lundi 13 octobre 2014

le numero d'ecoute de la MSA pour les agriculteurs adherents en detresse


Prévention du suicide : état des lieux

Soixante-dix membres des cellules pluridisciplinaires de prévention du suicide du réseau des caisses de MSA se sont réunis le 16 septembre, à la caisse centrale, pour faire le point sur leur activité et leur fonctionnement. Un bilan (ré)confortant.
Sous le regard d’Anne Claude Crémieux, médecin national de la MSA, le professeur Jean-Louis Terra a partagé son approche métier. © Christophe Gatschiné
Sous le regard d’Anne Claude Crémieux, médecin national de la MSA, le professeur Jean-Louis Terra a partagé son approche métier. © Christophe Gatschiné

Prévues dans le plan institutionnel d’actions contre le suicide 2011-2014 voulu par le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, ces services de repérage et d’accompagnement des ressortissants en difficulté sont désormais constitués dans la quasi-totalité des MSA.
Le nombre d’heures qui leur est consacré par les personnels des caisses (travailleurs sociaux, médecins du travail, médecins- conseils, conseillers en prévention) a plus que doublé entre 2012 et 2013 (de 4 600 à 9 800 heures). Une mobilisation transverse qui s’est traduite par un doublement des détections de situations de détresse sur la période (de 428 à 838).
Salués par Anne-Claude Crémieux, médecin national de la MSA, Michel Gagey, directeur de la santé-sécurité au travail, et Bruno Lachesnaie, directeur du développement sanitaire et social, les premiers résultats de cet engagement institutionnel constituent pour ce dernier « le début d’un chemin sur lequel il faut aller encore plus loin ».
Connaissance des facteurs de dangerosité, réactivité dans le signalement et l’évaluation des risques, communication des informations entre les contributeurs internes et externes, coordination entre les métiers pour la prise en charge, définition des modalités d’orientation, de suivi et de postvention, stress lié aux lourdeurs psychologiques des dossiers… le management de ces unités de travail singulières et la réalisation de leurs missions sont sources de difficultés et requièrent des compétences spécifiques que l’auditoire a pu mettre en commun.
Jean-Louis Terra, professeur de psychiatrie à l’Université Lyon 1, chef de service au centre hospitalier le Vinatier (Psymobile et centre de prévention du suicide) et membre de l’observatoire national du suicide, confirme que « ces agences d’avenir doivent s’équiper, obtenir leur brevet de secourisme psychique, pour aller aux portes des ténèbres et faire passer la souffrance de CDI en CDD ». Un constat qui milite pour la poursuite de l’investissement local en matière de formation, de sollicitation des professionnels des troubles de la personnalité et de partenariat entre tous les acteurs pour « cultiver l’art d’être successivement ensemble dans la fabrique de la prévention du suicide. »
Des pistes d’amélioration
La bataille contre ce fléau national (plus de 10 500 décès par suicide en 2011) se gagne sur le terrain. S’il n’existe pas de cellule type, ni de solution miracle, des leviers de professionnalisation se font jour :
  • Formations collectives en Basse-Normandie : l’agence régionale de santé (ARS) a inscrit dans son plan régional de santé la prévention du suicide parmi ses priorités. Elle finance deux formations annuelles, d’une durée de deux jours, auxquelles participent les membres de la cellule et les agents d’accueil de la MSA Côtes-Normandes. Dispensées par un psychiatre et un psychologue, elles s’adressent à tous les professionnels et bénévoles des organismes ressources (1 600 dans le département de la Manche) susceptibles d’être en contact avec des personnes suicidaires : professionnels de santé, pharmaciens, pompiers, gendarmes, personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, conseillers principaux d’éducation, éducateurs, membres d’associations, prêtres…
  • Appui d’un psychologue dans les MSA Ardèche Drôme Loire et Midi-Pyrénées Nord : comme onze autres MSA en 2013, les deux caisses bénéficient respectivement du soutien d’un psychologue de l’association Loire Prévention Suicide (23 entretiens en 2013) et d’un psychologue référent en lien avec le réseau des psychologues de l’Aveyron et du Tarn-et-Garonne avec lesquels une convention de partenariat a été conclue. Objectifs : optimiser l’évaluation des situations, se déplacer auprès des adhérents en détresse, faciliter les relations avec le secteur de la santé mentale et mobiliser ses professionnels.
  • Prise en charge des urgences à la MSA Auvergne : après la réception de l’appel téléphonique, la cellule propose un second contact avec l’un des collaborateurs compétents de la caisse (travailleur social, médecin du travail) auquel est transmis un fichier de liaison. Formé à ces questions et aidé d’un psychologue, le rappelant agit le plus rapidement possible dans la journée et oriente si nécessaire vers les urgences psychiatriques, en relation avec le Samu du Puy-de-Dôme.
  • Charte de confidentialité et demande d’autorisation Cnil à la MSA Gironde : pour que leurs missions soient strictement encadrées juridiquement, tous les membres de la cellule ont signé un engagement de confidentialité et de secret (professionnel et médical) à l’égard des propos qui pourraient être recueillis sur les cas individuels. Les données collectées dans le cadre du suivi et de l’évaluation de l’activité de la cellule font l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la Cnil (commission nationale de l’informatique et des libertés), en raison de leur nature et de leur finalité.
Les chiffres 2013 
34 caisses de MSA concernées :
  • 28 cellules sont activées (23 en 2012), 5 en cours de constitution et une en cours de réflexion ;
  • elles se réunissent, dans chaque caisse, 7 fois par an en moyenne ;
  • leur pilotage relève principalement de l’action sanitaire et sociale (55 % des cas) ;
  • la santé-sécurité au travail est le secteur le plus engagé (38 %). Viennent ensuite l’action sanitaire et sociale (24 %), et le contrôle médical (17 %) ;
  • la moitié des cellules collabore avec un (ou plusieurs) psychologue(s) ;
  • 28 % d’entre elles travaillent avec des associations et/ou des organismes professionnels agricoles (24 %), mais aussi en partenariat avec l’ARS (20 %) et/ou le conseil général (17 %).
838 situations détectées (428 en 2012) :
  • dans 305 cas, soit plus de 36 %, il s’agissait de situations urgentes avec risque suicidaire ;
  • 84 % d’entre elles ont fait l’objet d’un accompagnement ;
  • 63 % des signalements proviennent des caisses elles-mêmes, 20 % des intéressés ou de leur entourage familial, et 5 % de leur entourage professionnel ;
  • 75 % des personnes à risque sont des hommes ;
  • la tranche d’âge la plus représentée est celle des 45-54 ans (38 %) ; en élargissant la fourchette aux 35-64 ans, on trouve 86 % des cas ;
  • les exploitants agricoles sont les plus concernés (68 % des cas), puis les salariés (26 %).
 
La MSA lance, à compter du 13 octobre, un service d’écoute accessible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, pour le prix d’un appel local.
À partir de ce Numéro Cristal ®, les adhérents en situation de souffrance ou de détresse, ainsi que leurs proches, pourront dialoguer anonymement avec l’un des bénévoles des associations SOS Amitié et SOS Suicide Phénix. Des équipes d’écoutants qualifiés et formés aux entretiens empathiques à distance, qui ne se substituent pas aux professionnels de santé.
Un plan de communication est mis en place jusqu’en janvier 2015 pour faire connaître ce numéro (09 69 39 29 19) : presse agricole nationale et régionale notamment, en collaboration avec les partenaires nationaux de la MSA (ministères, FNSEA, Jeunes agriculteurs, Agrica, Mutualia…).


Christophe Gatschiné


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Agriculture - Lot-et-Garonne


Trop seuls, éloignés des centres de vie, «les agriculteurs ruminent leurs dettes dans leur tête. Il faut décloisonner cette solitude pour éviter le pire».
Pour prévenir le pire, la MSA met en place un numéro d'appel pour les agriculteurs en souffrance. Face au sujet tabou du suicide dans le monde agricole, la chambre d'agriculture dit oui et propose un partenariat.
Il avait 56 ans. Au fond d'un chemin du Villeneuvois, en mars 2005, son corps a été retrouvé à côté d'un fusil. Acte désespéré d'un producteur qui ne voyait plus le bout du tunnel. Isolement dans le huis clos familial de l'exploitation. Isolement que la MSA veut rompre en lançant aujourd'hui un numéro d'appel (*) pour les exploitants agricoles en souffrance psychologique. Le réseau d'écoutes a été formé pour entendre l'agriculteur lambda.
Le suicide dans le monde agricole est tabou. Pourtant, cet acte définitif, ses causes, ses raisons ont été intégrés dès 2010 dans un programme national, à la suite des vagues de suicides dans les entreprises publiques. Ce plan national concerne tous les ministères, dont l'Agriculture. Une enquête a été menée avec l'Institut de veille sanitaire (INVS).
Quatre selon la MSA
Avant la mise en place de ce dispositif, la seule source était les certificats de décès délivrés par les hôpitaux ou le médecin de la famille. «Avec cette étude, nous avons eu la confirmation que le métier d'agriculteur était plus suicidant que d'autres», détaille Pascal Duprat, médecin-chef du travail à la Mutualité sociale agricole à Agen. Ce spécialiste confirme que le suicide dans les fermes de Lot-et-Garonne n'est pas une vue sur le papier. En 2013, quatre exploitant(e) s ont mis fin à leurs jours. Soixante ont signalé «l'envie d'en finir». Au plan national, l'INVS établit à 140 le nombre de morts volontaires par an.
L'enquête nationale se voulait être une étude par filières. Ce n'est pas une surprise, les éleveurs sont les premiers concernés. Elle se voulait géographique, aussi. Zones les plus sensibles, la région Limousin dans son extension la plus grande, vers le Sud-Ouest. Les critères familiaux sont aussi pris en compte. «Le suicide concerne dans les trois-quarts des cas les hommes. Pour les tentatives, c'est l'inverse». Cas référencés en majorité, le célibat et son corollaire, l'isolement.
Sentinelles
Les causes ? «Elles sont en majorité économiques», rappelle le docteur Duprat. «Et par là même, elles sont totalement imprévisibles. Par définition, l'agriculteur ne peut pas jouer sur ses stocks, ses productions sont saisonnières». Aucun moyen de se retourner donc. Au fil des années d'études, «on sait qu'il se déroule une période de trois à douze semaines que l'on appelle la crise suicidaire. Pendant ce laps de temps, le suicidant ne dit plus rien mais il a déjà choisi le lieu, le jour, le moyen. Il n'existe que des éléments indirects qui permettent de déceler le scénario».
Existe-t-il en revanche, en amont, des outils pour identifier la souffrance ? C'est l'enjeu d'au moins deux réunions cette semaine, entre MSA, chambre d'agriculture et partenaires du monde agricole. La Mutualité entend mettre en place une veille, comme la Dordogne l'a fait avec deux «sentinelles».
Partenariat
Présidente de l'Apred (agriculteurs en difficultés, chambre d'agriculture), Sylvie Girard pousse à la création de ce dispositif ici. «Nous avons, ensemble, la capacité de déceler les situations difficiles», estime-t-elle. «Nous sommes tous conscients du phénomène, nos techniciens sont en veille constante».
La chambre d'agriculture comme le syndicalisme agricole dans son ensemble militent pour un partenariat resserré. «L'Apred est une antichambre qui nous permet d'approcher ces personnes (…) Les travailleurs sociaux de la MSA semblent avoir les mêmes difficultés que nous dans la détection. Ces cas, on doit les approcher à deux lors des visites dans les fermes. Avant qu'il ne soit trop tard…». Au sein de l'Apred mais aussi dans le cadre de l'association Info Installation, sont réunis chambre d'agriculture, centre de gestion, conseil général, banques.
Ces dernières devraient avoir un rôle clé dans la détection des situations financières difficiles, au même titre que les coopératives, qui continuent à faire la pluie et le beau temps économique chez leurs adhérents. «Nous connaissons tous des agriculteurs qui ne croisent personne de la journée, qui retournent leurs dettes dans leur tête. Au risque de déplaire au préfet, conclut Sylvie Girard, ne vaut-il pas mieux crier dans la rue que vivre son désarroi seul ?».
(09 69 39 29 19) les appels sont anonymes, identités non transmises à la MSA.