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lundi 23 mars 2015

PRESSE SCIENCESETAVENIR Dépression : les 4 périodes à risque & Dépression : les gènes, un facteur de vulnérabilité

Dépression : les 4 périodes à risque
Par Sylvie Riou-Milliot



Les trajectoires de vie présentent des moments de vulnérabilité psychique au cours desquelles certaines personnes peuvent être fragilisées.


Entre 55 et 85 ans, près d’une personne sur cinq est en souffrance psychologique. Et 40 à 60 % de ces cas ne sont pas diagnostiqués. 

NUMÉRIQUE. Cet article est extrait du magazine Sciences et Avenir n°817, en vente en mars 2015. Le magazine est également disponible à l'achat en version numérique via l'encadré ci-dessous.



DÉPRESSION. Si elle peut survenir à tout âge, la dépression frappe tout particulièrement à quatre moments précis de la vie. Ces périodes au cours desquelles les personnes les plus fragiles sont susceptibles d’être exposées à la maladie sont l’adolescence, la grossesse, l’apparition d’une maladie chronique grave au pronostic incertain altérant la qualité de vie (cancer, maladies neurologiques évolutives et invalidantes…) et l’avancée en âge. Autant de phases à risque, toutes marquées par la banalisation et le déni, deux freins à la consultation spontanée et à une demande d’aide.

Raison de plus pour être particulièrement attentif aux changements d'humeur au cours de ces périodes. En fait, en matière de dépression, "il est un paradoxe bien connu, pointe le Dr Adeline Gaillard, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne (Paris). Les vrais déprimés n’ont pas accès aux traitements car ils ne sont pas repérés alors que d’autres, atteints de déprime légère, reçoivent des traitements alors qu’ils pourraient s’en passer." Pour que le diagnostic de dépression légère à modérée soit posé, au moins 5 à 7 des 9 symptômes caractéristiques doivent être présents presque tous les jours depuis au moins quinze jours. Au-delà de huit symptômes, on parle d’épisode dépressif majeur (EDM). 

Une détection précoce pour une meilleure prise en charge 


Mais les masques de ce trouble sont multiples. Résultat, à l’heure actuelle, "un déprimé sur deux n’est pas ou mal pris en charge", poursuit la psychiatre. Distinct de la déprime passagère, du léger blues ou du simple vague à l’âme, l’EDM touche en profondeur l’environnement familial et social du dépressif. 10 à 20 % de la population peut ainsi présenter un EDM à un moment de son existence et les femmes sont deux fois plus touchées, sans que l’on sache encore en expliquer réellement les raisons. Or, rappelons que la dépression est la première cause de suicide, 70 % des passages à l’acte survenant chez des déprimés non repérés. Une détection précoce permet donc une meilleure prise en charge, que celle-ci soit médicamenteuse ou non. L’objectif du traitement étant de réduire les symptômes mais aussi de limiter le risque de récidive. 

1 Adolescence : ne pas confondre avec la fameuse "crise"


"Les adolescents sont des homards pendant la mue", estimait Françoise Dolto, sans carapace pour faire face aux aléas de la vie, ce qui peut se révéler périlleux pour certains. On estime ainsi qu’un adolescent sur huit souffre d’une dépression qui, dans un cas sur trois, conduit à une tentative de suicide. Cet état dépressif est à distinguer de la "déprime" passagère, typique de la "crise d’adolescence" et souvent sans retentissement relationnel et scolaire graves. Il faut ainsi être attentif à différents signes cliniques pour repérer les symptômes associés : irritabilité, agressivité, troubles du sommeil, troubles de la pensée (enchaînement illogique des idées, difficulté à formuler une réponse, etc.), perte de plaisir… Avec, cette fois, des conséquences au quotidien comme le désinvestissement scolaire ou les idées suicidaires.

8% des adolescents entre 12 et 18 ans concernés


"À cet âge, les messages émis sont brouillés car les adolescents ont du mal à exprimer leurs émotions", précise le Dr Adeline Gaillard, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Résultat, la dépression peut ne pas être identifiée par des parents confrontés à un enfant avec qui le dialogue est devenu difficile. "Il ne faut pourtant pas hésiter à poser franchement des questions qui visent à rechercher d’éventuelles idées noires. Parler du suicide ne provoque pas le passage à  l’acte", poursuit la spécialiste. Les médecins généralistes, en première ligne, sont bien placés pour effectuer ce repérage. Pour les y aider, la Haute Autorité de santé (HAS) a d’ailleurs publié des recommandations en décembre dernier. Il est donc important de parvenir à convaincre un adolescent en difficulté d’accepter de consulter. Concernant la prise en charge thérapeutique, la HAS est formelle : les médicaments ne doivent jamais être donnés en première intention. Une psychothérapie de soutien doit d’abord être privilégiée. L’objectif à court terme étant de protéger l’adolescent et, à long terme, de l’aider à dépasser ses vulnérabilités.



2 Maternité : un risque méconnu pour la femme et l'enfant


Bien connu des praticiens et des jeunes mères, le "baby blues", qui concerne une femme sur deux et intervient dans les jours qui suivent l’accouchement, ne constitue pas un épisode dépressif grave. En revanche, la dépression périnatale reste méconnue. "Survenant plutôt au troisième trimestre de grossesse", explique le Dr Romain Dugravier, pédopsychiatre à l’Institut de puériculture (Paris), elle concerne 15 % des femmes enceintes. Preuve que les hormones, longtemps considérées comme bénéfiques pour le psychisme, ne protègent pas de la dépression. "Toute la difficulté consiste à repérer cet épisode", poursuit l’expert. Il est en effet souvent impossible pour les futures mères, culpabilisées, de mettre en mots leur souffrance et leurs appréhensions  durant cette période censée être un moment de bonheur intense. "C’est encore plus vrai pour les plus fragilisées d’entre elles, celles qui sont peu entourées, en situation de précarité. C’est aussi tabou pour les soignants", pointe le Dr Dugravier. Fatigue et troubles du sommeil font souvent écran, masquant l’angoisse profonde de ces femmes persuadées qu’elles ne pourront pas faire face à leur maternité. "Elles sont irritables, se disent débordées", détaille le Dr Dugravier. 


Pourtant, des outils simples de repérage existent comme des auto-questionnaires lors de l’entretien périnatal mais qui ne sont pas systématiquement utilisés. Une prise en charge thérapeutique est en effet indispensable car les conséquences, tant pour la mère que pour l’enfant, sont nombreuses. "Au-delà du risque d’accouchement prématuré ou d’une dépression qui devient chronique, on sait que les enfants nés de mères déprimées présentent plus souvent des troubles dits de l’attachement, voire des troubles anxiodépressifs", poursuit le spécialiste. Les antidépresseurs classiques peuvent être proposés, sans risque pour le foetus, mais aussi des thérapies individuelles ou au sein de groupes de parole.



3 Maladies chroniques : quand souffrances physiques et morales s'additionnent


Souffrir à la fois d’une maladie chronique grave évolutive… et d’une dépression. Une association pas si facile à mettre en évidence. Car la douleur physique occupe souvent le devant de la scène, rendant malaisé le repérage de la souffrance morale. Pour preuve, une étude parue dans la revue The Lancet à l’été 2014, menée sur plus de 20 000 personnes atteintes d’un cancer, montrait que les trois quarts des malades atteints de dépression n’étaient ni dépistés ni traités. "En cancérologie, pour les patients comme pour les équipes soignantes, la dépression est souvent considérée comme une conséquence quasi inéluctable de la maladie. D’où sa banalisation", explique Hélène de La Ménardière, psychologue à l’hôpital Cochin, à Paris.

 Un manque de prise en charge regrettable car si 50 % des patients peuvent traverser une période marquée par l’anxiété, la peur et la tristesse, on estime que 5 à 10 % d’entre eux présentent un épisode dépressif majeur. "Face à la gravité du diagnostic, les soignants et l’entourage peuvent parfois être tentés de rationaliser de façon excessive les troubles de l’humeur", remarque la psychologue. Plusieurs éléments peuvent en effet se télescoper. Ainsi, la fatigue peut être due à la maladie ou aux effets secondaires des traitements, mais aussi à la dépression.

En outre, les troubles dépressifs sont rarement rapportés spontanément car "ce qui prévaut aux yeux de tous, soignés comme soignants, c’est “d’avoir le moral” pour assurer au mieux une guérison". En raison du manque de formation et de temps, les soignants sont également peu attentifs à poser ce diagnostic lors de consultations de courte durée, déjà denses et délicates. La prise en charge, médicamenteuse ou non, mais idéalement toujours multidisciplinaire fait donc défaut. Pourtant, les risques sont réels. Outre le risque de passage à l’acte suicidaire, les dépressifs peuvent être amenés à une moindre observance des traitements.



4 Vieillesse : un taux de suicide record


Sous-estimation, banalisation, déni des troubles par le patient, ses proches et les médecins… La liste des obstacles à la prise en charge de la dépression des personnes âgées est longue. Avec des résultats dramatiques : près d’un suicide sur trois concerne un senior en France. Et le taux augmente avec l’âge. Ainsi, chez les plus de 85 ans, il atteint 40 pour 100 000, soit deux fois plus que chez les 35-44 ans ! "La dépression des personnes âgées est un problème de santé publique, dénonce le Pr Frédéric Limosin, chef de service à l’hôpital Corentin- Celton (Issy-les-Moulineaux). Entre 55 et 85 ans, près d’une personne sur cinq est en souffrance psychologique. Or, 40 à 60 % de ces cas ne sont pas diagnostiqués."


Retraite mal vécue, isolement social ou familial, maladies, deuils… Les raisons de déclencher un épisode dépressif sont nombreuses et peuvent parfois se cumuler. Or, en repérer les symptômes est difficile. En effet, le manque de dynamisme ou la tristesse peuvent être mis sur le compte du vieillissement physique. Les seniors et leur entourage doivent donc être attentifs à tous les signes évocateurs complémentaires, comme une forte anxiété ou des plaintes somatiques multiples (douleurs diverses, fatigue). 

La prise en charge thérapeutique reste "classique", avec soutien psychologique et antidépresseurs en cas de dépression sévère. (Rappelons que la consommation de ces médicaments n’est pas associée à un risque de maladie d’Alzheimer.) Une particularité : leur délai d’action est rallongé, passant de quinze jours à trois à quatre semaines en raison d’un métabolisme ralenti. "Il ne sert donc à rien d’arrêter ou de changer de traitement trop tôt, note le Pr Limosin. Mais trop peu de recherches sont encore menées dans cette classe d’âge", pointe le spécialiste. Qui poursuit : "L’offre de soins en gérontopsychiatrie n’est surtout pas assez structurée et nous manquons d’établissements de proximité pour repérer et anticiper."

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Dépression : les gènes, un facteur de vulnérabilité
Par Elena Sender

Publié le 23-03-2015 http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150318.OBS4900/depression-les-genes-un-facteur-de-vulnerabilite.html?xtor=RSS-26


Des chercheurs suédois et australiens ont établi un lien entre notre ADN et notre vulnérabilité à la dépression. 

Le chromosome 17 (3e ligne à partir du haut, 5e colonne à partir de la gauche) est porteur des gènes impliqués dans la voie de la sérotonine, un régulateur de l'humeur. © CAVALLINI JAMES / BSIP / AFP
NUMÉRIQUE. Cet article est extrait du magazine Sciences et Avenir n°817, en vente en mars 2015. Le magazine est également disponible à l'achat en version numérique via l'encadré ci-dessous. Les gènes seraient responsables pour 40 % de notre vulnérabilité à la dépression. Du moins si l’on en croit des travaux suédois et australiens réalisés sur des paires de jumeaux. "Cette part génétique apparaît relativement basse comparée à celles de la schizophrénie (80 %) ou du trouble bipolaire (90 %)", souligne Nicolas Ramoz, chercheur au Centre de psychiatrie et neurosciences, Inserm U894, de l’hôpital Sainte- Anne (Paris).
L’environnement (stress, alimentation, alcool...) influe sur l’expression de l’ADN"
GÈNES. Quels sont les gènes impliqués ? Les plus étudiés jusqu’à présent ont été ceux de la voie de la sérotonine, portés par le chromosome 17 en cause dans les troubles de l’humeur. Le gène TPH2 codant pour l’enzyme de synthèse de la sérotonine a des variants associés à la dépression. Mais aussi le gène 5HTT, qui code pour le transporteur de recapture de la sérotonine et les récepteurs du neuromédiateur. Deux formes (allèles) du gène 5HTT existent, une forme longue (L) et une forme courte (S). Des travaux ont montré que les personnes qui développent davantage de dépression et d’idées suicidaires après des stress précoces dans l’enfance sont celles qui possèdent deux formes courtes (SS) du 5HTT. Les porteurs de forme longue (LL) semblent plus résistants. Mais ces gènes de l’ADN ne font pas tout.
"L’environnement (stress, alimentation, alcool...) influe sur l’expression de l’ADN, souligne Nicolas Ramoz. Ce sont les facteurs dits épigénétiques. Les recherches dans ce domaine sont très récentes." Ainsi, en juillet 2014, des chercheurs de l’université McGill (Montréal) ont établi que les cerveaux de personnes suicidées avaient une expression
des gènes différente de celles des cerveaux de témoins. Et cette expression se modifie chez des malades répondant au traitement antidépresseur.