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lundi 25 novembre 2013

AUTOUR DE LA QUETSION : REPRESENTATIONS SOCIALES : Comment vendre ou louer un logement qui a été le cadre d’un crime ou d’un suicide ?

Immobilier Ces invendables voire inhabitables maisons du crime

le 24/11/2013 à 05:00 | Nicolas Bretaudeau http://www.lejsl.com/saone-et-loire/2013/11/24/ces-invendables-voire-inhabitables-maisons-du-crime



Cette maison, située à Montceau-les-Mines et dans laquelle un crime a été perpétré en 2008, ne connaîtra sans doute jamais de nouvel occupant. Photo Camille Roux
Comment vendre ou louer un logement qui a été le cadre d’un crime ou d’un suicide ? Pour les agents immobiliers, cacher la vérité semble être la règle, pour ne pas se retrouver des années avec le bien sur les bras…

Le 25 novembre 2008, dans le quartier de la Saule à Montceau-les-Mines, Françoise Gandrey était sauvagement assassinée puis découpée en morceaux par son propre fils. Cinq ans plus tard, la maison – où un autocollant “scellés” arbore toujours la porte d’entrée, et des sacs poubelles et matelas jonchent le jardin – se présente tout aussi glauque qu’au moment des faits. « Personne ne pourra jamais revenir y habiter », commente un voisin, pour qui la seule solution serait de « raser le logement. » À Volesvres, c’est un charmant pavillon, dans lequel une quinquagénaire a été assassinée fin 2010, qui reste désespérément vide dans l’attente du procès. À Dracy-Saint-Loup, une maison actuellement en vente est laissée à l’abandon depuis 20 ans, période durant laquelle le propriétaire fut condamné à de la prison ferme. À Chalon, l’appartement où Bertrand Touchard a été tué avec un pied-de-biche en 2010, est resté longtemps sans locataire. Des exemples de biens difficiles à vendre ou louer en raison d’un crime ou suicide, la Saône-et-Loire en compte quelques dizaines. Et pour cause : qui accepterait de vivre, de plein gré, dans un lieu chargé d’un tel passé ?

« Pas grand monde, c’est certain ! C’est pourquoi au moment de la vente de ce type de bien, on a tendance à cacher la vérité, sans quoi ce ne serait pas très vendeur », reconnaît un agent immobilier chalonnais. Son agence gère d’ailleurs une copropriété voisine d’un lieu de meurtre commis à Chalon : selon le voisinage, le nouvel occupant de « l’appartement du crime » ne serait pas au courant des faits…

« Dans le cadre d’une vente, on doit informer le futur acquéreur d’un éventuel vice matériel lié à la maison, comme une toiture sur le point de tomber, mais pas d’un événement qui a pu s’y dérouler », poursuit l’agent, qui a tout de même réussi à vendre il y a 3 ans un appartement dans lequel l’ancien propriétaire s’était pendu : « Je l’ai appris par une voisine en même temps que l’acquéreur, au moment du compromis de vente. Ça ne dérangeait pas le client, je n’ai donc pas raté la vente, mais il est évident que ça aurait pu freiner les plus superstitieux ! », relève le spécialiste immobilier.

Un agent de l’Autunois, fort d’une longue expérience dans la profession, n’a quant à lui été confronté qu’à deux ventes de maisons liées à un crime ou un suicide en 20 ans de métier. Maisons dont tout le voisinage connaissait l’histoire et qu’il n’avait pas pu vendre.
Investisseur du crime

À Chalon, un agent se souvient d’une maison située dans le quartier Boucicaut, où en 1999 un fils avait assassiné sa mère avant de se suicider. « Personne ne voulait l’acheter, les agents immobiliers s’y cassaient les dents. Seul un investisseur sans scrupule a fini par l’acheter à moitié prix : il la nettoyée, retapée et ensuite revendue plus cher à des Belges qui ignoraient le passé de la maison. Mais quand ces derniers ont voulu la vendre à leur tour, ils ne comprenaient pas pourquoi personne n’en voulait dans le quartier. J’ai dû leur raconter l’histoire, vous imaginez leur surprise… »

Sur une dizaine d’agents immobiliers sollicités*, tous reconnaissent qu’ils cacheraient lors d’une vente le lourd passé d’une maison. D’où l’intérêt, pour les plus superstitieux qui ne supporteraient pas l’idée de vivre dans un tel lieu, de poser la question avant toute acquisition : ce qui leur évitera d’apprendre par le voisinage, mais un peu tard, une nouvelle moyennement désirée…

* Les agents ont tous souhaité garder l’anonymat.

« Omettre sciemment d’informer un futur acquéreur d’événements tragiques, comme un meurtre, ayant pu se dérouler dans une maison ne constitue pas pour un notaire une obligation », explique un notaire chalonnais du SCP Canova-Jeannin-Creuzet. « Même si l’acquéreur du bien découvre cette information par la suite, il ne peut pas se plaindre de vice caché, qui est une notion attachée au bien de façon matérielle, concrète. En revanche, un agent et surtout un vendeur ont une obligation d’information plus générale sur l’état du bien, et une omission d’information importante par le vendeur pourrait constituer un vice du consentement, c’est-à-dire qu’une personne pourrait s’estimer flouée… Mais sur cette question, un notaire est strictement couvert par le secret professionnel. »