Suicide : Les éleveurs sont en première ligne Agriculture
samedi 05 janvier 2013 sur http://www.ouest-france.fr/actu/AgricultureDet_-Suicide-Les-eleveurs-sont-en-premiere-ligne_3640-2150201_actu.Htm
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Alors que le plan national d’action contre le
suicide dans l’agriculture s’apprête à être lancé, François-Régis
Lenoir, docteur en psychologie sociale et agriculteur, alerte sur la
situation des éleveurs, principalement exposés aux risques suicidaires.
« Nous
estimons que le taux de suicide est le plus élevé chez les éleveurs.
Ils sont en première ligne : surcharge de travail, horaires décalés,
crises successives, prix du lait instable… La personne qui a aujourd’hui
100 hectares de céréales n’a rien à voir avec celle qui a 100 hectares,
50 vaches, de l’ensilage à faire, du maïs etc. », estime
François-Régis Lenoir, à la fois docteur en psychologie sociale et
responsable d’une exploitation agricole en polyculture-élevage (ovin) à
Remaucourt, dans le sud des Ardennes. Depuis plus de dix ans, il mène
des travaux sur le stress des agriculteurs étroitement lié, et de loin, à
la santé économique de l’exploitation. Certains agriculteurs ont vu
leur revenu se réduire de 20 à 50 % ces dix dernières années - des
baisses à l’origine de niveaux de stress très élevés, a pu observer le
docteur en psychologie.
Le poids de l’isolement
L’isolément
est un autre facteur de stress. Quand, quarante ans plus tôt, une
dizaine d’agriculteurs habitaient dans le même village, ils sont
aujourd’hui très peu nombreux. « Ce phénomène démographique isole et
rend la situation difficile quand il s’agit de s’associer avec des
agriculteurs d’autres villages par exemple, parce qu’on ne sait pas
faire avec l’autre ». Même difficulté « à faire avec l’autre » pour des agriculteurs qui se retrouvent à la tête de plusieurs salariés, sans formation en management.
Mieux accompagner
Pour
François-Régis Lenoir, il faut davantage d’accompagnement. D’autant
plus que le phénomène pourrait s’accentuer : un portrait social des
agriculteurs à l’horizon 2020, récemment établi par le centre d’études
et de prospective du ministère de l’Agriculture, montre que la
prolifération des réglementations, en matière d’hygiène, de sécurité
alimentaire, d’environnement et le souci croissant de la traçabilité
notamment, sont susceptibles d’engendrer encore plus de stress dans les
années à venir, tout comme les variations de plus en plus fortes des
revenus, en lien avec la volatilité des prix agricoles.
Mise en place d’un plan national contre le suicide
Cependant,
les mesures de prévention envisagée par le ministère avec la Mutualité
sociale agricole (MSA), les associations et les syndicats, sont aussi
susceptibles de parvenir à infléchir la tendance. Le plan national de
lutte contre le suicide dans l’agriculture, annoncé en décembre 2011,
verra le jour en début d’année. Premier volet : la mise en service d’un
numéro national (payant mais non surtaxé) pour les agriculteurs en
situation de détresse au premier trimestre 2013. Parallèlement, dans les
trente-cinq caisses de la MSA se mettent actuellement en place des
cellules pluridisciplinaires, avec pour mission de détecter, accompagner
et orienter les assurés en situation de fragilité. Toutes devraient
être opérationnelles début 2013. Le plan de lutte prévoit enfin un
décompte du nombre de suicides parmi les exploitants agricoles en
France, depuis 2007. Autrement dit, le fléau estimé officieusement,
selon les observateurs, de 400 à 800 victimes par an, devrait enfin être
évalué officiellement. Les résultats seront connus dans les prochaines
semaines.
L'Ouest de la France plus exposé
Dans
certaines régions plus que d’autres, ces mesures s’imposent. La
Bretagne, la Normandie, les Pays de la Loire sont en effet les plus
touchés par le fléau. « Je pense que la solution dans ce domaine viendra des femmes au sein des foyers, mais aussi des filières »,
juge François-Régis Lenoir. Elles sont en effet plus nombreuses à la
consulter, quand bien même ce type de problème concerne en priorité une
population masculine, « un peu limitée, estime l’expert, dans sa capacité à accepter les émotions et à accepter de ne pas être un surhomme ».
Vidéo
Une intervention de François-Régis Lenoir
Rosanne ARIES.