jeudi 26 février 2015

CANADA Dépression et suicide chez les professionnels de la santé

Dépression et suicide chez les professionnels de la santé

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la dépression est un trouble mental courant se caractérisant par une tristesse, une perte d’intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de dévalorisation de soi, un sommeil ou un appétit perturbé, une certaine fatigue et des problèmes de concentration (OMS, 2015). Environ 60% des personnes qui souffrent de cette maladie commettent le suicide au Canada (Statistique Canada, 2012). Les méthodes employées sont la pendaison, l’empoisonnement et les armes à feu. Les professionnels de la santé sont-ils plus à risque ?
Dépression
Au Canada, 9% des infirmiers ont souffert de dépression comparée à 7% des femmes et 4% des hommes exerçant un autre emploi (Statistique Canada, 2006). De plus, les études réalisées aux États-Unis prouvent que les médecins qui se spécialisent dans des domaines de premiers soins (par exemple les médecins de famille, les généralistes et ceux qui travaillent à l’urgence), ont un plus grand risque d’épuisement professionnel, comparativement au reste de la population américaine. Quarante-deux pour cent d’entre eux n’arrivent pas à avoir une vie équilibrée, contre seulement 23.2% de la population américaine en général. Un constat similaire est fait lorsque les mêmes chercheurs ont comparé les personnes ayant un diplôme secondaire à ceux ayant un doctorat (Tait et al, 2012).  Le stress affecte également les aides-soignants. À ce sujet, la Commission de la santé mentale du Canada (2015) a récemment amorcé un rapport soulignant que 16.5% des personnes âgées de 15 ans et plus qui ont fourni des soins palliatifs à un membre de la famille, ont des niveaux de stress très élevés. Le rapport complet sera disponible à l’automne prochain. Par ailleurs, dans une période de crise (par exemple la menace d’un virus), les professionnels de la santé ne se différencient pas significativement en termes de symptôme d’anxiété, de dépression ou de fatigue. Néanmoins, ceux qui ont un contact direct avec un patient souffrant d’Ebola par exemple, travaillent en isolation et ressentent le besoin de réduire les heures de travail (CDC, 2015).
En ce qui concerne les sources de stress, les résultats diffèrent selon les disciplines de la santé. Au Pakistan par exemple, les plus importantes sources de stress chez les médecins sont le manque de sommeil, la charge de travail, les conditions du travail et les demandes irréalistes des patients (Hassan et al, 2014). Quant aux ergothérapeutes, la cause du stress est un faible détachement de leur travail même après leurs heures de travail. Ils sont aussi insatisfaits de leur salaire et éprouvent de la difficulté à dire non lorsqu’ils ont moins de 10 années d’expériences (Poulsen et al, 2014). Les sources de stress sont aussi différentes en fonction du genre. Les femmes qui travaillent dans le domaine de la santé souffrent non seulement des attentes de la grossesse, du conflit avec leur rôle de mères, mais aussi du manque de modèles et de support, lorsqu’elles atteignent un âge avancé (Robinson, 2003). Toute cette accumulation de stress n’est pas sans conséquence.
Suicide 
Le taux de suicide de la population canadienne est de 10.8 pour chaque 100.000 personne (Commission de la santé mentale du Canada, 2015). Le taux de suicide des médecins au Canada est inconnu. Celui des États-Unis est de 400 cas par an. Les études de divers pays d’Europe ont tous démontré que le suicide était la seule cause de mortalité dont le taux est plus élevé chez les médecins par rapport au reste de la population (McDonald, 2012). Aux États-Unis, les hommes sont 4 fois plus susceptibles de réussir un suicide, comparativement aux femmes. Il n’y a cependant pas de différence au niveau du genre en ce qui concerne le taux de suicide des médecins, bien que les femmes médecins possèdent plus de connaissances pour le réussir (Robinson, 2003). Reste que le taux de suicide d’un médecin de sexe masculin est 70% plus élevé que celui des hommes exerçant d’autres professions (Fondation Américaine pour la Prévention du Suicide, 2015).
En outre, l’origine de ce taux élevé de suicide est multifactorielle. Il n’y a pas de lien causal direct entre le stress au travail et la hausse du taux de suicide des médecins (Fondation Américaine pour la Prévention du Suicide, 2015). Le taux de suicide des médecins serait plus élevé car ils sont compétitifs, possèdent peu d’amis proches, ont accès aux substances dangereuses et ont parfois abusé des drogues dans le passé (McDonald, 2012). Aussi, 75% des médecins ne font pas recours aux traitements face aux manifestations de la dépression et préfèrent plutôt demander des médicaments à un collègue. Le stigma, le manque de confidentialité, l’impact anticipé sur la carrière et la licence sont des raisons qui expliquent cette réticence. Le manque de temps est une autre excuse donnée par 48% des médecins (McDonald, 2012).
Solution
De tout ce qui précèdent, il apparaît que la dépression et le taux de suicide des professionnels de la santé ne doivent plus être ignorés. Des efforts sont effectivement faits pour réduire ces maux. L’adaptation centrée sur la tâche est associée à une diminution importante de l’épuisement professionnel tandis que l’adaptation centrée sur les émotions s’est révélée nuisible aux médecins d’urgence, aux infirmiers et au personnel de soutien (Howlett et al).  En Ontario, le programme PARO offre de l’aide par téléphone à toutes les heures de la journée (McDonald, 2012). Aussi, le programme PHP (en français, Programme pour la santé des médecins) de l’Association médicale de l’Ontario aide les médecins et leurs familles à faire face à des problèmes de toxicomanie et autres problèmes personnels (Kaufmann, 2000). D’autres suggestions seraient de clarifier la relation médecin-patient et d’encourager les professionnels de la santé à suivre leur propre recommandation : adopter de saines habitudes de vies. Faut-il remettre en question la notion d’empathie face a un tel désintérêt de soi?
Référence :
CDC (2015, May). Ebola and Psychological Stress of Health Care Professionals (Letter to the editor), Emerging Infectious Diseases Vol 21 (5).Tiré du lien http://wwwnc.cdc.gov/eid/article/21/5/14-1988_article
Commission de la santé mentale du Canda (2015). Informing the Future: Mental Health Indicators for Canada Tiré du lien http://www.mentalhealthcommission.ca/English/document/68796/informing-future-mental-health-indicators-canada
Hassan D. A., Rossilah J., Tariq A., (2014). Stress of Medical Practitioners in Private Healthcare Industry, Asian Social Science, Vol 10(22), doi:10.5539/ass.v10n22p111 tiré du lien http://www.ccsenet.org/journal/index.php/ass/article/view/41730/22871
Howlett M., Doody K., Murray J., Leblanc-Duchin D., Fraser J., Atkinson P.R., (2015). Burnout in emergency department healthcare professionals is associated with coping style: a cross-sectional survey, Emerg Med J (0):1–6, doi:10.1136/emermed-2014-203750 tiré su lien http://emj.bmj.com.proxy.bib.uottawa.ca/content/early/2015/01/20/emermed-2014-203750.full.pdf+html
Kaufmann M., (2000). Physician Suicide: risk factors and prevention, Revue médicale de l’Ontario.Tiré du lien http://php.oma.org/PDF%20files/WellnessArticles/RR-PhysicianSuicide.pdf
McDonald C., (2012) Physician Suicide, PGY-4 Psychiatry, McMaster University. Tiré du lien http://fhs.mcmaster.ca/psychiatryneuroscience/documents/McDonaldPhysicianSuicidePresentation.pdf
OMS (2015). Thème de santé : Dépression, tiré du lien http://www.who.int/topics/depression/fr/
Poulsen A. A., Meredith P., Khan A., Henderson J., Castrisos V., Khan S.R., (2014). Burnout and work engagement in occupational therapists, British Journal of Occupational Therapy, vol. 77(3) 156-164, doi:10.4276/030802214X13941036266621 tiré du lien http://bjo.sagepub.com/content/77/3/156.full.pdf+html
Robinson G. E., (2003). STRESSES ON WOMEN PHYSICIANS: CONSEQUENCES AND COPING TECHNIQUES, DEPRESSION AND ANXIETY 17:180–189, DOI 10.1002/da.10069, tiré du lien http://journals2.scholarsportal.info.proxy.bib.uottawa.ca/pdf/10914269/v17i0003/180_sowpcact.xml
Statistique Canada (2006). National Survey of the Work and Health of Nurses, The Daily, tire du lien http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/061211/dq061211b-eng.htm
Statistique Canada (2012). Les taux de suicide : un aperçu, tiré du lien http://www.statcan.gc.ca/pub/82-624-x/2012001/article/11696-fra.htm
Tait D. S., Boone S., Litjen T., Dyrbye L. N., Sotile W., Satele D., Colin P.W., Sloan J., Oreskovich M. R., (2012). Burnout and Satisfaction With Work-Life Balance Among US Physicians Relative to the General US Population, Jama Internal Medicine, Vol 172(18) 1377-1385, doi:10.1001/archinternmed.2012.3199 tiré du lien http://archinte.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=1351351