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lundi 3 octobre 2011

REVUE DE PRESSE... DEBAT

Paru dans Pèlerin N° 6722 du 29 septembre 2011
Psycho
Marcel Rufo : "Mieux prévenir les suicides d'enfants"

Le 29 septembre, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik a remis un rapport sur le suicide des enfants de 5 à 12 ans à Jeannette Bougrab, secrétaire d'État à la Jeunesse et à la Vie associative. L'avis de Marcel Rufo : "certains enfants émettent des signaux clairs. Sachons les écouter."

Mon ami Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, a remis, le 29 septembre, à Jeannette Bougrab, secrétaire d'État à la Jeunesse et à la Vie associative, un rapport sur le suicide des enfants, dans le cadre d'une mission qui lui a été confiée après plusieurs drames. Deux faits divers épouvantables concernant des suicides d'enfant nous avaient violemment interpellés. Leur simple évocation me gêne, car je respecte le deuil des familles touchées.

Soulignons d'entrée de jeu l'extrême rareté du phénomène - mais, j'en suis bien conscient, les chiffres ne sont d'aucun secours face à l'incompréhension et au désarroi que suscite le suicide d'un enfant à l'âge de toutes les promesses. Lorsqu'il était ministre de la Santé, Bernard Kouchner avait lancé une campagne visant à diminuer le nombre de suicides à l'adolescence. Son ambition était d'instaurer une prévention accrue de ce fléau.

Il confia au Pr Jean-Louis Terra et à Monique Séguin, psychologue québécoise, la mission d'imaginer la formation de personnes « ressources », capables de mieux repérer les signes d'un mal-être pouvant conduire au suicide. Un grand nombre d'entre nous était sceptique : peut-on prévenir cet acte souvent imprévisible ? Mais nous avions tort : le nombre de suicide chez les adolescents a diminué de moitié grâce à cette formation.

Mes réserves résident dans la mise en lumière d'un phénomène rare. N'est-il pas dangereux de médiatiser cette question ? Ne risque-t-on pas d'influencer les plus fragiles ? Rappelons-nous l'interdiction de l'ouvrage Suicide mode d'emploi. Par ailleurs, le suicide d'enfant est presque toujours impulsif et ne comporte le plus souvent aucun signe d'appel. En témoignent ces quelques cas malheureux rencontrés dans ma carrière.

Comment prévoir qu'un bon élève se défenestre après une note moyenne en allemand ? Quant à l'entourage de cet autre enfant ayant mis fin à ses jours par pendaison, il n'a fait le lien qu'après coup avec le jeu du foulard pratiqué dans la cour de récréation. Et que dire de cette fratrie survivante et de ces parents que j'ai eu à soutenir, si culpabilisés après un suicide minutieusement préparé et dont ils n'avaient rien deviné...

Mais certains enfants émettent des signaux clairs. Sachons les écouter. Faisons en sorte que les enfants qui déclarent leur désir de mort puissent être reçus en urgence. Il faut continuer de sensibiliser tous les professionnels de l'enfance à cette nécessité. Attendons-nous alors à un surcroît d'inquiétude parentale. Mais qui se plaindrait d'une écoute toujours plus attentive des enfants ?

Auteur(s) : Marcel Rufo , - Paru dans Pèlerin N° 6722 du 29 septembre 2011