jeudi 10 juillet 2014

Le kamikaze est-il un malade mental comme un autre ?

Le kamikaze est-il un malade mental comme un autre ? Publié le 09/07/2014 sur  http://www.jim.fr/medecin/e-docs/le_kamikaze_est_il_un_malade_mental_comme_un_autre__146420/document_actu_med.phtml

Viva la muerte ! (Vive la mort !) proclamaient de manière sinistre les phalangistes espagnols : la mort vaudrait-elle donc la peine de perdre sa vie pour elle ? Confronté ainsi à un problème de terrorisme « endémique », le Proche-Orient fait trop souvent l’actualité avec des « attentats-suicides ». Un praticien exerçant à Beyrouth (Liban) propose une réflexion sur ce thème, dominé par cette interrogation récurrente : faut-il encore considérer comme des malades mentaux les sujets qui se suicident dans un tel contexte de conflit politique ou religieux ?
A priori, ces « individus militarisés » (même s’ils ne revêtent pas l’uniforme d’une armée officielle) ne présentent pas « nécessairement des souffrances d’un trouble mental caractérisé, mais visent volontairement à se suicider en choquant un maximum de gens », ou pour les entraîner eux aussi dans la mort. Par exemple, rappelle l’auteur, l’auto-immolation ou la grève de la faim peuvent certes provoquer le décès des intéressés, mais visent surtout à « influencer l’opinion publique. » Depuis les kamikazes japonais de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux terroristes du 11 Septembre 2001, l’objectif principal du « combattant suicidaire » n’est jamais sa disparition en elle-même, mais « le choc terrible que cette horrible façon de mourir va susciter dans l’esprit des autres » : terroriser l’adversaire, en « prenant la vie du plus grand nombre possible d’êtres humains, pour envoyer un message politique, culturel ou religieux. » Et derrière l’attentat meurtrier, le but visé par le terroriste n’est pas tant sa propre mort (passant seulement par « profits et pertes » dans sa détermination de « martyr ») que la terreur escomptée après ce massacre.
Cet aspect hétéro-agressif fait la particularité des kamikazes, par opposition aux bonzes vietnamiens et aux moines tibétains ayant choisi de s’immoler pour lancer un message politique, ou à l’étudiant Jan Palach dans l’ex-Tchécoslovaquie. Mais précisément, la dimension hétéro-agressive ne permet-elle pas de parler de comportements antisociaux ? Donc de réintégrer ces actes dans le spectre des troubles du comportement ? On peut repérer « deux aspects essentiels » de ces suicides : quand une personne estime « devoir mourir pour arrêter ses propres souffrances, ou devoir infliger des souffrances à des tiers. »
En admettant que cette « conceptualisation du suicide se produit toujours dans un environnement de grand stress », on peut en conclure, estime l’auteur, que ces comportements suicidaires relèvent d’une catégorisation proche des suicides liées à des affections psychiatriques (dépressions, psychoses, anorexie…) et que les candidats aux attentats-suicides « devraient être traités » comme des suicidants « habituels. » Vœu de principe… car en pratique les intéressés se gardent bien de demander de l’aide aux psychiatres et restent soumis, jusqu’à la fin, à l’influence des factieux ou des gourous exerçant une emprise fatale sur eux !
Dr Alain Cohen
Références
Rami Bou Khalil: To be or not to let others be: Is it relevant to the mental health field? Aust N Z J
Psychiatry, 2014; 48 : 505–506.
http://anp.sagepub.com/content/48/6/505.extract