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jeudi 26 février 2015

AUTOUR DE LA QUESTION PARUTION Disparaître de soi Une tentation contemporaine David LE BRETON

Disparaître de soi
Une tentation contemporaine

David LE BRETON

Langue originale : Français (France)
Nos existences parfois nous pèsent. Même pour un temps, nous aimerions prendre congé des nécessités qui leur sont liées. Se donner en quelque sorte des vacances de soi pour reprendre son souffle. Si nos conditions d’existence sont sans doute meilleures que celles de nos ancêtres, elles ne dédouanent pas de l’essentiel qui consiste à donner une signification et une valeur à son existence, à se sentir relié aux autres, à éprouver le sentiment d’avoir sa place au sein du lien social. L’individualisation du sens, en libérant des traditions ou des valeurs communes, dégage de toute autorité. Chacun devient son propre maître et n’a de compte à rendre qu’à lui-même. Le morcellement du lien social isole chaque individu et le renvoie à lui-même, à sa liberté, à la jouissance de son autonomie ou, à l’inverse, à son sentiment d’insuffisance, à son échec personnel. L’individu qui ne dispose pas de solides ressources intérieures pour s’ajuster et investir les événements de significations et de valeurs, qui manque d’une confiance suffisante en lui, se sent d’autant plus vulnérable et doit se soutenir par lui-même à défaut de sa communauté.   Dans une société où s’impose la flexibilité, l’urgence, la vitesse, la concurrence, l’efficacité, etc., être soi ne coule plus de source dans la mesure où il faut à tout instant se mettre au monde, s’ajuster aux circonstances, assumer son autonomie. Il ne suffit plus de naître ou de grandir, il faut désormais se construire en permanence, demeurer mobilisé, donner un sens à sa vie, étayer ses actions sur des valeurs. La tâche d’être un individu est ardue, surtout s’il s’agit justement de devenir soi. Au fil de ce livre, j’appellerai “blancheur” cet état d’absence à soi plus ou moins prononcé, le fait de prendre congé de soi sous une forme ou sous une autre à cause de la difficulté ou de la pénibilité d’être soi. Dans tous les cas, la volonté est de relâcher la pression.   Il s’agit ici de plonger dans la subjectivité contemporaine et d’en analyser l’une des tentations les plus vives, celle de se défaire enfin de soi, serait-ce pour un moment. Sous une forme douloureuse ou propice, cette étude arpente une anthropologie des limites dans la pluralité des mondes contemporains, elle s’attache à une exploration de l’intime quand l’individu lâche prise sans pour autant vouloir mourir, ou quand il s’invente des moyens provisoires de se déprendre de soi. Les conditions sociales sont toujours mêlées à des conditions affectives. Et ce sont ces dernières qui induisent par exemple les conduites à risque des jeunes dans un contexte de souffrance personnelle, ou qui font advenir la dépression, et sans doute la plupart des démences séniles. Si souvent les approches psychologiques occultent l’ancrage social et culturel, celles des sociologues délaissent souvent les données plus affectives, considérant les individus comme des adultes éternels, n’ayant jamais eu d’enfance, ni d’inconscient, ni de difficultés intimes. La compréhension sociologique et anthropologique des mondes contemporains peut ressaisir la singularité d’une histoire personnelle en croisant la trame affective et sociale qui baigne l’individu et surtout les significations qui alimentent son rapport au monde. Telle est la tâche de ce livre.   Sommaire :  
  1. N’être plus personne
La vie impersonnelle – Indifférence – Pessoa : se multiplier pour n’être personne – De Lawrence d’Arabie à J. H. Ross.  
  1. Manières discrètes de disparaître
Disparaître dans le sommeil – Le pachinko ou les astuces de l’effacement – La fatigue désirée – Burn out – Dépressions – Personnalités multiples – Immersion dans une activité.  
  1. Formes de disparitions de soi à l’adolescence
Effacer les contraintes de l’identité – Errance d’espace, errance à soi – Au cœur de la blancheur – Glisser dans l’infini du virtuel – Hikikomori – La disparition dans l’autre – La longue transe anorexique – La défonce comme quête du coma – Le contre-monde des produits psychoactifs – Le goût de la syncope – Disparaître et revenir.  
  1. Alzheimer : disparaître de son existence
Vieillir – Alzheimer – Accompagner le détachement.  
  1. Disparaître sans laisser d’adresse
S’absenter – Disparaître autrefois – Disparaître aujourd’hui – Organiser sa disparition – La disparition de Majorana – Figures littéraires de la disparition.  
  1. Soi comme fictions
L’identité comme processus – Fragiles identités.   Ouverture : Les tentations de la subjectivité contemporaine
 
Publication : 12/02/2015
Nombre de pages : 208
ISBN : 979-10-226-0160-3
Prix : 17 €
 

David Le Breton est né le 26 octobre 1953. Il est professeur en sociologie à l'Université de Strasbourg, membre de l'Institut universitaire de France et du laboratoire URA-CNRS "Cultures et société en Europe". Il est l'auteur, entre autres, de : L’Adieu au corps, Anthropologie de la douleur, Du Silence, La Saveur du monde et d'un roman noir, Mort sur la route.