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samedi 2 mai 2015

Guyane : Mal-être des Amérindiens : trouver des solutions ensemble

Mal-être des Amérindiens : trouver des solutions ensemble



L'association Ader a recueilli l'avis de 78 habitants de Camopi pour réaliser un diagnostic de santé. Il fait apparaître plusieurs causes de mal-être, notamment les addictions (photos d'archives)

L'association Ader a interrogé près de 80 habitants de Camopi et de Trois-Sauts sur ce qui les fait se sentir bien ou mal. L'objectif est de mieux agir contre le mal-être en général, et le suicide en particulier.

Quelles sont les causes du mal-être des habitants de Camopi et de Trois-Sauts, sur l'Oyapock ? Qu'est-ce qui, au contraire, leur permet de s'épanouir ? L'association Ader (1) est partie leur poser la question au cours de deux missions de trois semaines, en février et en mars. Au total, 78 habitants de Camopi et de Trois-Sauts ont été interrogés, ainsi que les représentants d'une quinzaine d'organisations : centre de santé, conseil général, enseignants, associations...
« Les habitants et les acteurs sur place sont les principaux experts des problématiques sur leur territoire. Il ne s'agit pas de faire une méthode descendante, du littoral vers les populations, mais bien l'inverse. Nous commençons par les habitants pour qu'eux-mêmes fassent des propositions pour améliorer ce qui ne va pas » , explique Rozenn Le Pabic, directrice d'Ader. L'ensemble des entretiens a permis à l'association d'établir un « diagnostic de santé » , dont les conclusions ont été présentées mardi en préfecture.
DES INITIATIVES À RENFORCER
« Ce qui ressort clairement des débats, ce sont les problèmes d'alcool. Certains parents et certains jeunes en consomment beaucoup. C'est aussi une conséquence du manque d'activités, de l'oisiveté, de l'échec scolaire... » , poursuit Rozenn Le Pabic. Le système éducatif est également souvent évoqué comme motif de mal-être.
Face à ces problématiques, des petites solutions locales sont mises en place. « Sur le thème de l'alcool, par exemple, un chef de famille refuse que l'alcool « industriel » soit intégré dans les fêtes de cachiri. Ce genre d'initiatives doit être diffusé et encouragé, car elles sont adaptées. »
Mardi en préfecture, des représentants d'associations et d'institutions ont travaillé en ateliers pour formuler des propositions d'actions. Elles seront présentées aux habitants de Camopi et Trois-Sauts dans quinze jours. La toute nouvelle « Cellule pour le mieux-être des populations de l'intérieur » (lire ci-contre) sera chargée d'encourager la réalisation des propositions retenues.
(1) Ader : actions pour le développement, l'éducation et la recherche.
Les motifs de bien-être... et de mal-être
Quand on leur pose la question sur ce qui les rend mal, les habitants de Camopi évoquent très souvent des problèmes de la vie quotidienne. Par exemple, les déchets - « Ça me fait honte » - ou les herbes hautes : « C'est dangereux car il peut y avoir des serpents, surtout la nuit » , explique Mina, une jeune femme du village Zidoc. La consommation excessive d'alcool est aussi source de mal-être : « L'alcool détruit l'Amérindien au niveau mental et physique, écrit Edward. (...) Les jeunes boivent parce qu'ils manquent d'activités. Il n'y a pas d'accompagnement après leurs études, on ne les aide pas à trouver une formation ou du travail. » Ce manque d'activité est souligné par de nombreux habitants, à l'image de Jean-Marc, 30 ans, du village Lipo Lipo : « Les jeunes disent que depuis qu'ils sont nés, rien n'a changé ici. »
L'ACCÈS AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES
Mais les habitants de Camopi et de Trois-Sauts parlent aussi de ce qui les rendent heureux : « Le recours aux activités traditionnelles - comme la chasse, la pêche, l'abattis, l'artisanat, le cachiri - renforce la famille et la collectivité » , explique Céline Tscirhart, de l'association Ader. Ils sont néanmoins friands des nouvelles technologies (portable, tablette, ordinateur) et de découvertes : la pirogue de voyage est un motif de bien-être car elle permet de partir « à Saint-Georges, ou à Cayenne. [...] Là-bas, il y a des choses qu'on ne voit pas à Camopi et qu'on veut acheter pour ramener, en plus c'est moins cher » , indique Nina, 26 ans. Les quelques activités spor tives (foot au hall sportif, etc.) et culturelles (fête du cachiri, musique) sont également des motifs de satisfaction pour les habitants.
S.B.

Une cellule régionale « pour le mieux-être »
Le préfet a annoncé mardi la création d'une « Cellule régionale pour le mieux-être des populations de l'intérieur » . Comme son nom l'indique, sa principale mission est de favoriser le bien-être des habitants.
Elle « accompagnera et renforcera les actions des associations » . Marianne Pradem, qui en a été nommée coordinatrice, sera assistée par un Amérindien, en voie de recrutement. Il sera notamment chargé de « faire en sorte que nous ne fassions pas fausse route » , précise le préfet. Cette cellule va également centraliser les données liées aux suicides ou aux tentatives de suicide en Guyane.