L'Amérique, traumatisée par les tueries en masse dans ses établissements scolaires, est toujours aussi divisée sur les moyens d'éviter ces drames.
Cette semaine, la Chambre des représentants a voté une hausse des dépenses allouées la sécurité des écoles du pays, mais aucune des mesures renforçant le contrôle des armes réclamées par  des milliers d'élèves à travers le pays.
Les chiffres sont pourtant alarmants. Les Etats-Unis ont le taux de possession d'armes à feu parmi les civils le plus élevé de la planète (on estime qu'il y a aux Etats-Unis neuf armes à feu pour dix personnes, enfants compris). 
Selon une étude réalisée en 2016 par Erin Grinshteyn et David Hemenway, le taux d'homicide y est six fois plus élevé que dans la plupart des autres pays développés et le taux de suicide par balles est huit fois plus important.
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Des statistiques comme celles-ci soulèvent une question essentielle : le grand nombre d'armes américaines augmente-t-il le risque de mort violente aux Etats-Unis ou les Américains ont-ils davantage besoin de s'armer pour se défendre contre une société particulièrement violente ?
Pour tenter d'y voir plus clair, Rand Corporation, un think tank américain, a étudié les effets d'une modification de la législation en matière d'armes à feu dans trois pays, l'Australie, Israël et la Suisse.

En Australie, le traumatisme de Port-Arthur

Le 28 avril 1996, un homme armé ouvrit le feu sur des touristes dans la station balnéaire de Port Arthur, en Tasmanie. Lorsqu'il fut arrêté, il avait tué trente-cinq personnes et en avait blessé vingt-trois. Ce fut le pire meurtre de masse de l'histoire australienne.
Très vite, le gouvernement australien et les Etats australiens se mirent d'accord pour changer la législation. Les fusils automatiques furent interdits tout comme de nombreux semi-automatiques. Les ventes entre particuliers furent prohibées et toutes les armes devaient être enregistrées au nom de leur propriétaire. De surcroît, le gouvernement offrit d'acheter les armes interdites à leurs propriétaires au prix du marché durant douze mois.
Par la suite, de nombreuses études estimèrent que la nouvelle législation avait eu un impact très net. Le Washington Post nota qu'entre 1995 et 2006, les suicides par armes à feu avaient baissé de 65 %, les homicides par armes à feu de 59 % et, plus impressionnant, qu'il n'y avait plus eu de fusillades alors que l'Australie en avait essuyé onze avant la tuerie de Port-Arthur.
Néanmoins, certains chercheurs mirent quelques bémols, soulignant par exemple que, sur la période, les suicides autres que par armes à feu avaient baissé également ce qui tendrait à démontrer que le repli n'était pas forcément à mettre sur le compte d'une législation plus restrictive. Même chose pour le taux d'homicide qui avait déjà commencé à reculer avant la loi de 1996.

En Suisse, moins de soldats

En 2004, l'armée suisse introduisit une nouvelle réforme qui réduisit de moitié l'effectif de ses troupes, de 400.000 à 200.000. Or, en Suisse, chaque membre actif de l'armée se doit d'emporter son arme et son équipement à domicile. Les recrues qui finissent leur service militaire peuvent quant à eux choisir d'acheter leur arme à un prix avantageux.
Cette réforme a par conséquent considérablement fait chuter le nombre d'armes à feu détenues par les civils.
En 2013, une étude menée par le psychiatre suisse Thomas Reisch remarqua qu'à partir de 2004, année de la réforme de l'armée suisse, le nombre de suicides par arme à feu avait chuté. Il alla plus loin en observant le taux de suicide chez les hommes âgés entre 18 et 43 ans - la tranche d'âge correspondant à la carrière militaire - et en le comparant avec celui des autres tranches d'âge et celui des femmes. Et il constata qu'effectivement, c'est dans ce pan de la population que le taux de suicide avait le plus baissé.
Néanmoins, note Rand, comme en Australie, il est très difficile de prouver à 100 % que la baisse du taux de suicide est liée au nombre restreint d'armes à feu détenues par les civils. D'autant que le taux de suicide chez les hommes plus âgés, moins susceptibles d'avoir été directement touchés par la réforme de l'armée, a également baissé.

En Israël, un week-end sans arme

Toutefois, une étude israélienne a fait le même constat.
Alors que depuis 2006, les soldats israéliens sont sommés de laisser leurs armes à la caserne lorsqu'ils rentrent chez eux le week-end, cette étude publiée en 2006 a constaté que le nombre de suicides par arme à feu chez les hommes israéliens âgés de 18 à 21 ans avait chuté de 40 %, passant de 28 annuellement entre 2003 et 2005 à 16,5 en 2007 et 2008.