jeudi 1 février 2018

Béziers : une application pour prévenir le risque de récidive suicidaire


Midi Libre
BEZIERS
mardi 30 janvier 2018
Quand une appli sauve la vie
Innovation. Jérôme Azé, de l'IUT, travaille sur l'application "Emma" pour détecter et prévenir le risque de récidive suicidaire. L e suicide est un véritable fléau de société », rappelle Jérôme Azé, directeur du département MMI à l'IUT de Béziers, enseignant-chercheur au Laboratoire d'informatique, robotique, microélectronique de Montpellier (LIRMM), dans l'équipe Advanse. Celle-ci travaille, depuis 2014, sur la problématique de la fouille de données appliquées à la santé. Plus exactement sur la thématique du risque de récidive de suicide. Une application, appelée Emma (pour Ecological momentary mental assessent), va voir le jour et a pour mission de permettre à une victime de suicide non abouti d'éviter la récidive.
En collaboration avec le CHU de Montpellier « Tout a commencé le jour où une entreprise spécialisée dans les applications de réseaux fermés, confrontée à deux suicides et cherchant des solutions de prévention, a contacté notre équipe. C'est à ce moment-là que nous avons décidé de travailler sur le sujet. Pour cela, nous nous sommes rapprochés du CHU de Montpellier, qui dispose d'un service d'urgences psychiatriques pour adultes. Depuis, nous travaillons ensemble, sous l'égide du professeur Philippe Courtet » , raconte l'enseignant-chercheur. Le médecin obtient une chaire d'excellence (enveloppe financière) en 2015 qui va permettre de démarrer le travail de collaboration. « Nous sommes partis de l'idée : peut-on prévenir, détecter, le risque de récidive de suicide à partir des traces laissées sur les réseaux, Facebook, Twitter, Instagram... ? À ce jour, certaines personnes tentant de se suicider, s'en sortent, vont aux urgences, sont prises en charge, et repartent, avec très peu de suivi. Nous avons donc décidé de construire une application mobile, que nous avons appelée "Emma", pour permettre à ces personnes de s'automonitorer lorsqu'elles se retrouvent chez elles » . Un premier prototype voit le jour en avril 2017. Testé par six patients de l'hôpital de Montpellier pendant deux mois, il donne de très bons espoirs à l'équipe Advanse. Tous les jours, ils doivent répondre à des questions. "Avez-vous mangé" ? "Dormi" ? "Avez-vous des problèmes au travail" ? "Lesquels" ? etc... Ces données sont stockées (*) au LIRMM. Puis traitées par l'algorithme créé. Qui peut, en cas de problème, de risque, alerter le patient, puis le conseiller.
Vers un troisième prototype La construction d'un deuxième prototype démarre en avril 2017. Il est actuellement en phase de finalisation. « Cette fois, 100 patients sont entrés dans les essais cliniques, suivis durant six mois, sur cinq centres hospitaliers : Montpellier, Brest, Lille, Créteil et Besançon. Nous comptons neuf mois pour obtenir suffisamment de données afin de construire l'application définitive. Un troisième prototype verra le jour à partir de janvier 2019. Nous l'espérons, proche de l'appli définitive que testeront 500 patients » . Parallèlement, l'équipe a mené une étude rétrospective entre janvier et juin 2017, avec les CHU de Montpellier et de Nîmes, pour confirmer et prouver que l'algorithme fonctionne. « Quand un patient qui a fait une tentative de suicide sort de l'hôpital, on lui demande s'il accepte de donner l'accès à ses activités sur les réseaux. Si oui, nous regardons si l'algorithme est capable de détecter, selon son activité, une période à risque. Sur 192 patients potentiels, 8 ont donné leur accord, deux avaient supprimé leurs données. Nous avons eu 100 % de résultats positifs sur les six autres, pour lesquels le système a trouvé au moins une période à risque qui a été confirmée par un psychiatre. »

ANTONIA JIMENEZ

 (*) : « Les données stockées sont sécurisées », tient à préciser Jérôme Azé. Le système a passé toutes les étapes avec succès, comme celle de la validation du Comité de protection des patients (CPP) et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNI). « Grâce à l'utilisation de l'appli, le patient à risque pourra s'automonitorer », indique l'enseignant-chercheur. ANTONIA JIMENEZ