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jeudi 26 juin 2014

RAPPORT DE l'ACCADEMIE DE MEDECINE La Prévention en santé chez les adolescents

La Prévention en santé chez les adolescents 17 juin 2014 Rapport

La Prévention en santé chez les adolescents

Claude DREUX *
Résumé
Près de 90% des adolescents de 12 à 18 ans s’estiment en bonne santé, mais on observe chez certains d’entre eux des comportements à risque pouvant entraîner des troubles irréversibles pour leur devenir.
Il s’agit en particulier de l’usage des drogues légales et illégales, de troubles psycho comportementaux pouvant conduire au suicide, d’une sexualité naissante mal contrôlée, d’habitudes alimentaires défavorables associées à la sédentarisation, d’une consommation excessive et peu contrôlée des technologies d’information et de communication (TICS) par ailleurs indispensables aujourd’hui.
Pour tenter d’informer objectivement les adolescents, les méthodes de communication ciblées sur les adultes sont impuissantes et il faut mettre en place  des actions spécifiques faisant appel, notamment, aux groupes de jeunes, les pairs, ayant suivis une formation adaptée pour éviter la stigmatisation des ados souvent victimes de groupes de pression ou du sectarisme de certains « éducateurs ».
Le rôle de la famille, de l’école, de la médecine scolaire (à refondre) est capital surtout dans la préadolescence (6-12ans). L’accent est mis sur l’importance des activités physiques et sportives sur le plan de la santé mais aussi au niveau psycho-comportemental.
Une attention particulière doit se porter sur les jeunes issus de milieux défavorisés qui, comme nous l’avons écrit dans le 1er rapport (La culture de prévention : des questions fondamentales adopté à l’unanimité par l’Académie de médecine le 15/10/2013), sont trop souvent oubliés.
La prévention « humaniste » et le développement du lien social doivent constituer la base de nos actions.
Aux 10 recommandations prioritaires concluant le premier rapport nous en avons ajouté 8 plus spécifiques aux adolescents.

* Membre(s) de l'Académie de Médecine

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt avec le contenu de ce rapport.

Extraits : p18 à 20


6 – Prévention du suicide chez l’adolescent (J.M. MANTZ)

Epidémiologie

Le suicide de l’adolescent est un problème de santé publique dans notre pays, un des plus touchés  d’Europe : 40 000 adolescents au moins tentent chaque année de se donner la mort, mais nombre de suicides ne sont pas déclarés ou sont présenté comme des accidents. Première cause de mortalité après les accidents de la route chez l’adolescent de 15 à 24 ans (environ 1 000 morts par an) le suicide touche tous les milieux sociaux, brise l’équilibre de nombreuses familles et comporte une morbidité non négligeable. Les intoxications médicamenteuses viennent largement en tête des moyens utilisés mais il en est d’autres, l’ivresse aigüe massive (enquêtes Escapad, Espad) l’overdose, sans parler de la défénestration...

Pourquoi donc cette fréquence du suicide chez l’adolescent ? Il ne faut pas oublier que physiologiquement l’adolescence est une période de déstabilisation avec les risques comportementaux qu’elle entraîne dont la violence envers les autreset envers soi-même. L’échec scolaire, la dépression, les conflits éventuels avec les pairs appellent le soutien de parents concernés. Or ce qui est signalé comme indicateur principal dans les cas de suicide est la détérioration des relations familiales. Ce problème est insuffisamment pris en compte dans notre pays. Le taux de suicide est un marqueur du mal-être d’une société.
Difficultés de l’étude
La lutte contre ce fléau est extrêmement difficile pour plusieurs raisons : le cadre conceptuel du suicide n’est pas univoque.

- L’approche psychopathologique du phénomène, prônée par Esquirol et couramment défendue par les psychiatres, considère le passage à l’acte comme une forme de pathologie mentale tandis que - L’approche psychodynamique chère à Durkheim voit dans le phénomène suicidaire la manifestation d’une « crise » liée à l’accumulation non maîtrisée d’éléments traumatisants.
Les deux approches, qui impliquent des mesures préventives différentes, sont l’une et l’autre valables mais dans notre expérience de 40 années d’activité dans un service de réanimation l’approche Durkheimienne semble correspondre à la majorité des faits.

- le déséquilibre physiologique, endocrinien, affectif propre à l’adolescent le rend particulièrement vulnérable aux agressions environnementales.

- le polymorphisme des conduites suicidaires rend difficile l’identification de la population en danger.

- l’irréversibilité de l’acte suicidaire réussi lui confère un caractère tragique.

- de nombreuses idées fausses compromettent souvent les efforts de prévention.

La prévention du suicide en pratique

Cerner la bonne cible, hiérarchiser les facteurs déclenchants, agir à bon escient, au bon moment auprès du candidat au suicide et de son entourage obligent à distinguer plusieurs niveaux de prévention

- La prévention primaire a pour but d’empêché la survenue de comportements suicidaires en supprimant ou en allégeant les facteurs qui pourraient les induire.

- La prévention secondaire consiste à identifier une situation à risque de passage à l’acte suicidaire afin d’en empêcher la survenue. Elle englobe les démarches de dépistage.

On ne peut décrire un portrait-robot du suicidant mais la littérature fournit à ce sujet quelques stéréotypes qu’il est utile de méditer ; chaque cas a sa cause particulière et sa touche propre : le mal-être de Werther, la passion contrariée de Roméo et Juliette, le désespoir d’Iseult.
La crise suicidaire éclate rarement dans un ciel serein.

Certaines situations comportent un risque permanent : la présence de troubles mentaux, la dépendance à l’alcool, à la drogue, les antécédents de tentatives de suicide, les conflits environnementaux. La prévention consiste à voir, écouter, rassurer lapersonne angoissée, à encourager l’adolescent déprimé, à entendre son entourage, sans juger ni culpabiliser ni moraliser.
Le risque identifié, il faut évaluer le degré de dangerosité et d’urgence. Certains signes ont valeur d’alarme (réaction de fuite, changement de comportement, inversion brusque de l’humeur chez un déprimé, propos mortifères...). Cette évaluation ne relève pas d’a priori ni d’échelles de cotation prédictive (les échelles de Dieskstra, de Pokerny,
de Motto se sont avérées décevantes) mais d’une observation clinique attentive, prudente et approfondie.

En cas de danger immédiat, il faut gagner du temps, parlementer et alerter le psychiatre.  De toute façon toute action préventive doit être sans délai relayée par une action collective impliquant un personnel spécialisé et diverses structures associatives.

- La prévention tertiaire

C’est l’ensemble des mesures visant à éviter les récidives : un tiers environ des suicidants récidivent, le plus souvent dans l’année qui suit la première tentative. La mortalité est alors de 1 à2 %.

La prévention de la récidive doit s’exercer à tous les stades de la prise en charge de la première tentative.

- dès l’accueil. Quelles que soient les apparences le comportement suicidaire traduit le plus souvent une souffrance psychologique intense, un appel à l’aide. La prise en charge hospitalière doit être immédiate ; attentive et rassurante, elle est un gage d’adhésion de l’adolescent aux soins s’il est conscient.

L’efficacité du traitement médical conditionne, de toute évidence, toute mesure ultérieure de prévention...

- la période de réveil est un moment privilégié, sous réserve d’un état de vigilance suffisant. Après une tentative de suicide, médicamenteuse par exemple, le patient désinhibé accepte le plus souvent le dialogue. La patience, la discrétion, le respect de la confidentialité, l’empathie sont les meilleures clés d’une adhésion de l’adolescent à des entretiens ultérieurs.

Dès lors une triple évaluation somatique, psychiatrique et sociale s’impose. Le recours à une consultation psychiatrique doit être systématique (dans 20% à 30% des cas il existe une pathologie psychiatrique sous-jacente). Tout service d’urgence doit disposer d’une antenne psychiatrique rapidement opérationnelle et, si possible au sein de l’équipe, d’une assistante sociale. L’évaluation sociale en effet doit éclairer le contexte familial, scolaire ou professionnel de l’adolescent et susciter des interventions spécifiques à différents niveaux.

Le contact avec les parents par exemple est fondamental. Ils sont presque toujours concernés à des titres divers : désarroi en présence d’un drame qu’ils n’avaient pas prévu, besoin d’aide pour surmonter l’épreuve, soutien lorsqu’ils culpabilisent (Se sont-ils suffisamment intéressés à cet enfant, à son travail, à son hygiène de vie, à ses distractions ? L’ont-ils aidé à surmonter ses difficultés, à encadrer le temps passé devant l’écran de télévision ou des jeux vidéo ? Ont-ils préservé des moments de conversation, de confidence, d’humour ? L’ont-ils épaulé, rassuré, encouragé, stabilisé, ou se sont-ils contentés d’une présence indifférente ou critique. C’est tout le problème de la vie familiale et de l’éducation des enfants qui resurgit à l’occasion du drame.

La conduite à tenir ne s’improvise pas. Tous les intervenants médecins, infirmiers, étudiants, travailleurs sociaux doivent être formés à l’approche des jeunes suicidants, à la relation avec leurs familles et informés des dispositifs d’appui, de soutien et d’accompagnement existant.

Le grand point faible de la plupart des services qui accueillent les suicidants est l’absence de suivi ultérieur : au sortir du service d’urgence ou de l’unité hospitalière de relais, l’adolescent retrouve en famille, à l’école, en entreprise, dans la rue, les conditions qui ont amené la première tentative.
C’est dire l’importance de son insertion, pilotée si possible par un tuteur, dans une des structures d’un vaste réseau extra-hospitalier comprenant des centres d’accueil et de crise, des centres médico-psychologiques, des bouées téléphoniques répondant à un numéro vert et assurant des relances hebdomadaires, véritable maillage médico-social de solidarité.


Recommandations

Ces réflexions permettent de formuler quelques recommandations en accord avec celles de l’ANAES :

- Considérer la prévention du suicide de l’adolescent comme une priorité de santé publique.
- Ne jamais banaliser, minimiser ou camoufler une tentative de suicide chez un adolescent. Une tentative de suicide n’est jamais anodine, elle doit être considérée comme un appel à l’aide et indique formellement l’hospitalisation en service d’urgence.

- Prévenir tout risque de « contagion » du suicide sur les lieux où il s’est produit, 
- Ne pas sacrifier le côté humain de la prise en charge du suicidant aux exigences techniques d’une thérapeutique médicale efficace.
- Prévoir dans tout service d’urgence l’accès à un référent psychiatrique.

- Organiser dans tout service accueillant des adolescents une cellule médico-sociale spécialement dédiée à la prise en charge des suicidants à l’entretien avec leurs familles et assurant par des contacts téléphoniques rapprochés, le suivi ultérieur et l’observance thérapeutique.

- Relayer toute initiative personnelle de prévention par une action collective utilisant les structures du réseau extra-hospitalier existant dans de nombreuses régions et qu’il convient de développer.

Bibliographie

1. Recommandations de l’ANAES - nov 1998, 10 p

2. CREMNITER D. et colle. Le risque suicidaire La presse médicale 27, n°40, 1998, 2151-2156

3. La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. Conférence de consensus Ministère de l’emploi et de la Solidarité, Paris 1-20 oct 2000

4. JEAMMET P. et BIROT E. Etude psychologique des tentatives de suicide chez l’adolescent et le jeune adulte, Ed. PUF Paris 1994, 227 p

5. JULIEN M. et LAVERDURE J. Avis scientifique sur la prévention du suicide chez les jeunes. Institut National de Santé Publique du Québec, 2004, 49p

6. POMMEREAU X - L’adolescent suicidaire. Ed. Dumond, Paris, 1996, 240 p

- Les conduites suicidaires à l’adolescence. Communication à l’Académie nationale de Médecine, 14 février 2012

7. SEPIA. Suicide Ecoute Prévention auprès des adolescents

Association Colmar. Mulhouse- www.sepia.asso.fr