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vendredi 21 novembre 2014

CANADA Suicide : un moyen de sortir de l’impasse

Suicide : un moyen de sortir de l’impasse
20. novembre 2014 sur  Newsletter: DocCheck News
La cause la plus fréquente de décès chez les personnes âgées de 15 et 30 ans est trop peu explorée. Ce qui se passe dans la tête et dans le corps des personnes ayant des idées suicidaires est en grande partie inconnu et est peu discuté. Néanmoins, de nombreuses initiatives le montrent : la prévention est payante.
Ce thème était si important pour l’Organisation mondiale de la santé qu’ils ont décidé de publier pour la première fois depuis sa création un rapport de 100 pages dessus : environ un million de personnes meurent chaque année parce qu’ils se sont eux-mêmes donné la mort et un autre dix à vingt millions essaient d’utiliser ce soi-disant dernier recours.


Rapports retenus

En dehors du fait que neuf personnes qui se sont suicidées sur 10 souffrent d’un trouble psychiatrique, on en sait étonnamment peu sur ce qui pousse les gens au suicide, malgré le nombre élevé de victimes. Le nombre de suicides a en effet diminué de moitié environ depuis les années 1980. Cependant, alors que le nombre de décès d’une année à l’autre ne cessait de diminuer, le taux de suicide augmente à nouveau depuis environ six ans. Dans de prestigieuses revues de psychiatrie, on voit facilement que la recherche des causes est bien sous-développée : JAMA et JAMA Psychiatry consacrent environ six fois plus d’articles à la schizophrénie – avec seulement une fréquence d’environ un tiers en comparaison à celle du suicide.
Même dans les médias publics, le suicide est un sujet tabou. Les journalistes sont invités à l’aborder avec précaution, parce que l’effet Werther est clairement démontré : un rapport détaillé sur les motifs, les circonstances et le passage à l’acte peut inspirer des imitateurs à vraiment réaliser leurs plans secrets. « Le dernier recours » – qui peut être celui d’une célébrité qui a pris une décision « souveraine » – peut devenir un modèle pour les dépressifs qui ont cette idée depuis longtemps. Par conséquent, les journaux ont habituellement une certaine retenue avec les rapports sur les suicides trop détaillés qui contribue réellement selon des enquêtes et l’expérience en Autriche à observer une baisse du taux.


La peur de l’asile

Mais les médecins se sentent souvent mal quand ils doivent faire face à des personnes potentiellement suicidaires. La crainte est grande de faire quelque chose de mal et de peut-être encourager le patient à passer à l’acte. A l’inverse, de nombreuses personnes souffrantes n’osent pas parler à leur médecin de leur état. Cette observation a été réalisée par Georg Fiedler du centre de traitement pour suicidaire à l’hôpital universitaire de Hambourg Eppendorf (Allemagne) : environ 90 participants sont venus spontanément à la suite d’une annonce dans un journal pour une discussion sur ce sujet. « La plupart ont peur que le médecin les rejette, ils pourraient être estampillés comme des malades mentaux et leur autonomie serait limitée par les traitements obligatoires ou même l’admission dans un service psychiatrique fermé ». C’est pour cela que la Société allemande pour la prévention du suicide, depuis sa création il y a près de 40 ans, organise des séminaires pertinents pour les médecins, les infirmières et les soignants servant à renforcer la confiance des deux côtés.

Un élève sur onze tente de se suicider

Si nous cherchons les éléments déclencheurs de pensées suicidaires qui aboutissent finalement au passage à l’acte, une grande variété de facteurs entre en compte. Une partie est due à l’arrière-plan génétique. Les cas de suicide dans la famille augmentent le risque pour les enfants. Mais l’éducation influence aussi les pensées dépressives en grandissant. Peu d’affection, peu de contrôle et peu de règles augmentent le risque, alors qu’un style parental autoritaire influe peu sur ce risque. Pour les filles, le risque est plus grand; le tabagisme, l’alcool, les origines migratoires ou la séparation des parents l’augmente encore. Surtout chez les jeunes, les chiffres sont choquants : environ neuf pour cent des 15 ans ont déjà essayé de se tuer, quatre sur dix ont au moins pensé une fois au suicide. Une jeune qui perd un camarade de classe pense au suicide, même s’il n’avait pas de liens d’amitié avec lui. Cette découverte dans le cadre d’une récente étude canadienne devrait, selon Sonja Swanson de Harvard et Ian Colman de l’Université d’Ottawa dans leur article, cibler des mesures visant à prévenir le suicide, en n’impliquant pas uniquement l’environnement social proche de la victime.

Aucun modèle animal

Le neurologue qui est aux prises avec le problème du suicide établit des déficits dans les régions en relation à la régulation des émotions, mais aussi la peur. Les suicidaires ont du mal à évaluer leur humeur, ont un contrôle des impulsions réduite et des niveaux souvent plus élevés d’agressivité. Si un événement imprévu a lieu, tel que la séparation avec leur partenaire ou la perte d’un emploi, il leur manque souvent la possibilité de compenser et les pensées suicidaires surviennent. Le stress entraîne ainsi une activité supérieure à la moyenne dans le cortex cingulaire et le cortex préfrontal.
Le génome aussi reflète le suicide et le passage à l’acte. Selon une étude de l’American Journal of Psychiatry, près de 360 régions promotrices dans le génome sont régulées différemment et sont sur- ou sous-activées par rapport aux sujets normaux psychologiquement stables. Des chercheurs de l’Institut Max Planck de psychiatrie de Munich découvrirent il y a quelques années un « allèle du suicide », une accentuation dans un gène d’un récepteur BNDF (NTRK2), le pic se produit chez les personnes touchées. Fait intéressant, les variantes correspondantes ne sont pas associées à l’image générale d’une dépression, mais sont principalement utilisées chez les personnes qui avaient déjà tenté de se suicider. Un autre gène candidat est « SAT1 », qui est principalement actif à un niveau élevé de stress et de dommages dans la cellule. Toutefois, les résultats des recherches d’Alexander Niculescu d’Indianapolis et Gustavo Turecki de Montréal ne donnent jusqu’à présent aucune réponse claire à savoir si ce gène est seulement un marqueur ou effectivement engagé dans la psyché du suicidaire potentiel. Ce qui manque actuellement aux chercheurs est un modèle animal instructif. En effet, le suicide est quasiment inexistant dans le règne animal.

Vieux et jeunes particulièrement vulnérables

La plupart des découvertes scientifiques dans ce domaine sont encore obtenues par épidémiologie. Mais il existe des registres d’automutilation délibérée, comme en Irlande, l’exception. Les pays de l’Est tels que le Kazakhstan et la Lituanie en particulier, sont en premières positions, tandis que le sud de l’Europe, comme l’Espagne et l’Italie ont un taux relativement faible. Les femmes de plus de 70 ans contribuent le plus à ce taux, mais le groupe d’âge 15-29 ans n’est pas loin derrière. Dans les Etats occidentaux, l’utilisation du poison, la pendaison ou les armes à feu sont les causes les plus fréquentes de décès. Dans tous les groupes d’âge considérés, cependant, les femmes ont moins peur que les hommes devant une telle conclusion finale et irréversible.
Comme le suicide – tentative ou passage à l’acte – n’apparait pas dans le répertoire général des troubles mentaux, le DSM-5, les grandes études qui lui sont destinées sont, comme prévu, rares. Et maigre sont également les initiatives pour augmenter ce nombre. Dans Nature, le Néerlandais André Aleman et Damiaan Denys ont formulé il y a quelques semaines un plan en quatre étapes, la première est de fournir une définition précise du suicide et des symptômes de la tentative. Dans la deuxième, il faut essayer d’en savoir plus sur les mécanismes qui poussent à passer à l’acte. Enfin, les programmes de recherche ciblés, avec un budget raisonnable, devraient conduire à des mesures de prévention efficaces lors de la quatrième étape pour diminuer les chiffres de manière significative.

Une prévention efficace

Un tel programme de prévention en Allemagne a déjà une renommée internationale et est fréquemment cité : « l’Alliance de Nuremberg contre la dépression » est basée sur quatre piliers incluant l’information et la formation des médecins, la réalisation de campagnes de relations publiques visant à toucher le grand public et l’instruction de multiplicateurs tels que les prêtres, les travailleurs sociaux, les infirmière en gériatrie ou les enseignants. Enfin, le programme vise à donner des informations aux personnes qui ont fait une tentative de suicide, ainsi qu’aux membres de la famille et aux groupes de soutien. Sous la direction d’Ulrich Hegerl de la Fondation allemande d’aide contre la dépression dans la région de Nuremberg-Erlangen, le nombre de suicides et de tentatives de suicide a diminué d’environ 24 pour cent. Ce programme couronné de succès est maintenant devenu une initiative européenne (OSL) et est fermement établi dans plusieurs pays.
Le suicide ne doit pas rester un sujet tabou. Ulrich Hegerl et son équipe ont réussi à montrer au public qu’il s’agit d’une fausse piste qui ne mène à rien et à en faire un sujet de discussion. Les états membres de l’OMS se sont engagés à réduire leur taux de suicide d’au moins dix pour cent d’ici 2020. Pour les personnes qui ne voient pas d’alternative au suicide, d’autres possibilités doivent être proposées. La tâche des hommes politiques, des médecins et de la société dans son ensemble est d’y travailler.
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