tous ceux qui traversent des épreuves ou vivent de profondes dépressions ne passent pas à l’acte, loin de là.
La façon de prendre des décisions est l’un des principaux facteurs qui nous protègent ou nous rendent vulnérables au suicide, montre une série d’études.
La prise de décision risquée se retrouverait chez de nombreux parents de personnes suicidées, ce qui expliquerait pourquoi on constate une certaine « héritabilité » du suicide.
Le Dr Fabrice Jollant, professeur adjoint de psychiatrie à l’Université McGill, a consacré des années de recherche pour arriver à ces résultats. Sa dernière étude sur le sujet vient d’être publiée dans le Journal of Psychiatric Research. Elle contribue à montrer comment la difficulté à bien décider prédispose au suicide et, ainsi, pointe vers de potentielles solutions pour le prévenir.

Observer les proches de personnes suicidées

La pensée suicidaire doit être étudiée de façon indirecte. Les études précédentes ont porté sur des personnes qui ont tenté de se suicider. Ici, pour comprendre la vulnérabilité au suicide et approcher sa dimension familiale, le Dr Jollant et ses collègues de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas se sont intéressés aux proches de personnes qui s’étaient suicidées. Des parents, des frères, des sœurs, en bonne santé mentale ont été soumis à des tests neuropsychologiques.
« Nous savons que les proches de suicidés sont porteurs de certains aspects de la vulnérabilité au suicide, même s’ils ne l’ont jamais exprimée eux-mêmes par un geste suicidaire », précise le Dr Jollant.
L’un de ces tests est un jeu de pari, où les joueurs doivent gagner le plus d’argent possible en choisissant des cartes parmi plusieurs piles. Certaines piles sont risquées : elles rapportent gros parfois, mais à long terme font surtout perdre. D’autres sont plus sûres : elles rapportent peu, mais perdent peu. Alors que les personnes issues de familles sans suicide apprennent à choisir les piles payantes à long terme, les proches de personnes suicidées continuaient leurs choix risqués, même après de nombreux essais montrant ainsi plus de difficultés à apprendre de leurs expériences.
L’imagerie de leur cerveau par IRM fonctionnelle confirme que certaines zones du cortex préfrontal utilisées dans la prise de décision fonctionnent différemment chez eux, mais de manière similaire aux personnes qui ont tenté de se suicider.

Pourquoi les mauvaises décisions mènent au suicide

Les personnes qui ont tendance à faire des choix risqués privilégient les solutions qui apportent un bénéfice à court terme malgré des risques élevés, plutôt que des solutions à long terme plus sûres. Ils ont aussi du mal à identifier les solutions alternatives face à un problème », explique Fabrice Jollant.
C’est une première explication du lien entre prise de décision et suicide. « Dans un contexte de dépression majeure, cette difficulté à prendre de bonnes décisions se traduirait par le choix de la mort, solution qui met fin à leur souffrance immédiatement, malgré ses conséquences irrémédiables, sans voir de solutions alternatives. »
À cela s’ajoute le fait que faire des choix désavantageux dans la vie en général est source de nombreux facteurs de stress. « Nous avons montré notamment que les personnes adoptant des décisions risquées ont plus de problèmes dans leurs relations interpersonnelles, des facteurs classiques déclencheurs de crises suicidaires », ajoute Fabrice Jollant.

Des solutions

Cette étude pointe vers aussi des pistes de solution pour les personnes à risques, à confirmer par d’autres recherches dans les années à venir.
« En dehors de la prise de décision, nous avons aussi trouvé que les proches, en bonne santé mentale, de personnes qui s’étaient suicidées ont de très bonnes performances à d’autres tests, montrant la capacité à contrôler leurs pensées. Cela compenserait leur difficulté à prendre de bonnes décisions et pourrait les avoir protégés du suicide, ajoute le Dr Jollant. On peut imaginer développer des psychothérapies se focalisant à la fois sur la prise de décision et sur ces autres fonctions cognitives pour diminuer la vulnérabilité suicidaire. »
À long terme, le recours à la neurostimulation pourrait également compléter la gamme d’outils disponibles pour aider les personnes à tendance suicidaire. En stimulant certaines régions du cerveau par un léger courant électrique, via des électrodes sur le crâne, le Dr Berlim, un chercheur de l’Institut Douglas, et le Dr Jollant ont déjà montré que des personnes en bonne santé mentale amélioraient leur score aux tests de prise de décision. Des médicaments ciblés sur la prise de décision seraient une autre piste de recherche.
« On ne va pas régler la question du suicide en s’attaquant à la seule prise de décision, conclut le chercheur. Mais en tant que psychiatre accompagnant des personnes suicidaires, je me réjouis d’avoir la perspective d’un outil thérapeutique de plus pour les aider. »
Ces recherches ont été financées par la Fondation américaine de prévention du suicide, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Fonds de recherche du Québec - Santé.
First-degree relatives of suicide completers may have impaired decision-making but functional cognitive control
A. Hoehne, S. Richard-Devantoy, Y. Ding, G. Turecki, F. Jollant
Journal of Psychiatric Research, juillet 2015
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpsychires.2015.07.004

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