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mardi 30 avril 2013

L'apport des stimulations magnétiques cérébrales

D'après article : "Quand la dépression fait de la résistance: l'apport des stimulations magnétiques cérébrales" de Jean-François Costemale, Médecin psychiatre sur http://www.huffingtonpost.fr/jeanfrancois-costemale/depression-magnetisme-cerebral_b_3162467.html?utm_hp_ref=france
Publication: 28/04/2013 06:00

DÉPRESSION - Si pour Francis Bergeade (Michel Serrault 1995) "le bonheur est dans le pré", il se pourrait bien que d'autres le trouvent dans un champ...magnétique!!

Lorsque je rappelle mon statut de psychiatre il m'arrive de sentir une certaine réticence. Réticence que rencontrent mes patients qui, avant de me consulter pensent encore trop souvent qu'ils vont entrer dans l'Hôpital Sainte-Anne et être considérés comme des "fous". Ce phénomène de stigmatisation retardant parfois des consultations qui auraient pu se passer dans des conditions plus favorables pour le patient malade. Car oui, il s'agit là de maladies. La société, les gens sont peut-être fous, mais pour ma part je ne reçois que des personnes qui présentent des maladies ou troubles qui peuvent être traités. Les sciences avancent à grands pas mais les idées semblent être un peu rigides en ce qui concerne ma spécialité ainsi que les neurosciences. Preuves sur lesquelles je m'appuie en y associant mon expérience et celle de mes maîtres pour trouver le bon traitement au bon moment au bon malade.
Nombreuses sont les publications scientifiques rappelant que la dépression est un enjeu de santé publique dont le coût social et économique tend à augmenter avec le temps. L'Organisation Mondiale pour la Santé a statué sur le fait que cette maladie deviendra aux alentours de l'année 2020 la seconde source de handicap à travers le monde, juste derrière les maladies cardio-vasculaires. C'est dire l'implication dont nous devons faire preuve pour tenter d'améliorer la vie de ceux qui souffrent de cet état qui est, pour la quasi totalité des cas, tout à fait réversible. Notre objectif étant en médecine toujours le même; rechercher la rémission la plus totale possible pour que le patient puisse éviter les complications inhérentes à la maladie. Chaque année en France, 12.000 personnes meurent de suicides et les tentatives de suicides sont au moins 10 fois plus importantes. Ces chiffres ne sont bien entendus pas totalement imputables à la dépression mais nous considérons qu'au moins 30 à 50% le sont. Sur ces états dépressifs et malgré l'efficacité des thérapeutiques actuelles nous rencontrons dans 30% environ des cas des résistances thérapeutiques. Ces dépressions dites résistantes ne sont pas une fatalité mais représentent un coût très important, environ la moitié des dépenses socio-économiques de cette maladie. Nous pouvons aider ces patients par diverses stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses dont font partie les stimulations magnétiques transcrâniennes.
Le principe est simple; au départ, il s'agit de la loi de Faraday qui stipule qu'un champ électrique dont le sens change rapidement dans le temps peut créer un champ magnétique qui, à son tour peut créer un nouveau champ électrique en condition ferro-magnétique propice. Et vous n'allez pas me croire mais c'est le cas du cortex cérébral. Parti de ce rationnel physique Barker et Jalinous mirent au point en 1985 la première machine délivrant des impulsions magnétiques sur le cortex cérébral. Les travaux suivant vont permettre l'exploration électrophysiologique du cortex moteur. En découlera l'exploration des potentiels évoqués moteur. Explications: les opérateurs placent en regard du cortex cérébral moteur une bobine qui délivre un champ magnétique et observent l'intensité nécessaire à la contraction de muscles.
L'évolution de la technique et les recherches itératives permettent aujourd'hui de proposer dans la dépression résistante des stimulations répétitives que l'on réalise par séance de 20 minutes 5 jours sur 7 pendant 3 semaines pour le protocole devenu classique. Il est intéressant de noter qu'initialement l'efficacité antidépressive de la technique a été découverte de manière fortuite à partir d'exploration d'électrophysiologie. C'est souvent le cas en psychiatrie et notamment dans la dépression; le premier antidépresseur découvert est par exemple un antituberculeux. Nous considérons qu'environ 50% des patients pour lesquels nous appliquons cette technique en tirent bénéfice mais l'expérience nous apprend chaque jour un peu plus à pouvoir mieux cibler les indications, au sein même de ce qu'il est de bon ton d'appeler les dépressions. Car nombreuses sont les présentations différentes de cette maladie.
Mais que se passe-t-il exactement?
Nous disposons de bobines en forme de 8 qui délivrent un champ magnétique focal de quelques cm². Ce champ est délivré par impulsions en fonction du temps. Le tout donnant une fréquence par seconde ou Hertz. Ceux d'entre vous qui sont déjà entrés dans une IRM savent bien que l'on entend des coups; c'est exactement la même chose avec les SMT.
Dans la dépression les études d'imagerie cérébrale ont pu déterminer que le cortex cérébral des patients atteints de dépression présente une modification de son activité en regard d'une zone assez précise que l'on appelle le cortex pré-frontal dorso-latéral (CPFDL). Diminution d'activité à gauche et hyper-activation à droite.
Les études séquentielles ont permis de définir que selon la fréquence des impulsions magnétiques le cortex cérébral réagirait soit de manière à être stimulé soit au contraire à être moins actif. Actuellement, la méthode la plus fréquemment utilisée est de stimuler le CPFDL gauche. Cependant, nous décidons dans un certains nombre de cas de rendre moins actif le CPFDL droit par des fréquences dites inhibitrices. Bien sûr, les neurones établissent de nombreuses connexions et plus que de stimuler une zone cérébrale en particulier nous observons des modifications à distance. La réponse à ce traitement antidépresseur non médicamenteux nécessite au moins l'association d'un traitement antidépresseur pour être efficace. Il s'agit d'une thérapeutique dite d'adjonction. Un peu comme s'il permettait d'améliorer l'efficacité du traitement sans en augmenter les effets secondaires. L'avantage de ces techniques dites non médicamenteuses est qu'elles sont dépourvues d'interaction pharmacologique et très souvent beaucoup mieux tolérées que des associations complexes. Ce qui ne veut pas dire que dans un certains nombre de cas la thérapeutique médicamenteuse ne sera pas une association.
Quels sont les effets indésirables?
Nous avons un recul d'un peu plus d'une vingtaine d'années concernant cette technique et la littérature scientifique ne manque pas afin d'en déterminer les effets secondaires probables. D'abord, comme pour tout traitement, il peut exister des effets indésirables notables à cette technique mais elle est dans la très grande majorité des cas très bien tolérée. La technique n'est pas douloureuse mais désagréable au niveau du cuir chevelu. Une partie de nos patients s'endorment durant les séances ce qui laisse entrevoir que la part de désagréable n'est pas forcément très intense.
Les études concernant les effets indésirables rapportent une fréquence assez importante de maux de tête. Elles nous disent aussi que ces maux de tête diminuent au fil des séances et qu'ils cèdent lors de la prise de paracétamol. Dans mon expérience, je n'ai pas observé de maux tête particulièrement gênant au point que les patients souhaitent l'arrêt du traitement. Par contre, nombreux sont les patients qui me rapportent une aggravation de migraine au tout début de traitements médicamenteux et souhaitant arrêter, mais là aussi cet effet n'est que passager et les migraines disparaissent généralement avec l'amélioration de la symptomatologie dépressive.
L'effet indésirable le plus redouté concernant les SMT est l'apparition d'une crise d'épilepsie. La littérature scientifique rapporte environ cette possibilité pour 1 cas sur 1000 patients traités en faisant un effet indésirable rare. Une des précautions complémentaires que nous prenons est de réaliser un électro-encéphalogramme avant toute cure de SMT ceci nous permet de connaître l'activité électrique cérébrale des patients et de contre indiquer cette thérapeutique chez les patients à risque. Malgré toutes ces précautions il est possible qu'un patient présente une crise d'épilepsie durant une séance de SMT. La technique sera bien entendu contre indiquée à l'avenir pour le patient mais il ne sera pas plus à risque de présenter une épilepsie en dehors des stimulations magnétiques cérébrales.
Quelles sont les contre indications?
De manière formelle, elles se rapprochent des contre indications de l'IRM cérébrale. Nous recherchons en utilisant un questionnaire court la présence possible de particules ferro-magnétiques au niveau de la tête et du cou du patient qui pourrait soit chauffer ou bouger pendant les séances. Il peut s'agir de clips vasculaires intracérébraux ou au niveau du cou, d'implants cochléaires, de pompe délivrant des médicaments, d'implants intra-cérébraux. Des éléments même assez fin comme des éclats de fer au niveau de la tête ou des yeux que l'on retrouve souvent chez les patients qui ont déjà utilisé des machines de meulage du fer ou autre. Il est possible de réaliser une radiographie à la recherche de ces éléments en fonction des réponses au questionnaire.
Bien entendu la présence d'un épisode de crise d'épilepsie au cours d'une séance mais aussi les anomalies à l'EEG réalisé avant les séances contre indiquent les SMT. Avoir un stimulateur cardiaque est généralement une contre indication.
Le délai de la réponse antidépressive est assez variable selon les patients. Certains s'améliorent dès les premières séances quand d'autres ont une réponse plus tardive. On estime que les patients peuvent tirer bénéfice de cette thérapeutique jusqu'à 1 mois après la dernière séance. Et après! Allez-vous me dire. Nous arrivons à une question qui fait débat dans notre spécialité; la maintenance de la réponse. De manière très imagée, les spécialistes considèrent qu'il est possible d'utiliser de manière itérative les SMT comme traitement d'entretien chez certains patients qui risquent de rechuter rapidement mais sans consensus sur la fréquence.
Beaucoup d'autres techniques qu'elles soient médicamenteuses ou non médicamenteuses permettent la maintenance de la réponse ou diminuent le risque de rechute; ce qui est équivalent. Certaines approchent et notamment psychothérapeutiques s'orientent actuellement sur cette capacité à diminuer le risque de rechute avec une certaine efficacité. Je pense notamment aux techniques basées sur la pleine conscience développées depuis quelques années avec succès.
Où peut-on demander avis pour une cure de stimulation magnétique transcrânienne?
La consultation universitaire du Service Hospitalo-Universitaire du Centre Hospitalier Sainte-Anne reçoit des demandes émanant de nombreuses villes Françaises pour des avis de dépressions résistantes sans en limiter actuellement l'accès. De nombreuses villes Françaises sont également pourvues de machines de stimulations magnétiques mais aussi de services ou consultations spécialisés dans les dépressions résistantes.
Qu'est-ce que la dépression? Comme je le disais, il s'agit d'une maladie. Les preuves scientifiques de neuro-imagerie, d'endocrinologie et de génétique ne manquent pas pour le prouver. La capacité des traitements ciblés à être efficace non plus. Cliniquement les symptômes sont très variés mais certains sont communs dans la grande majorité des dépressions et facilement repérables. Bien entendu le fait de se sentir triste, mais la tristesse n'est pas la dépression et il existe des dépressions totalement dépourvues de tristesse et parfois même qui s'associent à ce que l'on appelle une anesthésie affective. Le patient ne ressent pas ou très peu d'émotions, le terme parfois employé d'athymhormie désigne plutôt l'incapacité à délivrer verbalement ses émotions. Ensuite, la perte de plaisir ou d'intérêt. Evidente quand nous n'arrivons plus à éprouver du plaisir ou de l'intérêt à nos activités favorites ou dans les relations avec les êtres qui nous sont chers (conjoints, enfants, amis, collègues...). L'incapacité ou la difficulté de se concentrer ou de maintenir son attention. Il s'agit d'un symptôme très fréquent source de handicap professionnel. Les ruminations, souvent d'évènements négatifs, y sont souvent associées, le patient présentant une intrusion perpétuelle de ces évènements rendant le maintien de l'attention peu aisé. La répétition mentale de ces évènements d'échecs participe à l'auto-dévalorisation, autre symptôme notable de la maladie. Un symptôme aussi très important et qui fait parti des symptômes dits physiques de la dépression est l'insomnie, souvent l'un des premiers à apparaître et dernier à disparaitre. Il participe bien entendu à la fatigue ressentie par les patients mais ne l'explique pas toujours. Les troubles du transit et la perte d'appétit font également parti de la série symptomatique. Nous recherchons également d'autres éléments parfois atypiques tels que l'irritabilité, l'impulsivité, l'hyperphagie, l'hypersomnie et bien d'autres. L'ensemble de ces symptômes permettent d'établir un profil de dépression nous aidant à définir la thérapeutique adéquate.
____________________________________________________ Le club de TMS Français STEP - Stimulation Transcrânienne En Psychiatrie affilié à l'Association Française de Psychiatrie Biologique a déjà publié 2 livres aux éditions Solal sur les stimulations magnétiques cérébrales. L'un de ces 2 livres est un consensus d'experts commandé par plusieurs autorités Françaises dont la Haute Autorité de Santé.
Des recommandations internationales existent pour leur utilisation en psychiatrie mais aussi dans plusieurs spécialités médicales telles que la neurologie, la médecine physique et rééducation, la neuro-chirurgie et l'ORL.