mardi 4 octobre 2016

Le dispositif Apesa pour prévenir les risques de suicides des chefs d’entreprise


Les patrons en détresse sortent du silence
Publié le 19 septembre 2016 travail-prevention-sante.fr*


Alors que leur entreprise se retrouve à la barre du tribunal, nombreux sont les dirigeants qui s’effondrent psychologiquement. Le dispositif Apesa a donc été développé pour prévenir les risques de suicides de ces professionnels. En trois ans, il a traité plus de 240 demandes de soutien.

En France, un chef d’entreprise se suicide tous les deux jours en moyenne, selon les calculs de l’Observatoire de la santé des dirigeants de PME. Des pères de famille essentiellement, ayant dépassé la quarantaine et évoluant dans le commerce, la vente ou le BTP. Mais aucun chef d’entreprise n’est à l’abri d’une remise en cause de sa personne, encore moins lorsque son entreprise se retrouve à la barre du tribunal et frôle la liquidation. « La souffrance de l’entrepreneur est un sujet dont on parle très peu. De manière générale, on cherche à prévenir les difficultés des entreprises, mais jamais celles des dirigeants », déplore Marc Binnié, greffier au Tribunal de Commerce de Saintes (Charente-Maritime). Sensibilisé à la détresse de ces patrons qu’il côtoie tous les jours, il se rapproche de Jean-Luc Douillard, psychologue clinicien. Ensemble, ils créent Apesa, une Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance Aiguë. L’objectif : mettre le doigt sur ce mal passé sous silence et aider les dirigeants au bord du désespoir.


Cinq séances de soutien psychologique gratuites


« Apesa n’est pas un Numéro Vert, prévient Marc Binnié. Le dispositif consiste en une formation des personnels juridiques à la prévention et détection de la crise suicidaire. Ils deviennent des ‘sentinelles’ capables de repérer la souffrance psychologique du dirigeant. » Lorsqu’un tel cas se présente, les sentinelles lancent une alerte. Cette dernière est transmise à une cellule psychologique qui rappelle le dirigeant dans les deux heures. Un entretien téléphonique permet d’évaluer l’urgence de la situation et la suite la plus appropriée à chaque cas : accompagnement psychologique par téléphone, prise en charge immédiate par les psychologues du réseau pour les cas les plus sombres, accompagnement social si le dirigeant et ses proches rencontrent également de grosses difficultés financières. En tout, cinq séances gratuites sont proposées au chef d’entreprise afin de lui fournir un soutien adapté.

Depuis sa création en 2013, Apesa a émis 241 fiches alertes, qui ont abouti à 206 entretiens d’évaluation et de coordination. « Parfois, il arrive que les personnes refusent le dispositif, convient Clémentine Scherer, responsable du pôle de soutien psychologique chez RMA, partenaire de l’Apesa. Mais de manière générale, les dirigeants apprécient la prise en charge rapide. En se sentant écoutés dès leur présence au Tribunal de Commerce, ils acceptent plus volontiers de se faire accompagner.»

"Il faut des ‘sentinelles’ capables de repérer la souffrance psychologique du dirigeant."


Des sentinelles pour plus de proximité


Aujourd’hui, sur les 134 Tribunaux de Commerce que compte la France, dix ont déjà mis en place le dispositif Apesa. Une trentaine l’adopteront courant 2016-2017. A chaque nouveau déploiement, entre 30 et 40 professionnels de justice sont formés pour devenir sentinelle. « Le chef d’entreprise multiplie ses chances de rencontrer une personne formée. Les juristes, quant à eux, ne sont plus désarmés face à la détresse du justiciable, ils n’ont plus de culpabilité de le laisser seul avec sa souffrance. Ils ont l’assurance qu’il sera soutenu, psychologiquement » souligne Marc Binnié.

Pour que le dispositif s’étende dans de bonnes conditions, Apesa peut compter sur l’aide de partenaires extérieurs, comme par exemple RMA (Ressources Mutuelles Assistance). Cette branche du groupe Harmonie Mutuelle, spécialisée dans l’accompagnement des personnes, a proposé à Apesa sa plateforme de mise en relation avec les psychologues. Enfin, une autre version d’Apesa est actuellement en cours d’expérimentation : Apesa agricole. En test dans une partie de la Charente-Maritime, elle est suivie de près par le TGI (Tribunal de Grande Instance) et la chambre d’agriculture.


http://www.travail-prevention-sante.fr/article/les-patrons-en-detresse-sortent-du-silence,11160