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mardi 29 novembre 2011

ALGERIE ARTICLE PRESSE

Médecine légale : 50% des morts violentes dues aux suicides, selon l’OMS 

Les experts déplorent la désertion du champ de la recherche scientifique par les spécialistes et les chercheurs qui ont laissé aux services de sécurité le seul soin de recenser les cas de suicide.
PUBLIE LE : 29-11-2011 | 0:00 sur elmoudjahid.com

«La mort violente et les accidents de circulation – domestiques – de travail», ont été à l’ordre du jour de la conférence de presse organisée hier matin par la Société algérienne des scien-ces médico-judiciaires, du dommage corporel et de l’éthique médicale au siège du département de médecine Maherzi.
Animé par le Pr Merrah, médecin légiste, qui a évoqué les problèmes psychologiques, psychia- triques, événementiels et sociaux qui sont responsables de ce choix de mourir, ce point de presse a réuni d’autres spécialistes qui ont évoqué les causes de ce phénomène et qui ont trait entre autres aux difficultés d'adaptation, tels que le chômage, la crise du logement… Selon le Pr Merrah, cette « pathologie » est, en fait, qualifiée d'« appel à la vie », puisqu'en voulant mettre fin à leurs jours, ces personnes, paradoxalement, lancent un appel au secours, qui a pour conséquences les décès et les maladies.
Pour ce qui est des décès, la conférencière évoque les morts violentes qui, selon les statistiques de l’OMS, représentent 50% des suicides, 31% des homicides et 19% des crimes de guerre.
Le décès d’origine criminelle ou bien suicidaire est défini par les spécialistes comme une mort accidentelle. Dans ce cas, les sujets sont souvent confrontés à des traumatismes dus à un événement imprévu et fortuit.
C’est le cas des accidents de la circulation, du travail, des chutes ou brûlures, et des agressions. Selon les conférenciers, chaque jour, un Algérien se suicide... Il s’agit, selon les explications fournies, d’en finir avec la vie pour fuir une réalité trop dure à supporter. Ce phénomène s’est accentué avec les attentats-suicides, les immolations, qui ont emporté en 2007 environ 177 âmes recensées par les services de police, à l'heure où, de son côté, la Gendarmerie nationale a enregistré le triste record de 128 cas.
Y a-t-il lieu de s'alarmer ? La réponse est sans doute oui, car la courbe est ascendante et le nombre des suicides enregistre une hausse, même si elle est légère par rapport aux autres pays du monde, car le constat fait par la police le confirme, le phénomène connaît une constante évolution depuis l'année 2005. Ainsi, de 114 victimes en 2005, on est passé à 169 cas en 2006, pour arriver à 177 en 2007.

Les mineurs aussi…

Parmi ces 177 cas enregistrés, on compte 168 adultes, dont 135 hommes et 33 femmes. Les mineurs ont aussi appris à se donner la mort. Ils ont été 8 garçons et 1 fille à avoir mis fin à leurs jours l'année écoulée, alors que les filles ont été beaucoup plus nombreuses à tenter de se suicider, avec 42 tentatives contre 3 pour les garçons qui ont tenté de mourir. L'acte de renoncement à la vie est devenu une pratique non exceptionnelle dans notre pays. Le Dr Ahmed Chikou déplore la désertion du champ de la recherche scientifique par les spécialistes et les chercheurs, ce qui a laissé aux services de sécurité le seul soin de recenser les cas de suicide, ce qui réduit les chiffres aux seuls cas traités par ces services, alors que le phénomène est plus important.
D’autres maux liés à ce phénomène de violence ont été évoqués comme la dépression, qui est généralement la cause directe du suicide, les conditions socioécono- miques qui sont aussi des facteurs d'exacerbation de l'état dépressif. Ainsi les chômeurs sont souvent les premiers sur la liste des suicidés, signe que le marasme social peut fragiliser encore plus les personnes déjà vulnérables psychologiquement.
D'autres facteurs aggravants sont aussi recensés, tels que les problèmes familiaux, les troubles psychiques, les déceptions sentimentales et l'honneur.
Lorsque l'envie de mourir se manifeste et se fait pressante, le candidat au suicide use, selon les cas, de moyens susceptibles de rendre son triste projet concret. Produits chimiques, barbituriques, chutes volontaires, pendaison, asphyxie au gaz ainsi que l'emploi d'armes à feu et d’objets tranchants sont autant de moyens utilisés pour mettre en application l'ultime acte de désespoir.
Les statistiques des services de la Gendarmerie nationale font état, pour leur part, de la prévalence du suicide chez la tranche d'âge comprise entre 18 et 30 ans avec 50 cas sur 128, suivie des personnes dont l'âge varie entre 30 et 45 ans avec 39 cas, et 20 autres cas ont été enregistrés pour les personnes de plus de 45 ans et 16 pour les mineurs. Les chômeurs arrivent en tête du classement du nombre de suicidés avec 75 cas et 102 tentatives de suicide. La répartition géographique des suicides fait apparaître 17 cas enregistrés dans la wilaya de Béjaïa, suivie de Tizi Ouzou avec 9 cas, et Mila et Relizane avec 6 suicides, talonnées avec 5 cas par les wilayas d'Alger et de Mascara.
Le classement de la police confirme la première place pour la wilaya de Béjaïa avec 20 suicides, suivie de Tizi Ouzou avec 18 cas, de Tiaret avec 13 cas, de Constantine avec 12 cas et à des degrés moindres de Mascara, de Batna et de Djelfa.
S’agissant des décès provoqués par les accidents de la route, le dernier et douloureux bilan en la matière fourni par la Gendarmerie nationale classe le pays à la peu enviable troisième position dans le monde avec 21 520 accidents ayant causé la mort de 3 286 personnes et blessé 38 903 autres. Si le nombre des accidents est en hausse de 31,68% par rapport à la même période de 2010, celui des décès a augmenté de 30,14% alors que le nombre des blessés a connu une progression de 33,88% en comparaison avec les chiffres de 2010.
Par wilaya, c’est Sétif qui vient en tête du triste palmarès avec 1 209 accidents et 139 morts, suivie de Blida (595 accidents, 85 morts), Bouira (557 accidents, 133 morts), Chlef (591 accidents, 104 morts), Alger (957 accidents, 72 morts) et Oran (937 accidents, 106 morts).
Sarah SOFI

Un mort chaque heure dans les accidents de la route

Un mort chaque heure, c’est trop ! Tel est le bilan des accidents de la circulation. Rien ne freine les criminels de la route. On compte plus de 120 accidents par jour, une moyenne de 450 morts et 5 000 blessés par mois. Les dernières statistiques de la Gendarmerie nationale, ajoutées à celles de la Sûreté nationale, donnent le tournis.
L’heure est grave et les Algériens développent un comportement agressif au volant, au prix de leur vie et celle des autres. Même les enfants n’échappent pas à l’irresponsabilité des chauffards qui traversent à grande vitesse les passages réservés aux écoliers. En effet, l’année 2011 restera dans les annales en termes de sinistres enregistrés. Avec une hausse de 28% par rapport à la même période de 2010, la GN a avancé le chiffre effarant de 7 220 accidents de la route, causant le décès de plus de 1 000 personnes et 13 401 blessés. Plus de 85% de ces accidents sont dus à l’excès de vitesse, donc à l’homme.
S.S.


Pr Merrah Fatiha, Médecin légiste, chef de service au CHU de Béni Messous :
« Le rôle de la recherche scientifique est primordial dans la prévention contre la violence »

Le phénomène de la violence prend de l’ampleur ces dernières années. Comment y faire face ?
« La lutte contre la violence est un choix et une politique. Elle ne doit pas se réduire à une moralisation de la société. Elle doit être prise en charge sur tous les plans, car la violence maltraitée se développe sous d’autres angles plus graves encore. Il y a lieu de codifier ce phénomène, de l’analyser et de l’étudier afin d’aboutir à des solutions adéquates ».

Qu’en est-il du traumatisme occasionné par la violence en milieu de jeunes ?
Parmi les victimes de violences, les jeunes sont le groupe le plus vulnérable. Ils sont à la fois, presque toujours, les victimes et les principaux auteurs. Cette question de la violence suscite un intérêt grandissant. Chaque jour un nombre important d’enfants, de jeunes et de femmes y sont particulièrement exposés.
Dans le milieu scolaire, on notera qu’un élève sur deux est victime ou à l’origine d’un acte violent au moins une fois durant l’année. Selon l’OMS, «les jeunes et particulièrement les adolescents sont un enjeu majeur pour l’avenir des familles et des communau- tés». L’école est un moyen idéal où il est possible d’identifier précocement les indices de violence et de s’y attaquer. Les sources de violence en milieu scolaire sont multiples. Réfléchir sur la violence pour tenter de la prévenir exige un questionnement sur les rapports entre les individus, les institutions et la société.

Quelle est la part de la recherche scientifique dans le traitement du phénomène de vio- lence et de mort violente ?
« Le rôle de la recherche scientifique est primordial dans la prévention contre ce genre de violence. Malheureusement elle est totalement absente sur la scène. Pourtant, l’Etat consacre des moyens conséquents pour la recherche scientifique. On doit procéder à des études épidémiologiques en la matière, avoir une banque de données, ce qui nous permettrait de connaître les causes de décès et les programmes à mettre en place pour lutter contre toutes formes de maladie ou de violence ».
S. S.
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