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jeudi 17 octobre 2013

L’Equithérapie en milieu carcéral & prévention des risques suicidaires expérience

L’Equithérapie en milieu carcéral

sur http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/lequitherapie-en-milieu-carceral-26106.html le

10 octobre 2013

"L’équithérapie favorise l’acceptation d’autrui. Elle permet aussi de réfléchir sur ses points de fragilité (la colère, la violence, le repli sur soi) et de se libérer des pulsions destructives afin de prévenir les risques suicidaires. Enfin elle permet de retrouver des repères sociaux et d’exprimer ses émotions sur un mode adapté. "
 

Une expérience réussie à la maison centrale d’Arles

Le 16 septembre dernier, la Fondation de France a remis un prix à l’association Hugo B, pour son intervention d’équithérapie à la maison centrale d’Arles, menée en partenariat avec l’administration pénitentiaire.
Thierry Boissin, psychologue intervenant au sein de l'association, revient sur l’organisation de cette activité en détention et sur son impact auprès des personnes détenues.

1-Quelle est la mission de votre association ?
crédit photo maison centrale ArlesL’association Hugo B a pour objectif de faciliter la réhabilitation psychosociale des personnes en difficulté.
A la suite d’un cursus universitaire en psychologie sociale, j’ai travaillé pour diverses organisations publiques et privées. Lors d’un accident de sport, mon fils Hugo est décédé et les chevaux m’ont aidé à me reconstruire. J’ai alors orienté mon parcours professionnel vers la médiation animale en créant une association en sa mémoire. En parallèle, j’ai repris une formation en santé publique en milieu pénitentiaire.
J’ai découvert l’administration pénitentiaire et ses acteurs lors de l’animation de séminaire en cohésion d’équipe pour la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) PACA-Corse. Un projet de médiation animale auprès des personnes détenues est né lors d’une discussion avec la direction de l’établissement de la maison centrale d’Arles.
En octobre 2010, nous avons organisé deux sessions tests. Aujourd’hui, nous organisons de 10 à 12 séances par an à la maison centrale d’Arles et 6 à 9 séances au centre de détention de Tarascon.
Un tel projet n’aurait pas pu être mis en œuvre sans une équipe pénitentiaire au sens large, de la direction aux personnels de surveillance. Nous nous appuyons également sur nos partenaires : la DISP PACA Corse, le conseil régional PACA et la Fondation A et P Sommer.
2-En quoi consiste l’équithérapie en milieu carcéral ?                
Il ne s’agit pas de faire du cheval, mais de mettre la personne détenue face à ses émotions : la peur, la frustration, la colère peuvent être maîtrisées si on sait comment travailler avec elles. Lors des séances, je travaille avec la personne détenue sur les émotions cachées afin qu’elle utilise activement sa détention pour sa réinsertion.

En maison centrale, les personnes détenues purgent de longues peines et perdent la notion du temps. On perçoit aussi un appauvrissement de leur environnement sensoriel, un retrait social et émotionnel, une altération des facultés de compréhension et de jugement et une faible estime de soi.

L’équithérapie favorise l’acceptation d’autrui. Elle permet aussi de réfléchir sur ses points de fragilité (la colère, la violence, le repli sur soi) et de se libérer des pulsions destructives afin de prévenir les risques suicidaires. Enfin elle permet de retrouver des repères sociaux et d’exprimer ses émotions sur un mode adapté.
La médiation équine ou animale en milieu carcéral permet donc de contribuer à la réinsertion sociale, afin de prévenir la récidive et d’éviter les sorties sèches.
3- Comment se déroule une séance ?
Tout d’abord, une rencontre individuelle a lieu en détention avec le futur stagiaire où Crédit photo maison centrale d'Arlesje vise à développer sa motivation au changement. C’est ensuite à la personne détenue de mettre en œuvre les actions et d’ainsi se responsabiliser pour aller vers sa réhabilitation.
A la suite de cette rencontre, j’organise une présentation collective avec 4 stagiaires qui découvrent l’activité accompagnés de détenus facilitateurs qui eux ont déjà participé à l’activité, sont formés et interviennent en soutien sur la journée.
La séance collective dure 2 heures et est basée sur la confiance et le respect.
La journée est composée de différentes phases :
  • le petit déjeuner où ils découvrent les chevaux et les autres participants,
  • l’installation du rond de longe pour faire évoluer le cheval,
  • une découverte du cheval à pied dans le rond où l’animal est laissé en liberté. La personne détenue doit partager l’espace avec le cheval et gérer ses réactions ainsi que ses propres émotions,
  • après un temps d’échange lors d’un déjeuner, les exercices de l’après-midi sont réalisés en binôme (détenu-surveillant ou deux détenus, stagiaire et facilitateur),
  • en fin d’après-midi, nous organisons un débriefing pour mener collectivement une réflexion sur la journée, afin de lui donner du sens et de la cohérence.
Cette journée est très riche au niveau émotionnel, mon rôle est de venir en soutien moral.
Puis sous un délai de 6 à 10 jours, j’organise une restitution individuelle avec chaque participant. J’utilise les photographies et films de la journée pour favoriser l’accompagnement par la verbalisation de l’expérience vécue en posant le cadre d’une parole et d’une écoute.
Je remets un carton à la personne avec mon propre ressenti et nous échangeons librement. Pour favoriser les liens familiaux, je donne à la personne détenue des photographies de la journée qu’il remet généralement à sa famille. Une personne détenue m’a confié un jour : «J’ai enfin quelque chose à dire au parloir. Après 12 ans de prison, je les écoute, mais je ne pouvais pas raconter grand-chose».
4- Quelle est la réaction des personnes détenues au contact des chevaux ?
À ce jour, nous avons eu la participation de 106 personnes détenues soit plus de 90 % de l’effectif de la maison centrale d’Arles.
Lors de chaque séance, nous donnons une feuille d’évaluation pour que les personnes détenues puissent parler librement sous anonymat de cette expérience.
Voici quelques réactions :

  • «Je réalise tout ce que je perds en prison, cette journée, c’était comme avant en famille».
  • «J’ai honte, il faut m’aider. C’est la première fois que je parle de mes actes en huit ans. J’en avais besoin».
  • «Je me suis évadé avec  les chevaux, comme si  un poids sortait de moi».
Cette activité permet d’envisager un travail de fond avec la personne détenue, mais aussi de développer des rapports interpersonnels  avec les surveillants.

Crédit photo maison centrale d'Arles

La riche expérience de la maison centrale d’Arles et du centre de détention de Tarascon peut se développer en milieu carcéral. Nous avons d’ailleurs présenté notre travail à l’école nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) auprès des futursdirecteurs d’établissement. Ils ont été très curieux, attentifs et motivés par cette initiative.
Par ailleurs, le prix reçu de la Fondation de France va permettre la mise en place dès 2014 d'un nouveau module. Les participants pourront ainsi monter à cheval au sein de l'établissement et passer l'examen du "Galop 1".