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vendredi 3 octobre 2014

Purseigle: «Des situations de souffrances extrêmes» chez les agriculteurs

Purseigle: «Des situations de souffrances extrêmes» chez les agriculteurs
Par Eric de La Chesnais
Mis à jour le 03/10/2014 à 10:46


INTERVIEW- François Purseigle, professeur des universités en sociologie à l'École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse (INP-ENSAT), estime qu'il faudra aller encore plus loin dans la prévention du suicide chez les agriculteurs.

LE FIGARO. - Comment percevez-vous la mise en place d'Agri'écoute par la MSA?

François PURSEIGLE. - C'est une démarche pertinente qui s'inscrit dans le prolongement des actions de prévention du suicide menées par la MSA depuis trois ans. Elle complète le plan d'action national lancé par Bruno Le Maire en 2011, quand il était ministre de l'Agriculture. Quel autre organisme que la MSA, avec un tel réseau de médecins du travail, psychologues et d'assistantes sociales proches des agriculteurs, aurait pu prendre cette initiative légitimement? Toutefois cela reste un outil parmi d'autres pour prévenir des situations de souffrances extrêmes, multifactorielles et difficiles à cerner. La revue Etudes rurales de ce mois-ci est d'ailleurs consacrée aux Souffrances paysannes. Cet outil ne représente toutefois pas la solution miracle qui va résoudre des situations extrêmement délicates. Mais c'est une très bonne initiative qui montre que le suicide n'est plus tabou en agriculture et que les organisations professionnelles y sont attentives même s'il reste beaucoup à faire dans ce domaine.

Quels sont les facteurs qui expliquent la détresse croissante des agriculteurs?

Ils sont de trois types. Il y a d'abord ceux liés aux difficultés du métier: la baisse des revenus, la montée des charges et la mise en place des nouvelles contraintes administratives et environnementales. Par ailleurs, il y a aussi le mal être personnel des agriculteurs, de plus en plus seuls sur leur exploitation. Quand ils ont des enfants, ces derniers veulent de moins en moins prendre la suite et se pose alors la question de la succession. Quand ils sont célibataires, ils éprouvent des difficultés à trouver l'âme sœur qui voudra vivre à la ferme. Les agriculteurs sont confrontés à de nouvelles incertitudes qui ne sont pas que professionnelles. Enfin, ils s'estiment être les boucs émissaires d'une société qui ne les verrait que par leur prisme de la pollution. Ils sont sujet à des controverses comme bon nombre de professions.

Finalement le taux de suicide des agriculteurs est-il plus important aujourd'hui qu'avant?

Il n'y a pas forcément un taux de suicide plus important aujourd'hui. On en parle beaucoup plus qu'avant car c'était dans le passé, notamment pour des raisons culturelles, un sujet tabou. Par ailleurs il n'existait pas d'outils de mesures fiables pour suivre l'évolution du suicide chez les agriculteurs. Enfin il y a désormais une banalisation de la situation sociale des agriculteurs qui sont confrontés aux mêmes problèmes que les populations vivant dans les villes.