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jeudi 18 octobre 2012

Contribution d’ILGA-Europe au groupe de travail « Lutte contre les stéréotypes, mobilisation des acteurs de l’éducation, de la culture, de la santé et du sport ; action contre le suicide des jeunes LGBT

Contribution d’ILGA-Europe au groupe de travail « Lutte contre les stéréotypes, mobilisation des acteurs de l’éducation, de la culture, de la santé et du sport ; action contre le suicide des jeunes LGBT », octobre 2012 Santé

source : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/2_-contribution_de_ilga-europe.pdf
1. Recommandations
Le Gouvernement Français pourrait proposer un certain nombre de mesures et d’initiatives dans le domaine de la santé, parmi lesquelles :
L’organisation de formations à destination des professionnels de la santé, en collaboration avec les universités et les organisations professionnelles. Ces formations pourraient en particulier porter sur les thèmes suivants :
- Les stéréotypes de genre, l’homophobie et la transphobie, ainsi que leur impact sur la santé mentale et le bien être des personnes LGBTI.
- Une communication respectueuse avec les personnes LGBTI (‘partenaire’ plutôt que ‘mari/femme’, ‘parent’ plutôt que ‘père ou mère’, attention portée au choix du pronom, etc.)
- Les besoins particuliers des personnes LGBTI âgées ou souffrant de handicaps. Le soutien à des projets de recherches sur la santé des personnes LGBTI (santé sexuelle, consommation de tabac ou d’alcool, problèmes de santé mentale, etc.) et sur les obstacles à leur accès aux services de santé (discrimination directe et indirecte, stigmatisation, insécurité financière etc.).
Le lancement d’une réflexion globale avec les organismes qui dispensent des soins de santé sur les mesures à prendre pour assurer aux patients LGBTI un environnement ouvert et sécurisant. Voici des exemples de mesures qui pourraient être utiles :
- La mise en place d’une charte anti-discrimination dans les établissements de santé.
- La visibilité dans les établissements de santé d’images (affiches, brochures, etc.) représentant des personnes LGBTI.
- La mise à disposition de coordonnées d’organisations de soutien aux personnes LGBTI.
La mise en oeuvre de la Recommandation CM/Rec(2010)5 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Ce document contient un certain nombres de mesures spécifiques au domaine de la santé. ILGA-Europe a produit une ‘check-list’ visant à expliciter ces mesures. Cidessous
les questions relatives au domaine de la santé :
Est-ce qu’il est tenu compte, lors de la conception de programmes de santé publique, d’enquêtes de santé, de programmes de prévention du suicide, de programmes de formation médicale, de matériels de formation, de programmes de suivi et d’évaluation des services de santé, des besoins spécifiques des personnes LGBT ? Est-ce que les programmes de formation à destination des professionnels de santé leur permettent de délivrer des soins de qualité, pour tous, en respectant l’orientation
sexuelle et l’identité de genre des patients?
Les programmes d’éducation, de prévention, de soin et de traitement et les services dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive sont-ils disponibles pour les personnes LGBT et respectent-ils leurs besoins ?
Les professionnels de santé et les travailleurs sociaux sont-ils encouragés à créer un environnement rassurant et ouvert pour les jeunes personnes LGBT (par exemple via des campagnes d’informations)?
Les patients hospitalisés ou accueillis en situation d’urgence médicale, sont-ils libres d’identifier leurs parents proches ? Est-ce que les règles en la matière s’appliquent sans discrimination sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ?
Est-ce que les personnes trans ont accès aux services de conversion de genre, y compris, psychologiques, d’endocrinologie et chirurgicaux ?
Est-ce que des mesures ont été adoptées pour s’assurer qu’aucun enfant ne subisse de pratiques médicales, modifiant son corps de manière irréversible, afin de lui imposer une identité de genre, sans son consentement libre, entier et informé, en accord avec son âge et sa maturité ?
Les coûts liés aux services de conversion de genre sont-ils pris en charge, et le cas échéant, de manière raisonnable, non arbitraire et non discriminatoire ?
2. Bonnes pratiques
Le « National Health Service » (NHS) au Royaume-Uni a mis en place un outil de benchmarking pour s’assurer que les patients LGB sont traités de manière équitable et peuvent parler ouvertement de leur orientation sexuelle à leur médecin. Cet outil est intitulé ‘Pride In Practice’. D’avantages d’informations
sont disponibles sur le site : http://www.lgf.org.uk/Our-services/pride-inpractice/
Le NHS a également développé des guides et des brochures visant à soutenir les personnes trans et leurs familles, mais également à informer les professionnels de santé sur les questions de santé liées à l’identité de genre. Ces documents
sont consultables sur le site :
http://www.nhs.uk/Livewell/Transhealth/Pages/Transoverview.aspx
En Norvège, une ONG (Norvegian LGBT Organisation) a mis en place un projet, intitulé ‘Pink Competency’, de formation des professionnels de santé sur les questions LGBT. Les formations sont données en collaboration avec des organisations de professionnels de la santé (infirmier(e)s, chirurgiens, dentistes, etc.) et l’évaluation du projet semble indiquer que ces modules de formations
sont nécessaires, utiles et efficaces. Au Royaume Uni, deux organisations (‘Royal College of Nursing’ et ‘UNISON’) ont produit un guide (Not just a friend, 2003) sur les droits de visite pour les parents proches des personnes LGBT. Les mesures proposées dans ce guide pourraient être adoptées par les établissements de santé en France.
3. Initiatives au niveau européen
L’Union européenne a peu de compétences dans le domaine de la santé. Celles-ci sont régulées par l’article 168 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne.
Néanmoins, cet article laisse une certaine marge de manoeuvre à l’UE, en particulier pour échanger des informations et des bonnes pratiques et pour promouvoir la recherche. Par ailleurs, la Commission Européenne a lancé deux initiatives dans le cadre desquelles les questions LGBTI pourraient être abordées.
La communication sur la solidarité en matière de santé : réduction des inégalités de santé dans l’UE (2009) vise en premier lieu les groupes socioéconomiquement désavantagés mais pourrait également s’appliquer aux personnes LGBTI. En effet, la plupart des enquêtes sur la santé des personnes LGBTI en Europe démontrent que la stigmatisation dont elles font l’objet, et le sentiment d’isolation qu’elles ressentent parfois, les amène à souffrir d’avantage de problèmes de santé mentale que les autres personnes. Par ailleurs, les mêmes enquêtes démontrent que les personnes LGBTI sont souvent plus
réticentes que les autres à consulter des professionnels de santé de manière préventive, et qu’elles ne sont pas toujours ouvertes sur leur orientation sexuelle ou sur leur identité de genre, par peur d’être discriminées ou stigmatisées. Il serait donc très pertinent que cette communication sur les inégalités de santé débouche sur des initiatives spécifiques pour les personnes LGBTI. Rien ne s’y oppose formellement dans le texte de la communication, mais les représentants de la Direction Générale pour la Santé et les Consommateurs (DG SANCO) que nous avons rencontrés semblent très réticents sur cette interprétation de la communication.
La Commission Européenne a également lancé en 2005 un livre vert sur la santé mentale qui a débouché en 2008 sur un Pacte Européen pour la santé mentale et le bien-être. Celui-ci a été mis en oeuvre par l’organisation de conférences sur 5 thèmes majeurs (la prévention du suicide et de la dépression, la santé mentale des jeunes dans le système éducatif, la santé mentale des personnes âgées, la santé mentale sur le lieu de travail, et la lutte contre la stigmatisation et l’exclusion sociale). Puis le Conseil de l’UE a adopté des Conclusions en juin 2011 qui reconnaissent que la santé mentale est une composante essentielle de la santé et une condition indispensable pour contribuer à la vie en société. Les personnes LGBTI ne sont jamais spécifiquement mentionnées alors qu’elles sont concernées par tous les thèmes choisis. Il serait bon là aussi de s’assurer d’une part que le pacte Européen débouche sur des actions concrètes et d’autre part, que certaines de ces actions s’appliquent spécifiquement aux questions LGBTI.
Education
1. Recommandations
Il est encourageant de constater que le harcèlement scolaire semble être une priorité du Ministère de l’Education Nationale. Il est essentiel que cela débouche sur une politique anti-harcèlement qui s’accompagne de mesures concrètes dans chaque établissement scolaire. Cette politique devrait  également contenir un volet spécifique sur les stéréotypes de genre et l’orientation sexuelle. Plus spécifiquement, chaque établissement scolaire devrait mettre en place et rendre visible un plan d’action anti-harcèlement qui précise les mesures à prendre en cas d’incident.
La mise en oeuvre de cette politique implique de former tous les membres de la communauté scolaire (enseignants, mais également surveillants, conseillers d’orientation, personnel médical etc.) sur le  harcèlement scolaire. Les inspecteurs ‘établissements et vie scolaire’ devraient également être formés et capables d’identifier les situations propices au harcèlement scolaire.
Le Ministère de l’Education Nationale réfléchit actuellement à la mise en place d’un observatoire de la violence à l’école. Là aussi, il est nécessaire de se pencher sur les actes de violence spécifiquement liés aux stéréotypes de genre et à l’orientation sexuelle (réelle ou présumée, des élèves comme du  personnel).
Par ailleurs, il semble que de nombreux actes de violence ont lieu, soit dans des endroits peu fréquentés des établissements scolaires, soit aux alentours de ceuxci. Il est important que cet observatoire prenne ces données en compte.
Outre la lutte contre le harcèlement et la violence à l’école, certains aspects de l’organisation des établissements scolaires peuvent avoir un impact sur le bienêtre des personnes LGBTI à l’école. Un certain nombre de mesures peuvent ainsi être mises en place : s’assurer que les fêtes de l’école sont  accessibles aux couples de même sexe, mettre à la disposition de tous les coordonnées d’associations de soutien aux personnes LGBTI (via des brochures), et des ouvrages spécialisés sur ces questions dans la bibliothèque, etc. Plus généralement, le Ministère de l’Education Nationale pourrait également mettre en place des formations à destination du personnel enseignant sur les questions de genre d’une part (stéréotype de genre, identité de genre etc.) et les discriminations (sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, mais aussi du handicap, de la religion, de l’origine ethnique etc.) d’autre part.
Nous nous réjouissons de l’engagement du gouvernement à lutter contre les stéréotypes de genre à l’école. Nous pensons que la lutte contre les stéréotypes doit commencer dés l’école maternelle. Il est également indispensable de s’assurer que les manuels et programmes scolaires ne contribuent pas à renforcer les stéréotypes de genre et la stigmatisation dont peuvent faire l’objet les personnes LGBTI. Enfin, l’éducation sexuelle doit également refléter la sexualité dans toute sa diversité, et ceci, en toute transparence et objectivité.
La Recommandation CM/Rec(2010)5 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre contient également un certain nombres de mesures spécifiques au domaine de l’éducation. ILGA-Europe a produit une ‘check-list’ visant à expliciter ces mesures. Ci-dessous les questions relatives au domaine de l’éducation :
Est-ce que des mesures sur l’égalité et la sécurité à l’école, des codes de conduite et des manuels destinés au personnel éducatif ont été introduits ou mis à jour afin de s’assurer que les élèves et les étudiants LGBT ont accès à l’instruction dans un environnement sécurisé, non violent, sans  harcèlement ni exclusion sociale ou d’autres formes de traitement discriminatoire ou dégradant ?
Est-ce que les programmes de formation initiale et continue pour les professeurs et le
personnel éducatif en général leur donne les outils nécessaires pour traiter les élèves et les étudiants LGBT avec respect et être capable d’identifier, d’analyser et de réagir à toute pratique discriminatoire sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre à l’école ?
Les établissements scolaires soutiennent-ils des campagnes et des évènements culturels à l’école visant à lutter contre l’homophobie et la transphobie, y compris la participation, quand cela est approprié, de représentants d’organisations LGBT ?
Des informations sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont elles fournies dans les programmes scolaires et dans les cours d’éducation sexuelle ? Le cas échéant, ces informations sont-elles données de manière respectueuse et objective ?
Les élèves et les étudiants LGBT reçoivent-ils les informations, la protection et le soutien nécessaires pour leur permettre de vivre en accord avec leur orientation sexuelle et leur identité de genre ?
Est-ce que des mesures sont prises pour répondre de manière adéquate aux besoins spécifiques des étudiants transgenres, en particulier concernant le changement de leur nom ou de leur genre sur les documents scolaires ?
2. Bonnes pratiques
En 2007, le Gouvernement de la Communauté Française de Belgique a envoyé dans tous les établissements scolaires un guide intitulé « Combattre l’homophobie, pour une école ouverte à la diversité ». Ce guide comprend denombreux exercices pratiques à faire en place. Malheureusement, il n’y a pas eu de suivi effectué sur son utilisation.
En 2010, la République Tchèque a mis en place le même type d’initiative avec un guide distribué aux professeurs.
En Irlande, à l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie 2012, la Ministre de l’Education a organisé un forum sur le harcèlement scolaire homophobe. Elle a également mis en place un groupe de travail sur le harcèlement scolaire en général.
En Suède, la loi anti-discrimination de 2008 requière que les écoles préviennent toute discrimination et adoptent des programmes anti-discrimination.
De la même manière, au Royaume Uni, la loi anti-discrimination comprend un volet intitulé ‘Public sector equality duty’ qui impose à tous les servies publics, y compris les établissements scolaires, de lutter de manière proactive contre les discriminations (réfléchir en amont aux besoins des groupes désavantagés, consulter les associations etc.).
3. Initiatives au niveau européen
L’Union Européenne a là aussi très peu de compétences et se borne à lancer des initiatives non législatives, à proposer des recommandations non contraignantes et à encourager le partage de bonnes pratiques.
Il y a très peu de documents émanant de la Direction Générale Education et Culture (DG EAC) de la Commission Européenne qui mentionne les questions LGBTI en particulier et aucune initiative n’a été prise pour lutter contre le harcèlement scolaire à l’encontre des personnes LGBTI. Néanmoins, il est très probable que si plusieurs Etats membres faisaient part des leurs préoccupations vis-à-vis de ce phénomène qui existe dans tous les pays de l’UE, la DG EAC serait prête à proposer des initiatives dans ce domaine.
Par ailleurs, puisque plusieurs Etats membres ont déjà adopté des législations ou pris des mesures intéressantes, il serait certainement utile de partager les bonnes pratiques afin d’encourager les Etats membres à progresser ensemble dans la lutte contre le harcèlement, la stigmatisation et la discrimination à l’école sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.
Enfin, en matière de santé comme d’éducation, la France pourrait utiliser son leadership européen pour accélérer les négociations visant à l’adoption de la Directive du Conseil du 2 juillet 2008 relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de conviction, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle.