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mardi 10 septembre 2013

Marisol TOURAINE installe l’Observatoire national du suicide


10 septembre 2013 Installation de l’Observatoire national du suicide.
Intervention de Marisol Touraine. Mardi 10 septembre 2013
http://www.social-sante.gouv.fr/actualite-presse,42/discours,2333/installation-de-l-observatoire,16123.html
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques,
Mesdames et Messieurs,
Le suicide concerne chacun d’entre nous, il concerne la société tout entière. Il est un appel au secours, il s’impose parfois comme l’ultime recours pour des personnes seules, des jeunes en détresse ou des âgés malades.
Le suicide peut survenir partout : dans nos centres ville, nos quartiers et nos campagnes, dans nos entreprises et nos maisons de retraite. Il est un acte intime qui frappe tous les milieux sociaux, sans exception.
Toutefois, nous partageons tous ici une conviction : le suicide, bien qu’intimement individuel, peut être combattu collectivement. Sa prévention ne peut pas, et ne doit pas, rester confidentielle.
Aujourd’hui, la réalité du suicide est encore mal connue. Elle reste un sujet tabou, un sujet dont on ose peu parler.
Nous disposons d’innombrables informations sur le suicide. Mais toutes ces données sont mal coordonnées. Nos connaissances sur les tentatives de suicide restent trop faibles et mal documentées. Si nous voulons prévenir et agir en amont, il est indispensable de mieux analyser les comportements qui devraient nous alerter, notamment chez les jeunes ou les personnes âgées.
C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé, en février dernier, au Conseil économique, social et environnemental (CESE), la création d’un Observatoire national du suicide, suivant en cela l’une de ses préconisations.
Je tiens à rassurer les sceptiques : mieux connaître ne sera pas un prétexte pour ne pas agir.
Au contraire, décider de mieux repérer, de mieux alerter et de mieux prévenir, c’est ne pas céder à la fatalité.
I/ C’est rappeler que le suicide est d’abord et avant tout un enjeu de santé publique
En France, toutes les 50 minutes, une personne se suicide. Chaque année, près de 11 000 de nos concitoyens mettent fin à leurs jours. 11 000 morts par an : c’est trois fois plus que les accidents de la route ! Il faut aussi redire sans cesse que le suicide est la première cause de décès chez les 25-34 ans et la 2ème chez les jeunes de 15-24 ans.
Dans le même temps, 220 000 tentatives de suicide sont recensées tous les ans, conduisant à une prise en charge dans nos services d’urgence. La moitié d’entre elles débouche sur une hospitalisation.
Au cours de ces 25 dernières années, des progrès ont été réalisés grâce à la mobilisation de tous : le taux de suicide a baissé de 20%. Toutefois, il a diminué trois fois moins vite que l’ensemble des morts violentes. Certaines tranches d’âges sont même confrontées à une hausse du taux de suicide : c’est le cas des 45-54 ans. Les personnes âgées sont aussi particulièrement touchées : un tiers de celles et ceux qui se suicident a plus de 60 ans. La radicalité de leur geste est souvent le fruit d’une extrême solitude.
S’il n’est pas une fatalité, si les pouvoirs publics ont les moyens de le combattre, c’est parce que le suicide n’est pas seulement la conséquence d’un choix individuel : il est d’abord un fait social. Et existe-t-il un signe plus fort que les inégalités face au suicide pour attester de cette réalité ? Ces inégalités, le rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental les a de nouveau montrées.
D’abord, les comportements entre les hommes et les femmes diffèrent : les premiers sont trois fois plus nombreux à se donner la mort, lorsque les secondes effectuent deux fois plus de tentatives.
Dans le même temps, les disparités sociales sont choquantes : les ouvriers sont trois fois plus touchés que les cadres. Celles et ceux qui sont frappés par l’isolement, par la précarité, par le chômage, par le mal-être au travail ou par des ruptures de vie en sont les premières victimes.
Par ailleurs, les minorités sexuelles sont surexposées, et en particulier les plus jeunes, qui doivent souvent affronter des discriminations importantes au moment de l’adolescence. L’homophobie tue, n’ayons pas peur des mots.
Le lieu de vie, enfin, semble déterminant. On observe en effet des disparités flagrantes entre les régions : les taux les plus élevés concernent la Bretagne et la Basse-Normandie. La France est enfin bien plus touchée que ses voisins européens.
II/ Le suicide n’est pas une fatalité. Nous avons donc la responsabilité et le devoir de nous mobiliser pour agir
Le travail des professionnels et des associations montre chaque jour que nous ne sommes pas impuissants face au suicide.
De nombreuses initiatives se sont avérées efficaces : je sais d’ailleurs que certaines personnes présentes dans cette salle aujourd’hui se sont personnellement engagées sur ce sujet. Plusieurs des dispositifs que vous avez déployés ont fait la preuve de leur efficacité pour prévenir le suicide. Au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Lille, par exemple, certaines expérimentations visent à maintenir un lien fort avec les personnes après leur sortie de l’hôpital : et les résultats sont là, puisque les récidives ont été réduites de manière significative.
Néanmoins, il est encore essentiel de mieux comprendre le suicide. Les statistiques sont là, mais elles ne suffisent pas pour améliorer nos politiques de dépistage. Par ailleurs, l’évaluation de nos politiques publiques demeure relativement pauvre.
III/ Le lancement de l’observatoire national du suicide marque donc une étape importante
Ce combat est un enjeu de santé publique. Mais il doit mobiliser beaucoup plus largement. Il requiert que nous soyons collectivement engagés. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que la composition de cet observatoire soit plurielle.
Les associations, d’abord, seront au premier plan. Celles qui représentent les usagers du système de santé, les proches des personnes malades et les associations d’écoute et de prévention du suicide mettront au service de tous leur expérience de terrain. Leur capacité à se mobiliser au plus près de nos concitoyens et à être à l’écoute des personnes vulnérables sera décisive.
Les professionnels de santé occuperont aussi une place déterminante. Des psychiatres, des médecins légistes, des urgentistes, des médecins généralistes, des médecins du travail et des médecins scolaires permettront tous d’apporter une expertise médicale à la compréhension du suicide.
Des chercheurs, notamment des sociologues, des spécialistes du suicide et des parlementaires seront également étroitement associés.
Par ailleurs, les pouvoirs publics joueront pleinement leur rôle. La question du suicide doit être appréhendée dans toutes ses composantes. Elle doit faire intervenir l’Education nationale, le ministère de la justice, celui du travail, celui de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de l’intérieur et celui de l’agriculture. Au total, sept ministères seront représentés au sein de l’observatoire, ainsi que des agences régionales de santé (ARS), des opérateurs et des caisses d’assurance maladie.
Enfin, je tiens à remercier la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), à laquelle l’observatoire national du suicide sera rattaché. C’est la mission première de la DREES que de doter l’Etat d’une meilleure capacité d’observation, d’expertise et d’évaluation. Je sais ainsi pouvoir compter sur elle, et sur l’engagement de ses agents, pour aider les pouvoirs publics à appréhender le suicide dans toute sa complexité.
Je sais également que les sollicitations ont été nombreuses pour participer aux travaux de l’observatoire. Et je m’en réjouis, car elles illustrent la nécessité de franchir une nouvelle étape dans la compréhension du suicide. Chacun pourra ainsi contribuer aux travaux par le biais de groupes de travail.
IV/ La responsabilité de l’Observatoire national du suicide sera grande
Ses membres auront pour mission de mieux coordonner les informations existantes, de mieux repérer et de mieux alerter.
Ils auront la charge d’adresser des recommandations aux décideurs publics. L’observatoire produira un rapport annuel, en développant à chaque fois plus particulièrement une thématique spécifique. Les modalités de son travail seront rapidement précisées et des groupes seront constitués pour avancer, notamment, dans le domaine de la recherche et dans celui de la prévention.
Plusieurs axes thématiques pourront être développés : je pense, par exemple, au suicide des personnes âgées, qui fait l’objet de travaux conduits par Michèle DELAUNAY. Sur ce sujet, nous savons qu’il y a urgence ! Nous avons donc la responsabilité de trouver rapidement des solutions.
Mesdames et Messieurs,
En matière de suicide, nous ne sommes pas condamnés à l’inaction.
Vous pouvez être certains de ma détermination sans faille pour conduire ce combat. La mise en place de l’Observatoire national du suicide s’accompagnera d’une politique volontariste en la matière. Nous n’avons d’ailleurs pas attendu et des mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre : j’ai à l’esprit les actions à destination des jeunes et de leurs parents, la prévention du suicide en ligne ou le renforcement de la formation des professionnels au contact des personnes vulnérables.
Tout ne reposera donc pas sur l’Observatoire national du suicide : mais il sera un outil indispensable pour mieux connaître, mieux prévenir et conduire plus efficacement notre combat contre le suicide.
Je vous remercie.
Seul le prononcé fait foi



Création d'un observatoire du suicide

Marisol Touraine. Photo gouv.fr.
10 sept. 2013 — Un décret(1) publié au Journal officiel ce matin crée un Observatoire national du suicide auprès de la ministre de la santé Marisol Touraine qui devrait être « indépendant et pluridisciplinaire ».

Cet observatoire est composé de quatre parlementaires (deux sénateurs et deux députés) et de 50 P.Q. (personnalités qualifiées) provenant de la direction des principales administrations centrales et opérateurs concernés, d'experts, de chercheurs, de professionnels de santé et de représentants d'associations. La présidence déléguée est assurée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques qui en assurera également le secrétariat.

Sa mission est, selon l'article 2 du décret, « de coordonner et d'améliorer les connaissances sur le suicide et les tentatives de suicide », d'évaluer l'effet des politiques en matière de prévention du suicide et de produire des recommandations en la matière. ■ (A.A.)
_____________
(1) Décret du 9 septembre 2013 portant création de l'Observation national du suicide, J.O., n° 210, 9 sept. 2013, p. 15199, n° 3.

source info : http://www.lextimes.fr/6.aspx?sr=717

REVUE DE PRESSE :

Lancement d'un Observatoire national du suicide
le Mardi 10 Septembre 2013 à 00:31
mis à jour à 09:02
Par
Clara Beaudoux, Bruno Rougier

sur http://www.franceinfo.fr/societe/creation-d-un-observatoire-national-du-suicide-1136441-2013-09-10

Un Observatoire national du suicide est mis en place mardi par la ministre de la Santé Marisol Touraine, à l'occasion de la 11e journée mondiale de prévention du suicide. Sa création avait été souhaitée par de nombreux spécialistes. La France connaît un taux de mortalité par suicide nettement supérieur à la moyenne européenne.

Chaque année, en France, 220.000 personnes font des tentatives de suicide, et 10.000 en décèdent. La France détient l'un des taux les plus élevés de suicides en Europe, plus du double par exemple qu'au Royaume-Uni ou en Espagne. Les suicides font chaque année presque trois fois plus de morts que la route.
C'est pour tenter de lutter contre ces chiffres alarmants, que la ministre de la Santé Marisol Touraine lance mardi un Observatoire national du suicide. Cet observatoire aura trois missions principales : rassembler les informations sur le suicide émanant de diverses sources, mener les études complémentaires jugées nécessaires et proposer des actions de prévention du suicide.


A quoi servira cet observatoire national du suicide ? Réponse avec Bruno Rougier  
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La création de cet Observatoire était demandée par de nombreux spécialistes de la question. Jean-Paul Delevoye, ancien parlementaire et ministre, aujourd'hui président du Conseil économique social et environnemental, avait co-signé l'an dernier un appel dans ce sens. Il était l'invité de France Info lundi soir :


Suicides : "Les Français sont plus fragiles que... par FranceInfo
Suicides : "Les Français sont plus fragiles que les autres" (Jean-Paul Delevoye) © FranceInfo

Le taux de suicide augmente avec l'âge

La majorité des personnes qui se suicident en France sont âgées de 35 à 64 ans, mais les spécialistes notent que plus on avance en âge, plus le taux de suicide augmente. Il y a aussi des disparités régionales importantes : Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes sont très touchées. La précarité aggrave le risque d'une tentative, il est par exemple multiplié par deux chez les chômeurs. En ce qui concerne les tentatives de suicides, elles sont aussi plus importantes chez les femmes que chez les hommes.


Exemple dans l'Indre, où le réseau Etre-Indre fait de la sensibilisation, reportage de Pierre Emparan   
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Les chiffres en France et en Europe © IDÉ

Par Clara Beaudoux, Bruno Rougier


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"Nous pouvons éradiquer la surmortalité liée au suicide en France"
Propos recueillis par , publié le

L'Observatoire national du suicide sera lancé ce mardi pour pallier le manque d'études et de statistiques sur le sujet, notamment au travail. L'analyse de Jean-Claude Delgenes, directeur du cabinet Technologia.

L'Observatoire national du suicide lancé ce mardi devrait permettre de mieux analyser les risques de suicide, notamment au travail.
Reuters/Daniel Munoz
Le ministère de la Santé lance ce mardi l'Observatoire national du suicide. Vous réclamiez sa création depuis deux ans. En quoi va-t-il consister?
Nous demandions la création d'un outil de connaissances au service de la prévention du suicide. Nous avons échangé avec les pouvoirs publics mais nous ne savons pas encore ce qui a été retenu. Trois points me semblent en tout cas importants. Il faut d'abord mener un rattrapage statistique. Les seules données dont on dispose aujourd'hui sont celles de l'Institut de veille sanitaire et de l'Insee avec deux ans de retard.
Il faut aussi lancer des études sur les phénomènes à risques. On sait par exemple par nos enquêtes de terrain que le surendettement, l'éloignement familial ou la rupture d'un contrat de travail sont des facteurs aggravants. Mais nous avons besoin d'études plus larges qui le confirment pour changer les pratiques, en entreprise ou ailleurs.
L'Observatoire doit aussi permettre des échanges entre avocats, psychiatres, psychologues, préventeurs en entreprise, familles, etc. Cette approche pluridisciplinaire a déjà permis des résultats sensibles sur le suicide en prison ou chez les adolescents. Un Observatoire permettrait d'attirer l'attention sur certains problèmes et d'émettre des recommandations.
La Suède et le Royaume-Uni, par exemple, disposent de structures semblables. Ont-elles porté leurs fruits?
Oui. Au Royaume-Uni, le taux de suicide est de 5,7 pour 100 000 habitants, soit quasiment trois fois moins qu'en France [14,7 pour 100 000 habitants, ndlr]. Il est légèrement remonté avec la crise économique mais le pays est mieux armé face au phénomène. Les premières actions en faveur de la prévention du suicide datent des années 1950, contre 50 ans plus tard en France.
En Suède également, le taux de suicide a baissé. En optant en France pour une politique volontariste et opiniâtre, nous pourrons aussi faire chuter la surmortalité, comme on l'a fait pour la mortalité routière, en atteignant un taux de 10 suicides pour 100 000 habitants dans les trois à cinq ans.
Contrairement aux accidents de la route, les causes d'un suicide sont difficiles à déterminer, notamment entre raisons professionnelles et personnelles...
On entend beaucoup dire aujourd'hui que le suicide est un acte complexe, lié à une fragilité personnelle. Certes, il comporte une dimension plurifactorielle. Mais selon notre dernière étude, 69% des sondés jugent que la crise est responsable du taux de suicide en France.
Le sociologue Emile Durkheim disait que le suicide est un révélateur de l'état relationnel de la société. Il y a aujourd'hui en France un mal-vivre qui se nourrit de la crise, de la montée du chômage, du travail exigeant, des difficultés de logement, etc. Les personnes qui traversent des épreuves douloureuses comme un deuil ou une rupture sentimentale peuvent être confrontées au risque suicidaire, mais les relations professionnelles, amicales, devraient les aider à passer le cap.
Or bien souvent aujourd'hui, elles se sentent isolées et ne trouvent plus ces soutiens. Je ne dis pas que nous pouvons éradiquer le suicide mais la surmortalité propre à la France, oui.
Qu'en est-il des suicides au travail? Quelle peut être la mission de l'Observatoire?
Nous constatons deux choses. D'abord que le travail reste un élément protecteur très important quand la personne s'y réalise. Mais que dans certaines circonstances, il peut aussi précipiter vers le risque de suicide. Le burn-out [ou syndrome d'épuisement professionnel, ndlr] en est un facteur prédictif. Les restructurations perpétuelles des entreprises font aussi perdre leurs repères aux salariés et créent des situations d'anxiété.
Les mobilités mal gérées sont aussi à l'origine de crises identitaires qui peuvent profondément déstabiliser. Ce sont là encore des faits que l'on constate d'expérience depuis de nombreuses années, mais qu'il nous faut essayer d'étayer par des études poussées. On pourra alors commencer à changer les pratiques.Par exemple, en gérant plus collectivement les plans de sauvegarde de l'emploi, qui laissent aujourd'hui les personnes isolées. Ou en prenant mieux en charge les tentatives de suicide qui ont aussi des conséquences sur l'entreprise. Le taux de récidive est très élevé en France, de l'ordre de 36%.
Les récents cas d'immolations devant des agences Pôle emploi laissent aussi penser à une hausse des suicides liés à la crise et au chômage. Que savons-nous du phénomène?
On sait d'expérience qu'il est une réalité, et pourtant là encore aucun chiffre ne le démontre. Pourtant à l'étranger, des statistiques existent. Au Royaume-Uni, la crise est à l'origine de 1000 cas de suicides supplémentaires par an. En Grèce, elle aurait provoqué une hausse de 30 à 40%. En France, on n'en sait rien.




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Attendue depuis plusieurs années par les spécialistes et professionnels de la santé, la création d’un Observatoire national du suicide a été annoncée mardi matin par la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Une naissance symbolique à l’occasion de la journée internationale de prévention du suicide. Particulièrement touchée par ce drame, la France affiche un des taux les plus élevés de suicides en Europe avec plus de 10 000 morts et 200 000 tentatives de suicide chaque année. C’est dire que le sujet est devenu un enjeux de santé publique.
Rattaché au ministère de la Santé, l’observatoire aura pour mission de mieux coordonner les différentes données existantes sur le suicide et d’évaluer les politiques publiques dans ce domaine. Il réunira deux fois par an les représentants de sept ministères concernés, des acteurs institutionnels (opérateurs de l’Etat et caisses d’assurance maladie), des professionnels de la santé, des sociologues et des représentants des associations de prévention et de proche des malades.
En 2011, quarante-quatre spécialistes avait signé une tribune commune dansLibération pour réclamer la création de cette structure, à l’initiative du professeur de médecine légale Michel Debout et de Jean-Claude Delgènes, directeur du cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention des risques professionnels. L’annonce de la création de ce laboratoire est donc accueillie avec satisfaction par les professionnels et associations.

«Grande cause nationale»

«C’est une avancée considérable, reconnaît Jean-Claude Delgènes. Mais il faut que la lutte contre le suicide deviennent une grande cause nationale comme cela a été fait pour le plan cancer ou encore pour la sécurité routière.»
Avec un taux de suicide trois fois plus élevé qu’en Espagne et en Italie, et deux fois plus qu’au Royaume-Uni, la France est en retard dans la prévention et la lutte contre ce fléau. L’observatoire devra notamment combler le manque de connaissances sur le passage à l’acte et sur l’impact des faits sociaux sur l’augmentation des suicides. En Angleterre et en Grèce, plusieurs études ont mis en évidence une recrudescence du nombre de suicide depuis le début de la crise économique en 2008.
La première thématique de travail de l’observatoire, qui rendra un rapport annuel, sera consacrée au suicide des personnes âgées. Un sujet où «il y a urgence» pour Marisol Touraine. Mais les professionnels attendent aussi de l’organisme qu’il se penche sur la difficile question des suicides en entreprise. En 2009, plusieurs suicides de salariés de France Télécom avaient tragiquement mis en évidence les conséquences du mal-être au travail. Depuis, plusieurs entreprises ont été confrontées au même phénomène comme la SNCF et l’Office national des forêts. Pour Jean-Claude Delgènes, il faut prendre en considération «l’impact psychologique» des restructurations et de l’augmentation des cadences sur les conditions de travail. «Sur ces sujets, l’observatoire devra faire des recommandations en regardant ce qui se passe le mieux à l’étranger. Il ne faut plus nier le problème, mais l’affronter.»
Geoffrey LIVOLSI 
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Marisol Touraine met en place un Observatoire national du suicide


LE MONDE | • Mis à jour le | Par
http://www.lemonde.fr/sante/article/2013/09/10/marisol-touraine-met-en-place-un-observatoire-national-du-suicide_3473876_1651302.html

Sept mois après avoir annoncé la création d'un Observatoire national du suicide, Marisol Touraine passe à l'acte. La ministre de la santé a installé, mardi 10 septembre, cette instance qui aura notamment pour mission d'améliorer la connaissance du phénomène et de produire des recommandations, en particulier dans le champ de la prévention.

Depuis plusieurs années, déjà, les spécialistes de la prévention du suicide appelaient à la mise en place de cet observatoire. Un "appel des 44" avait été lancé, au printemps 2011, par le professeur de médecine légale Michel Debout et par Jean-Claude Delgènes, directeur général de Technologia – un cabinet de prévention des risques psychosociaux –, dans l'espoir que le suicide mobilise enfin les pouvoirs publics autant que la sécurité routière. En février, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait remis un "avis" qui préconisait, lui aussi, de créer une structure de ce type.
"ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE"
Leurs arguments ont été entendus par Mme Touraine, qui veut s'attaquer à cet "enjeu de santé publique". Selon les derniers chiffres disponibles, qui datent de 2010 – les prochains ne paraîtront qu'en octobre –, près de 10 400 personnes mettent fin à leurs jours chaque année. Des décès trois fois supérieurs à ceux consécutifs aux accidents de la route (3 645 en 2012). "Avec un taux de 14,7 pour 100 000 habitants, la France se situe dans le groupe des pays de l'Union européenne à fréquence élevée de suicide", rappelle l'Insee.
Face à cette urgence sanitaire, Mme Touraine veut jouer collectif en associant tous les acteurs impliqués sur le sujet. Siégeront dans cette instance "51 institutions et membres désignés", précise-t-on dans l'entourage de la ministre de la santé : associations, professionnels de santé, chercheurs, personnalités qualifiées, parlementaires ainsi que des représentants de sept ministères et des caisses d'assurance-maladie.
L'observatoire, qui sera présidé par le ministre de la santé, se réunira deux fois par an et organisera en parallèle des groupes de travail sur des thématiques spécifiques (par exemple sur le suicide des personnes âgées). "Je me félicite de ce pas en avant mais il ne faudrait pas que cette instance soit un simple appendice d'une structure ministérielle, ni un lieu cantonné à la production de statistiques, prévient M. Debout. L'observatoire doit être autonome et placé au coeur des politiques de prévention."
"NOUS AVONS ÉNORMÉMENT DE RETARD EN FRANCE"
L'installation d'un observatoire est une "avancée considérable", se réjouit M. Delgènes. Il espère le voir doté de moyens suffisants et surtout porté par une véritable volonté politique, qui, jusqu'à présent, s'est avérée "insuffisante", selon Didier Bernus, auteur de l'avis rendu par le CESE en février. Car le suicide est encore loin de se voir érigé en grande cause nationale.
Trop tabou, renchérit M. Delgènes : "Il y a toujours cette idée que l'évoquer peut être incitatif. Mais il faut parler de prévention ! Nous avons énormément de retard en France. Les suicides pourraient rapidement baisser en évitant, par exemple, l'isolement des personnes frappées par des plans sociaux." En intégrant, aussi, les bonnes pratiques développées dans les pays voisins. Les Britanniques travaillent sur le sujet depuis les années 1950, quand le premier plan de prévention français remonte à 2000.
Les statistiques, elles aussi, ont du retard, qui ne sont fournies que tous les trois ans. L'observatoire fera-t-il en sorte qu'elles deviennent plus réactives ? A l'Inserm, qui les fournit, on en doute, "quoique l'adoption du certificat électronique de décès puisse à l'avenir un peu accélérer le recueil des données". Pour mesurer l'impact de la crise, les spécialistes du suicide se contentent pour l'instant de constats empiriques, d'extrapolations et d'études européennes démontrant qu'en cas de précarité, le risque suicidaire double par rapport à une situation d'activité.
De l'observatoire, M. Delgènes attend donc "des études longitudinales sur l'incidence du chômage, du surendettement, de la précarité, et de l'isolement qui leur est lié, sur le passage à l'acte". Ainsi que la définition de protocoles de prise en charge des quelque 200 000 personnes qui arrivent chaque année en structures de soins après une tentative de suicide. Sachant qu'un tiers des suicidés avait déjà essayé d'attenter à ses jours, bon nombre de décès pourraient être évités grâce à un soutien adéquat.

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Observatoire du suicide : des espoirs et des doutes

Par Florian Gouthière
rédigé le 9 septembre 2013, mis à jour le 10 septembre 2013




Mardi 10 septembre 2013 devrait être annoncé, à la mi-journée, la création d'un Observatoire national du suicide. Si cette structure est réclamée de longue date par de très nombreux praticiens, syndicats et associations, certains professionnels sont plus réservés. Les missions confiées à l'Observatoire seront-elles à la hauteur des enjeux ?


Photo : ©Artem Furman - Vidéo : entretien avec le Pr Michel Debout, psychiatre et président de l'Union nationale de prévention du suicide
a voir  sur http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-observatoire-du-suicide-des-espoirs-et-des-doutes-11042.asp?1=1#



Mi-février 2013, Marisol Touraine avait annoncé sa volonté de créer un Observatoire national du suicide. La ministre de la Santé répondait à une demande du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui faisait elle-même écho à l’appel, en mai 2011, de 44 personnalités pour la création d’un "instrument […] d’aide à la décision des pouvoirs publics" en matière de suicide.
Marisol Touraine avait alors identifié les missions du futur Observatoire, parmi lesquelles celle de "de mieux coordonner les informations existantes, de mieux repérer, de mieux alerter". Elle décrivait également l'organisme comme "un instrument de connaissance", destiné à être "un outil d'aide à la décision [fédérant] les acteurs professionnels et associatifs des champs sanitaire et social".

Attentes et inquiétudes

Le professeur Michel Debout, professeur de médecine légale et ancien président de l’Union Nationale pour la Prévention du Suicide (UNPS), interrogé par Allodocteurs.fr, "se félicite de la mise en place officielle de l’Observatoire" pour la création duquel il milite "depuis près de vingt ans".
Selon lui, la création de cette entité était une urgence. "Nous sommes dans une période de crise, durant laquelle le risque de suicide augmente. Il nous faut pouvoir suivre trimestre après trimestre l’évolution de la situation en France. Or nous manquons aujourd’hui de données statistiques disponibles. Nous ignorons par exemple l’évolution du taux de suicide des chômeurs. De telles informations sont indispensables pour pouvoir adapter les politiques de prévention."
A la veille de la création de l’organisme, difficile pourtant de savoir quels seront ses missions et ses moyens réels. "Si beaucoup d’annonces ont été faites, rien n’est encore défini" selon Grégoire Rey, directeur du Centre d’épidémiologie sur les causes de décès, référent du dossier auprès de l’Inserm.
Le professeur Debout espère pour sa part "que les décideurs ministériels sauront ou auront su prendre en compte les nombreuses propositions que nous avons pu faire quant à la structure d’un observatoire du suicide. L'Observatoire ne devra pas seulement rassembler des chiffres, mais également donner les moyens de mieux connaître les pratiques préventives."
Certains des professionnels invités à participer au lancement de cet observatoire du suicide ne dissimulent pas leurs inquiétudes à l'égard du projet. Le professeur Jean-Louis Terra, professeur de psychiatrie à l'Université Lyon I et chef de service au Centre Hospitalier du Vinatier, contacté le 9 septembre, redoute la création d’une structure contreproductive : "Il ne faudrait pas qu’il s’agisse, dans les faits, d’une organisation de plus dans l’échiquier des structures existantes, dont la mission serait de faire sous-traiter à un énième organisme un problème extrêmement concret, pour lequel existe déjà des recommandations très précises ! Il faut être vigilant, car le risque existe qu’un tel organisme passe beaucoup de temps à dire comment il doit fonctionner… Près de 70 personnes seront autour de la table mardi. Cela me semble terrifiant. Il va falloir un chef d’orchestre vraiment talentueux."

Un Observatoire du suicide pour observer, mais aussi évaluer et diffuser

"Le plus irritant pour moi est le mot Observatoire", poursuit le professeur Terra. "Que va-t-on observer ? Si la mission est d'observer et de constater que tel docteur dans l’Ain "fait des choses bien", cela ne sert à rien, car cela existe déjà ! Il existe en France des centaines d’actions déjà recensées mais qui, en revanche, restent orphelines de toute évaluation. Il s’agirait de dresser un bilan à trois mois et à six mois des actions de notre docteur puis, si ses pratiques sont efficaces, de les généraliser rapidement, pour faire en sorte qu’aucune région ne puisse se permettre d'ignorer ou de ne pas mettre en œuvre ces pratiques."
Du fait des spécificités de chaque terrain, et notamment des facteurs de risques variables d’une région à l’autre, la diffusion des bonnes pratiques que le professeur Terra appelle de ses vœux requerrait à la fois compétences et moyens. "Pour que l’Observatoire ait un sens, il faudrait qu’il intègre des démographes, des économistes."
Le professeur Debout s'accorde sur ce point avec son confrère "Observer ne sert à rien si, derrière, on ne transcrit pas cela en action de prévention. C’est la raison pour laquelle nous devrons veiller à ce que l’observatoire devra réellement être en relation avec le terrain."

"L'Observatoire du suicide doit être à la fois un phare et une remorque"

L'importance d'un lien très fort entre l'Observatoire et le terrain est souligné par chacun. "Le suicide n’est pas une maladie, c’est un risque", explique ainsi Jean-Louis Terra. "Et les personnes qui peuvent aider à prévenir ce risque ne sont pas seulement des médecins. Il faut tout faire pour que la coordination entre les personnes présentes lors des interventions – les pompiers, la police, les personnes qui ont tiré la sonnette d’alarme, mais également les services de santé ou les bénévoles – se passe dans les meilleures conditions."
"Ce qui est constaté par un intervenant à un moment donné est-il signalé de manière efficace aux personnes qui vont lui succéder ?" poursuit le professeur Terra. "Voilà le genre de questions très concrètes qu'il faut poser, et qui permettent de déboucher sur des actions de terrain. Nous devons cultiver l'art d’être "successivement ensemble", cultiver le respect entre les différents acteurs successifs. L'Observatoire doit être à la fois un phare et une remorque, faisant avancer les acteurs dans un certain ordre, coordonnant leur défilé."
Chaque année, près de 11.000 suicides - soit 30 par jour - et 220.000 tentatives sont recensés en France, selon les chiffres du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le nombre de décès dus au suicide a diminué de 20% en 25 ans sur la population générale et de 50% chez les 15-24 ans.
"Les programmes nationaux de prévention du suicide mis en place dans les années 2000 ont contribué à ce résultat", soulignait le CESE en février 2013 dans un avis. Cependant, malgré cette évolution encourageante, le taux de suicide en France - 14,7 pour 100.000 habitants en 2010 - reste élevé au regard de la moyenne européenne, qui est de 10,2 pour 100.000 habitants.


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Suicide : le triste record français

Le Point.fr - Publié le 10/09/2013
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Alors que la France est l'un des pays européens les plus touchés par le suicide, la ministre de la Santé va lancer un observatoire du risque Chaque jour 21 hommes et 7 ou 8 femmes se donnent la mort dans notre pays.

Dans le monde, une personne se donne la mort toutes les quarante secondes. Triste record, la France est l'un des pays européens où le niveau de suicide est le plus élevé, avec un taux de 16,5 pour 100 000 personnes - même si le nombre de passages à l'acte réussis est en légère diminution depuis une vingtaine d'années. En 2010, on a ainsi dénombré 10 371 décès par suicide (pour plus de 700 tentatives quotidiennes), selon les chiffres de l'Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS). Autant de constats qui montrent bien l'utilité de la journée mondiale de prévention du suicide, qui aura lieu mardi.

L'Ouest et le Nord au-dessus de la moyenne nationale
Chaque jour 21 hommes et 7 ou 8 femmes se donnent la mort. Chez ces dernières, les tentatives sont plus fréquentes ; elles représentent 65 % des hospitalisations pour tentative de suicide. De manière générale, la tranche d'âge des plus de 65 ans est la plus touchée, avec 28 % des décès par suicide, puis viennent les 45-54 ans avec plus de 22 %. Mais toutes les étapes de la vie sont concernées : 17 % des suicides ont lieu chez les 35-44 ans, tout comme chez les 55-64 ans.

Mais le danger n'est pas le même partout, loin de là. Les régions de l'Ouest et du Nord sont très nettement au-dessus de la moyenne nationale (taux de 28,1 pour 100 000 en Bretagne, de 25,6 en Basse-Normandie et de 21,8 dans le Nord-Pas-de-Calais). Les habitants de l'Alsace, de la Corse, de la Haute-Garonne et de la Savoie, entre autres, affichent les taux les plus bas (inférieurs à 8 pour 100 000).

La dépression est le premier facteur de risque des pensées suicidaires et des tentatives de suicide, quel que soit l'âge. Vient ensuite le fait d'avoir subi des violences (sexuelles ou non). Il faut y ajouter le fait de vivre seul, la situation de chômage, un faible niveau de revenu, la consommation de tabac et celle d'alcool (surtout chez les femmes). Enfin, l'appartenance aux minorités sexuelles est également un facteur de risque (les homosexuels hommes sont particulièrement concernés).

Agir dès la petite enfance

"Parce que les statistiques sur le suicide sont alarmantes, parce que un décès sur cinquante est un suicide, parce que personne n'est à l'abri, parce qu'il est encore tabou d'en parler, parce que le suicide est attaché à des croyances - et même si les statistiques baissent depuis 20 ans -, il reste urgent d'agir", notent les membres de l'UNPS dans leur dossier de presse. "Comme il a été possible de faire baisser de 44 % le nombre de morts par accidents en 20 ans par des actions de prévention, il est possible d'agir pour prévenir le suicide, mais il faut, résolument et dès à présent, s'en donner les moyens !"

Un message que semble avoir entendu Marisol Touraine. La ministre de la Santé devrait annoncer mardi la création d'un observatoire national du risque suicidaire. Mais déjà les spécialistes affirment qu'une politique de prévention active ne peut se limiter à réduire les facteurs de risque. "Il est en effet important, en France, de développer une culture des facteurs de protection", précisent-ils. "Cela implique de mettre en place des actions dès la petite enfance (affirmation de soi, résolution des conflits, amélioration des conditions de travail, renforcement du lien social notamment)." Les associations ont évidemment une place immense à ce niveau et entendent bien le rappeler aussi souvent que nécessaire.