lundi 25 juin 2012

MAROC CASABLANCA « Suicide et changements sociaux au Maroc »

Le taux de suicidalité atteint 24% : Le suicide fait des ravages parmi les jeunes Casablancais
sur www.libe.ma/ - 23/06/2012

La situation est grave et ne cesse d'empirer. Au cours d'une conférence organisée en milieu de semaine à Casablanca par la Fondation de la Mosquée Hassan II, le Pr. Driss Moussaoui, président de l'Association mondiale de psychiatrie sociale, en a dressé un tableau assez sombre. « Le suicide est un phénomène qui a commencé à prendre de plus en plus d'ampleur au Maroc. La fréquence de suicide parmi les individus de plus de 15 ans est de 16%. »
Cette conférence sous le thème : « Suicide et changements sociaux au Maroc », a été l'occasion pour le Pr. Moussaoui de mettre en lumière ce phénomène étranger à la société marocaine. Chiffres à l'appui, il a indiqué que « le suicide est un phénomène qui touche tous les âges ou presque, les deux sexes et toutes les classes sociales ». A titre d'exemple, il a mis en exergue une réalité frappante, selon laquelle « le taux de suicide chez les adolescents casablancais dépasse les 24% ».
Le Pr. Moussaoui, qui occupe aussi le poste de directeur du Centre collaborateur de l'OMS en santé mentale et en neurosciences, le fameux 36, a expliqué l'étendue de ce phénomène par le changement identitaire profond et par le délitement des liens sociaux que connaît le Maroc actuel. Selon lui, «le suicide a toujours existé mais semble devenir de plus en plus fréquent du fait des changements sociaux au Maroc et dans le monde. C'est aussi un tabou qui continue à résister à toutes les données scientifiques dans le domaine». Dans ce sens, il a précisé que malgré l'absence de chiffres officiels, le nombre de suicides rapportés par la presse augmente d'année en année.
Par ailleurs, il a fait part des facteurs poussant au suicide, notamment les troubles mentaux de type dépression, les troubles paniques, la schizophrénie ou trouble bipolaire. A ce titre, il a souligné que 10% de schizophrènes ou de bipolaires meurent par suicide. Parmi les autres facteurs poussant au suicide, il a cité la distension du lien social et l'isolement, les crises par dépassement des capacités d'adaptation et ce qu'il a appelé « l'accélération du temps partout dans le monde, y compris au Maroc ».
Le Pr. Moussaoui a, par ailleurs, rappelé que l'Organisation mondiale de la santé estime que le nombre de décès par suicide dans le monde au cours des 30 dernières années est supérieur à celui des décès par le sida. A cet égard, il s'est exclamé : « Pourquoi tout le monde parle de sida et personne ou presque de suicide?» avant d'affirmer qu'il y a plus de morts par suicide dans le monde que d'homicides, de victimes de guerres et de décès par accidents de la circulation. En matière de thérapie, il a affirmé que « la prévention du suicide se doit d'être en même temps médicale, en particulier à travers le diagnostic et le traitement de la dépression, qui est le principal facteur de risque, mais aussi des mesures sociales pour rendre la vie dans les villes et dans les campagnes plus humaine et moins dure».
Mohamed Taleb

+ du congrès :

sur mediating-numerique.com/fmh2ma/
 Suicide et changements sociaux au Maroc, Dr. Driss Moussaoui
Le 20 juin 2012
 Professeur à la Faculté de Médecine de Casablanca, Président de l’Association Mondiale de Psychiatrie Sociale, Directeur du Centre Collaborateur avec l’OMS en Santé Mentale et en Neurosciences, Membre de l’Académie Nationale de Médecine (France)

Le suicide a toujours existé mais semble devenir de plus en plus fréquent du fait des changements sociaux au Maroc et dans le monde. C’est aussi un tabou qui continue à résister à toutes les données scientifiques dans le domaine.
L’Organisation Mondiale de la Santé estime le nombre de décès par suicide dans le monde durant les 30 dernières années comme étant supérieur à celui des décès par Sida. Tout le monde parle de Sida et personne ou presque de suicide. Il y a plus de morts par suicide dans le monde que d’homicides, de victimes de guerres et que de décès par accidents de la voie publique réunis.
Le premier livre sur le suicide a été écrit en 1897 par le père de la sociologie moderne, Emile Durkheim. Son hypothèse de travail était l’anomie (état d'une société caractérisée par une désintégration des normes qui règlent la conduite des hommes et assurent l'ordre social). Cela a à voir avec l’identité et avec les liens sociaux, et reste d’actualité, y compris au Maroc. Un travail fait à Casablanca sur « Pratique religieuse, lien social et tentative de suicide » dans les années 90 avait démontré ce lien.
Le Maroc actuel se caractérise par un changement identitaire profond et par le délitement des liens sociaux. Malgré l’absence (volontaire) de chiffres officiels, le nombre de suicides rapportés par la presse augmente d’année en année : jusqu’à 9 suicides différents ont été rapportés en une seule journée. Le suicide touche tous les âges ou presque, les deux sexes et toutes les classes sociales. Les chiffres dont nous disposons actuellement concernent la « suicidalité », qui va de la préférence de la mort à la vie jusqu’à la planification d’un acte suicidaire. Dans la population générale marocaine de plus de 15 ans, la fréquence de suicidalité est de 16% ; chez les adolescents casablancais, ce chiffre dépasse les 24%.
Par ailleurs, des suicides à leur tour ont provoqué des mouvements sociaux (Amina Filali au Maroc) et politiques (Mohamed Bouazizi en Tunisie) importants.
Le principal facteur de risque du suicide est un trouble mental de type dépression, trouble panique, schizophrénie ou trouble bipolaire. En effet, 10% de schizophrènes ou de bipolaires meurent par suicide. Les principaux facteurs sociaux de suicide sont la distension du lien social et l’isolement d’un côté, ainsi que les crises par dépassement des capacités d’adaptation d’autre part (théorie de l’échec social ?)L’accélération du temps partout dans le monde, y compris au Maroc, est peut-être un facteur social d’augmentation du risque de dépression et donc de suicide.
La prévention du suicide se doit donc d’être en même temps médicale, en particulier à travers le diagnostic et le traitement de la dépression, qui est le principal facteur de risque, mais aussi des mesures sociales pour rendre la vie dans les villes et dans les campagnes plus humaine, moins dure.