lundi 19 décembre 2016

PRESSE Tentatives de suicide. Les SMS testés contre les récidives


« Le SMS est une technologie assez ancienne, mais démocratique, pas besoin d'avoir un smartphone pour cela », dit le Dr Sofian Berrouiguet du CHRU de Brest. (Photomontage Claude Prigent)
« Le SMS est une technologie assez ancienne, mais démocratique, pas besoin d'avoir un smartphone pour cela », dit le Dr Sofian Berrouiguet du CHRU de Brest. (Photomontage Claude Prigent)

Plusieurs études testent l'efficacité du SMS dans la prise en charge des patients ayant fait une tentative de suicide. Quatre questions au Dr Sofian Berrouiguet, psychiatre au CHRU.


Pourquoi cet intérêt pour le SMS dans la prévention du suicide ?
J'ai commencé à m'y intéresser après avoir assisté à une conférence du Pr Michel Walter, de l'hôpital de Bohars, qui évoquait des travaux menés entre 1970 et 2000 sur l'impact positif, en matière de prévention du suicide, du maintien du contact par voies postale et téléphonique avec les sujets à risque. Le Pr Walter travaillait avec le Pr Guillaume Vaiva, sur les bases d'un dispositif appelé VigilanS mis en place dans le nord de la France depuis deux ans et en Bretagne depuis 2016. Il s'agit de maintenir le contact avec les patients. Dans le cadre de VigilanS des infirmiers psychiatriques vont arriver au centre 15 du Samu. En France on compte plus de 10.000 morts par suicide par an et 220.000 tentatives et la Bretagne est la région la plus touchée.

Depuis combien de temps testez-vous l'impact du SMS ?
L'étude des SMS est en cours depuis 2011, c'était mon sujet de thèse de médecine. Nous avons publié, avec mon collaborateur, Michel Gravey, de l'entreprise Sys.Vision, un premier article portant sur une vingtaine de patients suivis à Brest, qui montrait que pour eux ce type de procédure était tout à fait acceptable. L'article est paru dans une revue américaine Psychiatry Research. L'étude sur les SMS a été baptisée étude Siam (Suicide intervention assisted by message), en l'honneur de la rue de Brest. Depuis 2014, on teste l'impact du suivi habituel comparativement au suivi habituel avec en plus le SMS. Je coordonne cette étude menée, depuis 2014, avec l'aide Cathy MEsmeur, dans une dizaine de centres en France : 550 patients doivent être inclus. On essaie d'évaluer si l'adjonction du suivi par SMS permet de réduire le taux de récidive et le taux de mortalité par suicide. On propose aux patients qui ont fait une tentative de suicide d'avoir, en plus du suivi habituel, ce suivi par SMS. On teste l'envoi de quatre messages le premier mois, dès 48 h, et chaque semaine, puis un tous les mois jusqu'à six mois.

Avez-vous une autre étude en cours ?
On avait choisi le SMS parce que toute la population y a accès, pas besoin d'avoir un smartphone pour cela. Mais, lors de mon séjour en Espagne en 2014, j'ai commencé à tester une application pour smartphone qui permet au patient de communiquer des informations sur son état de santé, sur son anxiété, sa dépression ou des troubles du sommeil entre deux consultations ou après une hospitalisation. Cet outil a été créé en partenariat avec le Pr Courtet, du CHU de Montpellier, et le Pr Baca Garcia, de Madrid. En Espagne, il y a déjà eu deux publications sur 4.000 patients. On travaille, enfin, sur une autre application qui doit permettre d'associer des objets connectés. Un programme va démarrer, en 2017, pour évaluer le sommeil des patients après un geste suicidaire en s'appuyant sur l'utilisation d'une montre connectée. On va d'abord tester en janvier l'acceptabilité de la montre connectée, les patients n'en voudront peut-être pas, on va le tester sur une centaine de patients sur Brest uniquement. On a déjà choisi le modèle de la montre avec l'équipe du Pr Lenca, de Telecom Bretagne, qui est associé à cette étude.

La technologie va-t-elle remplacer le soignant ?
Non, tout cela ne va pas aboutir à de nouveaux traitements, mais ce sont des moyens très efficaces de rester en lien avec ces patients et en aucun cas un substitut aux services de soins. On utilise les médias pour maintenir un lien, comme il y a une appétence des jeunes pour tous ces outils de communication, il faut les adapter à un environnement de soins et de communication.

© Le Télégramme http://www.letelegramme.fr/finistere/brest/tentatives-de-suicide-de-nouveaux-medias-testes-contre-les-recidives-16-12-2016-11333666.php#W7TYxTj2uATxpoGd.99