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jeudi 26 mars 2015

AUTOUR DE LA QUESTION...Equipes mobiles en psychiatrie, un livre pour comprendre…

Équipes mobiles en psychiatrie, un livre pour comprendre…

Les équipes mobiles en psychiatrie et le travail de disponibilité, Lise Demailly, Olivier Dembinski et Catherine Déchamp-Le-Roux, Editions John Libbey, 2014, 128 p., 28 €.

La centaine de pages qui compose  ce livre éclaire un aspect peu connu du « secteur », cette (r)évolution des années soixante née dans l’euphorie des trente glorieuses. Un secteur, entre nous, qui peine toujours à s’imposer dans le monde compliqué de nos quarante laborieuses… Le sujet du jour est donc la mobilité en psychiatrie.

Les « équipes mobiles » plus précisément, une notion dont la genèse est décrite en début d’ouvrage. Après (entre autres) une évocation de la préhistoire (le « patronage à domicile pour les aliénés convalescents » en 1864), un survol de la médecine sociale des années 30 (« aller au-devant de la population », tout ça tout ça…), les auteurs nous conduisent aux portes radieuses du secteur sus-évoqué et à cette fameuse mobilité qui en est la quintessence.
Le sujet, qui est tout sauf une science exacte, est abordé sous différents angles. Après avoir philosophé sur le concept, nous voyons comment il est organisé au quotidien. Pour cela, petit détour dans trois secteurs du Nord de la France (en haut, après la Picardie, juste avant le cercle polaire). Ceci afin de comparer les pratiques des uns et des autres. Mais chacun fonctionnant à sa manière, et ayant par ailleurs des objectifs qui lui sont propres (adolescents en crise, monsieur et madame tout le monde…), l’exercice pose plus de questions qu’il n’en résout. Dans tout ça on retient toutefois la notion phare de « disponibilité » qui semble résumer à elle seule la quête de toute la profession. Suivie de près par sa petite sœur, la « réactivité. »
Comme dans l’ouvrage précédent, on fait aussi un peu de tourisme européen : l’Angleterre, la Suisse, les Pays-Bas… toujours cette histoire d’herbe plus ou moins verte. Là-bas, les pâturages ont un peu la même couleur, mais ils se nomment « psychiatrie communautaire » ou « psychiatrie d’urgence »…
Bref, c’est un livre dense, rempli d’informations sur cette démarche qui prétend soigner en dehors des murs si rassurants de l’institution. L’ouvrage demande une attention soutenue de la part du lecteur, car il est à la fois très technique et très interrogatif (le livre, pas le lecteur). Mobilité, diversité de l’offre, prise en compte du demandeur… il n’est pas facile de tout concilier. En effet, de quel droit intervenir lorsque la demande n’est pas formulée ? L’urgence existe-t-elle en psychiatrie, ou n’est-ce pas plutôt une exigence de la société ? Ne faut-il pas (un peu) décaler la réponse au lieu de se précipiter ventre à terre ?…
La psychiatrie qui se pose déjà des tas de questions en temps normal, s’en pose encore davantage lorsqu’elle est mobile. D’autant plus qu’elle est tiraillée entre les réformes d’en haut qui soufflent le chaud et le froid, et les expérimentations de la base qui avancent en terrain inconnu. L’époque n’arrange rien, non plus. Les deux dernières décennies ont vu les urgences psychiatriques exploser, avec une gestion de la chose très variable en fonction des hôpitaux. Car la réponse dépend directement des moyens disponibles, ainsi que des personnes prêtes à mouiller la chemise en s’impliquant personnellement. L’articulation avec le social – ce fameux travail en réseau – reste par ailleurs un défi (une diplomatie ?) à réinventer au quotidien. Quant à l’hospitalisation à domicile (déjà si peu développés en soins somatiques), n’en parlons pas…
Vient se greffer aussi le débat sur la mission elle-même de la psychiatrie : doit-elle s’occuper en priorité des conduites addictives, des jeunes (et moins jeunes) dans la précarité, des comportements violents, des risques de suicide… Doit-elle chercher le « client » pour le ramener dans le bercail de l’institution, ou bien au contraire le soigner à tout prix à domicile ? Quadrature d’un cercle qui finirait presque par tourner en rond : la difficulté, l’impossibilité (?) d’évaluer l’efficacité du système en termes d’économies sonnantes et trébuchantes.
Bref, en conclusion, un public généraliste risque d’être un peu désorienté en lisant ce bouillonnement neuronal. Symbole de cette perplexité annoncée, les sigles barbares (ERIC, MARSS, EMDPG…) qui jalonnent les pages et dont la mémorisation provoque un début de migraine. Par contre, les professionnels déjà au fait du sujet – et curieux d’en savoir plus – feront leur miel de cet ouvrage très fouillé. Dans ce cas, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bon voyage dans le labyrinthe de la psychiatrie…
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Didier MORISOT Infirmier, auteur didier.morisot(AT) laposte.net